La lettre de Eynulla Fatullayev aux militants et sympathisants d’Amnesty

La traduction française :

" À tous les militants d’Amnesty International

Cher(e)s ami(e)s,

Je suis un ancien prisonnier d’opinion et je m’appelle Eynulla Fatullayev. Il y a quelques jours, j’ai regagné ma liberté chérie, grâce aux efforts de la communauté internationale. Je suis absolument certain que c’est votre soutien et votre combat inlassable pour le respect de mes droits qui m’ont permis de retourner à la vie. Le régime politique azéri, qui est marqué par un despotisme criminel, m’a maintenu derrière les barreaux durant près de quatre ans. J’ai été, à plusieurs reprises, transféré d’une prison à une autre et ai été inculpé d’accusations absurdes et inconcevables. Toutes ces mesures répressives, cruelles et impitoyables servaient un objectif : maintenir emprisonné le plus longtemps possible le journaliste qui s’était montré assez courageux pour défier ce régime criminel. J’étais entre la vie et la mort. J’ai été témoin du mal et ai vu des agents du mal. J’ai été confronté quotidiennement au mal car j’étais soumis à l’autorité de personnes horribles. Et il y avait une raison à cela : je m’étais efforcé d’exprimer mon avis sur les voleurs corrompus qui ont ruiné l’avenir de mon pays.

À présent, alors que je tente de reconstruire ma vie, je vois clairement que la vie dans des chambres de torture n’a pas de sens, elle met un terme aux rythmes normaux de l’existence. En prison, la vie est supprimée car la violence cherche à effacer tous les signes de vitalité et de viabilité.

Cependant, c’étaient vous, mes amis et mes sauveurs d’Amnesty International qui ont maintenu allumée la flamme de l’espoir dans mon âme. J’ai reçu des messages de vous alors que je me trouvais dans les lieux les plus éloignés et dans des situations désespérées. Ces messages ont conforté mon âme et m’ont donné de l’espoir dans des situations inextricables. Votre travail de campagne et vos lettres ont maintenu l’espoir en moi et m’ont aidé à sortir de l’abîme de désespoir. Amnesty International a, de nouveau, prouvé son inestimable valeur, son espoir de salvation.

Je vous suis reconnaissant. Vous avez sauvé ma famille de la mort et je ne vous oublierai jamais, jusqu’à la fin de mes jours. Je n’étais pas seul dans ma prison, en hiver ou en été, les jours sombres ou les jours brillants. Et de nouveau, c’était Amnesty International qui a contribué à cela. Beaucoup de personnes dans mon pays - mes lecteurs, ceux qui soutenaient mon combat ou simplement ceux qui ont sympathisé avec mon sort étaient certains que je quitterai le pays pour éviter de nouvelles persécutions. Cependant, je n’ai moralement pas le de droit de faire cela car ma salvation et ma libération vont de pair avec la salvation de notre société qui est annihilée par ce pouvoir autoritaire. C’est ma mission de servir les idéaux préconisés par Amnesty International chaque heure, chaque jour, chaque année. C’est notre mission de sauver ce monde de l’injustice. Pour parvenir à cet objectif, il est essentiel de mettre la conscience en mouvement. Comme l’a dit l’un de mes auteurs préférés Fazil Iskander : « Jamais personne dans l’histoire n’a essayé de faire de la conscience l’instrument principal d’un gouvernement national. Je ne veux pas dire le seul instrument, je veux dire le principal. Dans l’hypothèse où nous pourrions demander à Dieu si nous pouvons diriger le peuple à l’aide de la conscience, il répondrait : ‘C’est ce que j’ai cherché à faire par le biais de mon Fils, cependant, aucun dirigeant ne l’oserait. »

Merci beaucoup pour le soutien que vous apportez à la conscience et à Dieu car la conscience est la présence de Dieu parmi nous.

Je vous salue tous.

Bien à vous, "

Contexte présenté dans notre action urgente du 23 mars 2010

Le 30 décembre 2009, de nouvelles charges ont été retenues contre Eynoulla Fatoullaïev, initialement incarcéré pour diffamation en avril 2007. Plus tard en 2007, il avait été condamné pour terrorisme, incitation à la haine à l’égard d’une ethnie et évasion fiscale. Amnesty International estime que ces accusations ont été forgées de toutes pièces et considère cet homme comme un prisonnier d’opinion.

Selon un porte-parole des services pénitentiaires d’Azerbaïdjan, le 29 décembre 2009, des gardiens ont trouvé 0,22 g d’héroïne dans les chaussures et une manche de la veste d’Eynoulla Fatoullaïev après l’avoir fouillé dans sa cellule. Celui-ci a indiqué à son père qu’une fois entrés dans la cellule, les gardiens n’ont fouillé que sa veste et ses chaussures, et non l’ensemble de la pièce. Les gardiens ont déclaré qu’ils avaient reçu une dénonciation anonyme. Eynoulla Fatoullaïev, qui n’a jamais fait usage de stupéfiants, nie fermement ces accusations et affirme que la drogue a été dissimulée dans ses affaires. Le 30 décembre, un échantillon de sang lui a été prélevé afin de détecter la présence éventuelle de drogue.

Le jour même, il a été inculpé de détention de drogues illicites et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a publié un communiqué de presse condamnant les persécutions incessantes dont cet homme était victime. Le représentant pour la liberté des médias, Miklos Haraszti, a déclaré qu’il avait « rendu visite deux fois à Eynoulla Fatoullaïev dans sa prison de haute sécurité et [trouvait] les allégations de trafic ou de possession de drogue très improbables ».

À l’issue d’une audience qui s’est tenue le 31 décembre 2009, un juge du tribunal du district de Garadag a ordonné le placement à l’isolement d’Eynoulla Fatoullaïev pendant deux mois, en attendant son procès. Selon son père, il a été transféré en unité sécurisée dans le village de Kyurdakhany, à environ 16 kilomètres de Bakou.

Le 2 février, les autorités ont rendu public le résultat de l’examen de sang d’Eynoulla Fatoullaïev, mais pas l’analyse détaillée. Selon elles, de faibles traces de métabolites trahissant l’usage d’héroïne ont été trouvées dans son sang, mais pas en quantité suffisante pour démontrer qu’il devait entamer une cure de désintoxication.

Eynoulla Fatoullaïev dément ces résultats et pense qu’ils ont été truqués car l’examen a été pratiqué dans une structure médicale gérée par l’État. Les requêtes déposées par l’avocat qui assure sa défense pour demander un examen indépendant ont été rejetées par le tribunal. Les autres centres d’analyses médicales, contactés par Amnesty International pour pratiquer un examen de sang en toute indépendance, ont refusé car il s’agit d’une affaire trop sensible sur le plan politique.

Les nouvelles accusations formulées contre Eynoulla Fatoullaïev pourraient allonger de trois ans sa peine actuelle, qui doit s’achever en 2016.

Amnesty International pense que l’incarcération de cet homme a pour objectif de le réduire au silence car ses articles critiquaient le gouvernement. Elle le considère comme un prisonnier d’opinion. Par conséquent, l’organisation pense que les nouvelles charges retenues relèvent d’une tentative des autorités visant à le discréditer encore davantage, à l’heure où son cas est examiné par la Cour européenne des droits de l’homme.

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