Écrire Une militante des droits humains menacée de violences physiques

La célèbre militante des droits humains Sultana Kamal a été menacée de violences physiques par le groupe islamiste Hefazat-e-Islam après avoir participé à un débat télévisé. Les autorités doivent prendre des mesures immédiatement pour assurer sa protection, enquêter sur les menaces formulées contre elle et amener les responsables présumés de ces agissements à rendre des comptes.

Avocate et militante des droits humains bangladaise, Sultana Kamal a été directrice exécutive d’Ain O Salish Kendra, une ONG de défense des droits humains. Depuis le 2 juin, elle a reçu de nombreuses menaces de violences physiques de la part de sympathisants du groupe islamiste Hefazat-e-Islam (ci-après, Hefazat). Ces menaces sont liées à une controverse récente sur le retrait, le 26 mai 2017, d’une statue de la Justice érigée devant la Cour suprême de Dacca. Bien que les autorités affirment que l’initiative de retirer cette statue n’émane pas d’elles, mais de la Cour, les personnes qui critiquent cette décision affirment que le gouvernement l’a prise pour s’attirer les faveurs des groupes islamistes conservateurs. Certains de ces groupes ont fait campagne pendant plusieurs mois pour que la statue soit démantelée, y voyant une « idole » contraire à l’islam.

Le 28 mai, Sultana Kamal a participé à un débat télévisé sur la chaîne privée News 24 avec le mufti Shakhawat Hossain, membre de Hefazat. Au cours du débat, Shakhawat Hossain a affirmé que la statue était une structure religieuse et qu’aucune structure religieuse n’avait sa place dans l’enceinte de la Cour suprême. Sultana Kamal, se plaçant sur le plan de la théorie, a répondu que dans ce cas, logiquement, « aucune mosquée n’avait sa place dans cette enceinte non plus ». Shakhawat Hossain n’a pas réagi de façon négative pendant l’émission, ni les jours qui ont suivi. Cependant, le 2 juin, pendant la prière du vendredi dans la plus grande mosquée du pays, Baitul Mukarram, à Dacca, les propos de Sultana Kamal ont été déformés.

Le vice-président de Hefazat, Junayed Al Habib, a déclaré : « Comment Sultana Kamal ose-t-elle ! Elle a dit que si cette statue n’était pas dans le pays, il ne devrait pas y avoir de mosquée dans le pays non plus. Si vous [Sultana Kamal] sortez dans la rue, nous allons vous briser tous les os du corps. » Hefazat a également exigé qu’elle soit arrêtée dans les 24 heures ou contrainte à quitter le pays. Depuis le 2 juin, des sympathisants de Hefazat ont posté sur YouTube de nombreuses vidéos où ils menaçaient Sultana Kamal ou incitaient à la violence à son encontre.

Le 6 juin, la police de Dacca a annoncé, sans donner davantage de précisions, qu’elle avait pris des mesures pour protéger Sultana Kamal. À la connaissance d’Amnesty International, cependant, aucun haut responsable de l’État n’a condamné publiquement les menaces proférées contre elle, et aucune enquête de police n’a été ouverte sur ces menaces.

Hefazat-e-Islam est une coalition de groupes islamistes qui entretient des liens étroits avec le système qomi du Bangladesh, le système des madrasas (écoles coraniques) privées qui fonctionnent en dehors de tout contrôle de l’État.

La statue incriminée était une représentation de la Justice sous l’apparence d’une femme aux yeux bandés, une épée dans une main et une balance dans l’autre, et vêtue d’un sari traditionnel bangladais. Des groupes islamistes conservateurs, dont Hefazat-e-Islam, ont fait campagne pendant plusieurs mois pour obtenir son retrait, affirmant qu’il s’agissait d’une « idole » et qu’elle était par conséquent contraire à l’islam. Le 26 mai, la statue, qui se trouvait devant la Cour suprême, a été déplacée vers un nouvel emplacement, à quelques centaines de mètres du précédent.

Bien que les autorités aient affirmé que l’initiative du démantèlement émanait de la Cour suprême, la décision a été largement critiquée par des organisations de défense des droits humains, entre autres, qui y ont vu une façon pour les autorités d’apaiser les groupes conservateurs. Après le retrait de la statue, des représentants de Hefazat ont réclamé publiquement le retrait de toutes les statues au Bangladesh.

Le droit à la liberté d’expression est garanti par des traités relatifs aux droits humains auxquels le Bangladesh est partie, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Aussi, les représentants de l’État du Bangladesh ne doivent pas imposer de restrictions excessives ou arbitraires à l’exercice de ces droits. De toute évidence, Sultana Kamal n’a fait qu’exercer pacifiquement son droit à la liberté d’expression et ne devrait pas être soumise à des menaces.

Les autorités bangladaises ont un bilan médiocre en ce qui concerne la protection des défenseurs des droits humains et la traduction en justice de ceux qui menacent ces défenseurs. Dans un rapport récent (en anglais), Amnesty International a montré que les militants des droits humains, quand ils se tournaient vers la police pour demander une protection après avoir reçu des menaces, étaient souvent ignorés ou harcelés, voire menacés de poursuites judiciaires.

Pour plus d’informations, consultez le document intitulé Caught between fear and repression : Attacks on freedom of expression in Bangladesh, disponible ici. De plus, il est extrêmement rare que les auteurs de menaces ou d’agressions contre des militants soient traduits en justice. Ainsi, bien qu’au moins sept militants laïcs aient été tués par des groupes armés au Bangladesh depuis 2013, les auteurs présumés de ces homicides n’ont été reconnus coupables et condamnés que dans une seule de ces affaires.

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