Les victimes de torture ont droit à la justice

Une campagne mondiale qui prend fin... Ce 26 juin, Journée internationale contre la torture, marque la fin de la campagne mondiale Stop Torture, lancée en 2014. Elle a mobilisé plus de deux millions de personnes. Nous vous donnons aujourd’hui l’opportunité de signer une dernière fois pour montrer votre soutien aux victimes de torture des pays cibles de la campagne. Vos signatures, accompagnées d’une description précise de chaque cas, seront remises aux ambassades concernées lors d’un parcours à vélo organisée par Amnesty International le dimanche 26 juin, à laquelle nous vous convions par ailleurs (inscription obligatoire sur notre site, possibilité de louer gratuitement un vélo). ... mais des actions contre la Torture qui continuent ! La pétition est adressée aux chefs d’État des Philippines, du Mexique, d’Ouzbékistan et du Maroc et rassemble différents cas, dont vous trouverez le détail ci-dessous en cliquant sur "Complément d’information". Nous vous remercions pour votre mobilisation contre la torture depuis deux ans. Bien sûr, notre combat contre ce fléau ne s’arrête pas avec la fin de la campagne : nous continuerons d’agir pour que les États respectent leurs engagements et pour soutenir les victimes sur tous les continents.

MAROC

La torture est fréquemment employée par les forces marocaines de sécurité afin d’extorquer des “aveux”, de réduire des militants au silence et d’étouffer la dissidence. Figurent parmi les victimes de la torture des étudiants, des militants politiques de tendance de gauche ou islamiste, des partisans de l’auto-détermination du Sahara occidental, ainsi que des personnes soupçonnées de terrorisme ou d’infractions de droit commun. Certaines personnes qui osent porter plainte et demander justice sont même poursuivies pour “dénonciation calomnieuse” et “fausse dénonciation d’une infraction”. L’impunité perdure malgré la promesse des autorités de respecter les droits humains.

Ali Aarrass a été extradé au Maroc par les autorités espagnoles en décembre 2010. Il y purge actuellement une peine de 12 ans de prison. Après son extradition, Ali Aarrass a déclaré avoir été maintenu au secret et torturé pendant 12 jours dans un centre de détention géré par la Direction générale de la surveillance du territoire, des allégations qui ont été confirmées par le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture. Le Maroc n’a toujours pas ouvert d’enquête adéquate à ce sujet. En 2013, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a déterminé qu’il avait été condamné à l’issue d’un procès inique s’appuyant sur des « aveux » obtenus sous la torture. En 2012, Ali Aarrass a formé un recours devant la Cour de cassation, l’autorité suprême de la justice marocaine qui a le pouvoir d’annuler ou de confirmer sa condamnation, ou d’ordonner un nouveau procès. La Cour de cassation ne s’est toujours pas prononcée à ce sujet alors qu’elle est tenue de statuer sur les pourvois formés par les détenus dans un délai maximum de trois mois à partir de la date de réception du dossier. Ali Aarrass, qui possède la double nationalité belge et marocaine, n’a toujours pas pu bénéficier de l’assistance consulaire belge, qu’il demande pourtant depuis des années.

Wafae Charaf, une militante étudiante et adjointe du secrétaire général du bureau local de l’Association marocaine des droits de l’homme (AMDH) de Tanger, a été enlevée et torturée par deux agents de police en civil le 29 avril 2014, après qu’elle ait participé à une protestation ouvrière sous forme de sit-in. Elle a déclaré avoir été tabassée, humiliée et menacée de mort si elle continuait de participer à des sit-in de ce genre. Wafae a déposé une plainte qui a été classée sans suite. Elle a ensuite été poursuivie pour « dénonciation calomnieuse, dénonciation aux autorités publiques d’une infraction qu’elle sait ne pas avoir existé et production de fausses preuves relatives à une infraction imaginaire ». Elle purge une peine de 2 ans de prison ferme et elle a reçu une amende de 50 000 dirhams (6 000 USD) de dommages et intérêts à la police marocaine.

OUZBÉKISTAN

La torture et autres formes de mauvais traitements ont un rôle central dans le système de justice du pays. La police et les forces de sécurité recourent fréquemment à la torture pour arracher des “aveux”, intimider des familles entières ou extorquer de l’argent.
Les membres, réels ou présumés, de mouvements islamiques ou de groupes ou partis islamistes frappés d’interdiction en Ouzbékistan, ainsi que les membres de partis politiques d’opposition étant tout particulièrement la cible de ces sévices. Il est très fréquent dans le pays que des personnes soient poursuivies pour appartenance à des associations ou groupes illégaux, ce chef d’inculpation pouvant parfois inclure des membres de groupes religieux indépendants, essentiellement des musulmans qui prient à la mosquée ou derrière un imam qui n’est pas sous le contrôle de l’État. Actuellement, quelque 10 000 personnes se trouvent derrière les barreaux pour de tels motifs. La torture est un problème endémique en Ouzbékistan.

Les forces de sécurité ouzbèkes s’en prennent à des familles entières. Très souvent, tous les membres d’une même famille sont placés en détention arbitraire, torturé et soumis à d’autres mauvais traitements pour les obliger à reconnaître des accusations forgées de toutes pièces. Les actes de torture sont souvent commis par les autorités dans des centres de détention secrets où les salles de torture sont insonorisées avec des murs capitonnés. Des victimes de torture ont notamment affirmé qu’il existe des salles de torture souterraines dans les postes de police. Les autorités ouzbèkes nient effrontément toutes les accusations contre eux. Ces dernières années, les personnes qui risquent tout particulièrement d’être victimes de torture ou d’autres formes de mauvais traitements sont de plus en plus souvent des femmes et des hommes accusés d’atteinte à la sûreté de l’État ou à la législation antiterroriste, ou condamnés pour ce type d’infractions. Les autorités ouzbèkes invoquent souvent la sécurité nationale, l’antiterrorisme et la lutte contre les activités “hostiles à l’État” pour justifier les mesures répressives prises contre des musulmans “indépendants” et des membres réels ou présumés de groupes ou parties islamistes non autorisés. Il y aurait 6 000 détenus.

Mouhammad Bekjanov, âgé de 61 ans, est journaliste et rédacteur en chef du journal du parti politique Erk (Liberté), une formation interdite en Ouzbékistan. Il a été condamné à 15 ans de prison, en août 1999, lors d’un procès inique ; ses « aveux » extraits sous la torture avaient été utilisés pour l’inculper. Il a subi des actes de torture tels que des brûlures de cigarettes, des séances d’asphyxie et des décharges électriques. Aucune enquête n’a été menée sur ses allégations de torture. Mouhammad Bekjanov devait être libéré en février 2012, mais le tribunal l’a condamné à quatre ans et huit mois d’emprisonnement supplémentaires pour avoir enfreint le règlement de la prison.

Mirsobir Khamidkariev était un demandeur d’asile ouzbek en Russie. Il a été enlevé, torturé et extradé par les forces de sécurité ouzbèkes avec l’aide des forces de sécurité russes. En Ouzbékistan, Mirsobir a été torturé pendant deux mois. Ses « aveux » ont été utilisés pour le condamner à huit ans de prison pour complot contre l’État. Des douzaines de demandeurs d’asile, de réfugiés et de travailleurs migrants ont été expulsés de Russie, voire enlevés, et renvoyés de force en Ouzbékistan, où ils ont été torturés.

PHILIPPINES

Une culture généralisée de l’impunité permet aux policiers de commettre des actes de torture sans être inquiétés. Chaque individu arrêté pour un vol ou une infraction présumé risque d’être torturé ou maltraité pendant sa garde à vue. Malgré l’adoption de la Loi contre la torture, en novembre 2009, qui érige en infraction les actes de torture, cette pratique est encore très répandue pendant les interrogatoires dans certains postes de police. Cependant, en mars 2016, une décision historique a été prise : un policier a été déclaré coupable de torture sur la personne de Jerryme Corre. Il s’agit de la première condamnation en vertu de la loi contre la torture de 2009.

Jerryme Corre, âgé de 30 ans, rendait visite à un parent dans la province de Pampanga, le 10 janvier 2012, quand au moins 10 motocyclistes inconnus, armés et en civil sont arrivés. Ils l’ont obligé à se coucher à plat ventre par terre. Jerryme Corre a été roué de coups de poing et de pied, sur les côtés, dans le cou, dans le ventre et dans les genoux. Il a ensuite été emmené dans un camp de la police où ils ont continué à le rouer de coups. Les policiers se sont relayés toute la nuit pour le frapper. Ils lui ont bandé les yeux, ils l’ont déshabillé. Le lendemain, ils lui ont mis un linge sur la bouche et lui ont versé de l’eau dans la gorge pour lui faire “avouer”. Jerryme Corre continuait de nier être la personne qu’ils recherchaient, les policiers ont changer de technique - ils amenèrent des fils électriques sous tension pour continuer l’interrogatoire. Le lendemain, il a été forcé à signer un document sans le lire. Il a été inculpé d’atteinte à la législation sur les stupéfiants. Huit jours après son arrestation et les tortures infligées, Jerryme Corre a été conduit à l’hôpital mais il n’a pas été examiné par un médecin. Sa femme a déposé une plainte au bureau régional de la Commission des droits humains, laquelle a procédé à un examen médical le 1er février 2012. Cet examen a établi que Jerryme portait des cicatrices compatibles avec l’administration de décharges électriques et des coups assenés avec la crosse d’un revolver. Le 19 juillet 2012, la Commission des droits humains a conclu que la Loi contre la torture avait été transgressée et a déposé un dossier auprès du ministère de la Justice qui a recommandé l’ouverture de poursuites contre deux policiers. Il faudra attendre mars 2016 pour qu’une condamnation ait lieu. Cependant, Jerryme Corre est toujours détenu en prison bien que les charges contre lui soient basées sur des “aveux” extraits sous la torture.

Dave Enriquez, un jeune homme qui est atteint de troubles mentaux, a été arrêté en juillet 2012 après avoir été accusé d’avoir volé deux coqs. Au poste de police, quatre policiers l’ont frappé avec une pagaie en bois, lui ont écrasé les doigts avec une agrafeuse et lui ont cogné la tête sur la porte en métal de sa cellule. Le lendemain, Dave Enriquez a été examiné à l’hôpital où les docteurs ont affirmé que son état de santé était normal. Il a été libéré six jours après son arrestation. Sa famille a déposé une plainte auprès de la Commission des droits humains, mais leur plainte a été rejetée pour manque de preuves.

MEXIQUE

La torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont très répandus. Ils sont souvent approuvés, tolérés ou ignorés par les responsables de l’application des lois ainsi que par les supérieurs hiérarchiques, les procureurs, les juges, voire certaines commissions des droits humains. Il en résulte une impunité quasi totale pour les auteurs, et une véritable peur de la population qu’une arrestation, quel qu’en soit le motif, ne débouche sur des actes de torture.
Entre 2010 et 2013, la Commission nationale des droits humains a reçu plus de 7 000 plaintes pour torture et autres traitements.
Des 1 662 plaintes pour torture et mauvais traitement reçues par la Commission nationale des droits humains, 1 seule condamnation a été prononcée.

Des policiers et des militaires ont torturé et autrement maltraité Ángel Amílcar Colón Quevedo, un Noir de nationalité hondurienne, du fait de son statut de migrant et de la couleur de sa peau. Ils l’ont frappé, quasiment asphyxié à l’aide d’un sac en plastique, déshabillé de force, contraint d’effectuer des actes humiliants et couvert d’insultes racistes. Il avait été inculpé sur la base de la déclaration qu’il a faite à la suite de ce traitement. Il a été libéré en 2015, après avoir passé six ans en prison sur base d’aveux extraits sous la torture.

Au Mexique, la torture est devenue un crime en 1991. Il y a eu depuis sept condamnations pour torture prononcées au niveau fédéral, alors que des milliers de plainte sont déposées chaque année. Un groupe de femmes survivantes de la torture a lancé la campagne "Rompiendo el silencio" (Briser le silence) qui a obtenu du gouvernement qu’une Task Force soit mise en place pour enquêter les allégations de torture, en 2015. Jusqu’à présent, aucun cas n’a été étudié par cette Task Force.

Claudia Medina Tamariz est une survivante de la torture qui milite sans relâche pour mettre fin à la culture d’impunité qui caractérise l’utilisation généralisée de la torture au Mexique. Elle avait été torturée et agressée sexuellement par des militaires de la marine mexicaine en août 2012. Elle était accusée d’être membre d’une bande criminelle violente, ce qu’elle a toujours nié. Elle a été libérée en février 2015 après que la dernière charge retenue contre elle a été abandonnée. Elle a déposé une plainte pour torture devant le parquet fédéral mexicain, mais aucune enquête n’a été ouverte à ce jour.

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