Écrire Une victime de harcèlement sexuel risque la prison

Baiq Nuril Maknun, salariée d’un lycée public sur l’île de Lombok, en Indonésie, a été déclarée coupable d’avoir diffusé du contenu pornographique après avoir enregistré une conversation au cours de laquelle le chef de son établissement la harcelait sexuellement. La Cour suprême a annulé le jugement rendu par le tribunal local de Mataram, qui l’avait déclarée non coupable, et elle a été condamnée à six mois d’emprisonnement et 500 millions de roupies indonésiennes (34 218 dollars américains) d’amende avec possibilité de faire appel.

Baiq Nuril Maknun, employée temporaire d’un lycée public de Mataram, sur l’île indonésienne de Lombok, affirme avoir reçu de nombreux appels du chef de cet établissement, durant lesquels il se vantait de ses relations sexuelles et de ses tentatives pour avoir des rapports sexuels avec elle dans un hôtel. En août 2014, Baiq Nuril Maknun a enregistré une conversation avec lui sur son téléphone afin de prouver le harcèlement sexuel et de démentir les rumeurs selon lesquelles elle avait une liaison avec lui. Elle a ensuite laissé son téléphone chez son frère pour qu’il soit gardé en sécurité et l’a récupéré quatre mois après, en décembre 2014.

Sans qu’elle le sache, son frère a décidé de communiquer l’enregistrement à un de ses collègues pour qu’il soutienne la position de sa sœur. Celui-ci l’a par la suite transmis à d’autres collègues, qui ont dénoncé le comportement du chef d’établissement. Baiq Nuril Maknun, qui a été victime de brimades supplémentaires à cause de la diffusion de cet enregistrement sans son consentement, a perdu son emploi tandis que le chef d’établissement a été réaffecté à un poste au sein du même organisme. Il n’a fait l’objet d’aucune enquête des autorités pour l’avoir harcelée sexuellement. En revanche, il l’a accusée auprès de la police d’avoir produit et diffusé illégalement du contenu pornographique – une infraction visée par les articles 27-1 et 45-1 de la Loi de 2008 relative à l’information et aux transactions électroniques.

Bien que Baiq Nuril Maknun ait été innocentée à l’issue de la première audience devant le tribunal local de Mataram le 26 juillet 2015, le procureur a fait appel de cette décision devant la Cour suprême. Le 26 septembre 2018, la Cour suprême a déclaré Baiq Nuril Maknun coupable et l’a condamnée à six mois d’emprisonnement et une amende de 500 millions de roupies indonésiennes (34 218 dollars américains). En raison du tollé suscité par le verdict de la Cour suprême, le parquet a décidé de suspendre sa peine de prison le 19 novembre 2018, seulement deux jours avant la date où elle devait commencer à la purger. Cette suspension va permettre à Baiq Nuril Maknun et ses avocats de tenter d’obtenir une révision judiciaire pour contester le jugement.

Baiq Nuril Maknun, âgée de 40 ans, est actuellement femme au foyer à Labu Api, dans le cabupaten de Lombok occidental, qui fait partie de la province indonésienne des Petites îles de la Sonde occidentale. Elle était auparavant employée temporairement au sein des services administratifs d’un lycée public à Mataram, chef-lieu de la province. Son contrat a été rompu car elle a enregistré une conversation sur un téléphone portable. Par la suite, elle a été condamnée à une peine de prison lors d’une procédure en cassation pour avoir enregistré une conversation qui constituait une preuve de harcèlement sexuel, tandis que l’auteur des faits n’a fait l’objet d’aucune enquête et a même été promu. De plus, Baiq Nuril Maknun a vu son état de santé physique et psychique se dégrader car elle a subi des brimades supplémentaires à cause de la diffusion de la conversation sans son consentement.

Dans le même temps, le chef de l’établissement où elle travaillait a dénoncé Baiq Nuril Maknun en invoquant l’infraction de diffusion illégale de contenu pornographique et des dispositions en matière de diffamation prévues par la Loi relative à l’information et aux transactions électroniques, alors qu’elle n’était pas responsable de la transmission des enregistrements à d’autres personnes. Les articles 27 et 28 de cette loi sont utilisés pour poursuivre pénalement des personnes qui exercent leur liberté d’expression par le biais de moyens de communication électroniques, notamment en partageant des opinions sur les réseaux sociaux, en rédigeant des articles de blogs, etc.

Depuis 2008, le Réseau pour la liberté d’expression en Asie du Sud-Est (SAFENet) a relevé 245 procédures engagées au titre de ces articles, à la suite d’allégations formulées par des fonctionnaires dans 35 % des cas. Ces dispositions sont souvent détournées pour étouffer les critiques ou les informations faisant état d’allégations pénales concernant des fonctionnaires. Dans le cas présent, leur application risque d’avoir des conséquences inquiétantes pour les victimes de violences sexuelles ou sexistes qui signalent ces faits aux autorités. Ces dispositions draconiennes n’ont toujours pas été modifiées, bien qu’elles aient fait l’objet de nombreuses révisions judiciaires.

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