Lutter contre le terrorisme sans sacrifier les droits humains

Fomusoh Ivo Feh, un étudiant de 27 ans, risque 20 ans d’emprisonnement pour avoir envoyé un message à ses amis. Dans ce message, il disait en plaisantant qu’il était si difficile de trouver un bon emploi au Cameroun qu’il était plus facile de rejoindre le groupe armé Boko Haram. Son message a été lu par un professeur et Fomusoh Ivo Feh et deux de ses amis ont rapidement été arrêtés et inculpés de « tentative d’organiser une rébellion contre l’État ». Méprise des droits fondamentaux au nom de la lutte contre le terrorisme Fomusoh Ivo Feh n’est qu’une personne parmi beaucoup d’autres qui ont vu leurs droits fondamentaux bafoués dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Cameroun. La loi antiterroriste adoptée récemment définit le terrorisme en des termes si vagues et généraux que les autorités peuvent traiter n’importe qui comme un suspect, ce qui a de lourdes conséquences. Plus de 1 000 personnes ont été accusées de soutenir Boko Haram, la plupart du temps sur la base de très peu d’éléments de preuve. Des villages entiers ont été détruits et des centaines d’hommes et de garçons ont été rassemblés, forcés à monter dans des camions militaires et n’ont plus jamais été vus. Les conditions de détention en prison sont déplorables : torture, malnutrition, surpopulation et mauvaises conditions sanitaires sont monnaie courante. Jusqu’à huit personnes meurent tous les mois à la prison de Maroua. Les personnes qui survivent jusqu’à leur procès ont des droits très limités (…)

En décembre 2014, suite aux violentes attaques et exactions (homicides intentionnels, des attaques contre des biens de caractère civil, des détournements de fonds, des pillages et des enlèvements) commises par Boko Haram contre sa population, le gouvernement Camerounais a promulgué une loi ordonnant la répression des actes de terrorisme. Cependant cette loi menace de nombreux droits et libertés fondamentaux garantis par le droit international et la Constitution du Cameroun, comme la liberté d’association et de réunion. En effet, la loi autorise la détention de suspects sans chef d’inculpation pour une période de 15 jours renouvelables sans limitation de durée. Elle prévoit même la peine de mort pour toutes les personnes coupables de réaliser, d’assister ou de soutenir des actes de terrorisme.

Crimes de droit international et violations des droits humains
Dans la lutte contre le terrorisme, les forces de sécurité (FS) camerounaises ont commis des crimes de droit international ainsi que des violations des droits humains (des arrestations arbitraires massives, des exécutions extrajudiciaires, des recours excessifs à la force, des disparitions forcées, des morts en détention et des traitements inhumains et dégradants).

Ainsi, le 27 décembre 2014, lors d’une opération de ratissage, les forces de sécurité camerounaises ont tué au moins 9 personnes par des tirs et ont arrêté plus de 200 hommes et garçons et les ont conduits à la légion de gendarmerie de Maroua. Durant cette opération, des propriétés privées ont été détruites. Dans la nuit du 27 au 28 décembre, au moins 25 personnes sont mortes en détention. 45 ont été transférées à la prison de Maroua. Parmi les 45 personnes se trouvant en prison, 3 sont décédées, et les 42 toujours en vie n’ont à ce jour pas été présentées devant un juge. Par ailleurs, aucune information n’a été communiquée sur les plus de 130 personnes portées disparues ni sur l’identité des 25 décédées en détention et leur lieux de sépulture.

Dans le cadre de la loi de répression du terrorisme, un recours systématique aux tribunaux militaires est prévu. Cependant, la manière dont les investigations et les procès sont menés soulève un certain nombre d’inquiétudes, dont le manque d’indépendance, d’impartialité et de compétence de ces juridictions, ainsi que des violations du droit à l’égalité devant les tribunaux.

Des populations prises au piège par les exactions du gouvernement
La pauvreté et le faible taux d’alphabétisation fragilisent les populations des villages de la région de l’Extrême-Nord. La majorité d’entre eux ignorent leurs droits et, quand ils reconnaissent la violation de leurs droits fondamentaux, ils ne savent pas comment initier un recours devant les autorités compétentes. Par ailleurs, la présence des organisations de défense des droits humains est très faible dans cette région. Les quelques organisations locales qui y sont présentes, agissent de manière isolée et ont des capacités et ressources limitées nécessitant un renforcement urgent.

De plus, dans le contexte actuel camerounais, les débats mettent l’accent sur l’unité nationale et il est attendu de tous les citoyens un soutien inconditionnel auprès des forces de sécurité. Toute action allant dans le sens contraire est susceptible d’être qualifiée ‘d’actions de démoralisation des troupes’.

Un manque de réaction de la part des pays occidentaux
Pour le moment, les pays partenaires du Cameroun (en particulier la France et les Etats-Unis) qui soutiennent le Cameroun dans la lutte contre Boko Haram ne condamnent pas les violations des droits humains commissent pas les FS camerounaises et n’ont mené aucune action, ni fait de déclaration dans ce sens. Amnesty International décide de lever le voile sur les exactions commises par les autorités camerounaises afin que les populations des pays partenaires puissent aussi prendre conscience de l’ampleur des violations des droits humains commises dans ce pays.

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