Yézidies : d’un enfer à un autre
Bassema Darwish Khidr Murad, femme yézidie de 34 ans mère de trois enfants et originaire du village de Babira, dans le gouvernorat de Ninewa, a été enlevée par des combattants du groupe armé qui s’est donné le nom d’État islamique (EI), en même temps que son mari et 33 autres membres de sa famille, le 3 août 2014, alors qu’ils tentaient de fuir la ville de Sinjar. À l’époque, elle était enceinte et elle a très vite été séparée de son mari. Les combattants d’EI ont systématiquement commis des crimes de droit international, notamment des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Des femmes et des filles yézidies ont été retenues en esclavage sexuel, violées, tuées ou torturées. Certaines ont été forcées à regarder pendant qu’on tuait des hommes de leur famille, séparées de force de leurs enfants ou encore contraintes de se convertir à l’islam.
Selon des sources bien renseignées, Bassema Darwish a été arrêtée à la suite d’une opération militaire des forces armées peshmergas destinée à reprendre à EI la ville de Zummar. Elle a été ensuite transférée dans un centre de détention de la Direction de la lutte contre le terrorisme à Erbil, où elle a donné naissance à sa fille, Nour Hussein Haydar Khalifkou. Les autorités affirment que, lorsque les peshmergas sont entrés dans la maison où elle a été arrêtée, trois d’entre eux, dont un officier, ont été tués par des combattants d’EI qui s’y étaient cachés. Bassema Darwish est accusée d’être responsable de leur mort, en vertu de la Loi n° 3 de 2006 (Loi antiterroriste).
Selon la Direction de la lutte contre le terrorisme, Bassema Darwish s’était « radicalisée » et a piégé délibérément les peshmergas, et elle est donc responsable de leur mort. Lors d’une rencontre avec des chercheurs d’Amnesty International le 15 août, des représentants de la Direction de la lutte contre le terrorisme ont indiqué que les audiences de son procès n’étaient pas encore programmées. En réponse aux questions posées par Amnesty International au sujet de la détention de Bassema Darwish, la Haute Commission du Gouvernement régional du Kurdistan chargée d’étudier les rapports internationaux et d’y répondre a déclaré le 28 septembre que l’enquête la concernant était toujours en cours et qu’elle devait être transférée à une juridiction pénale. Des proches de Bassema Darwish ont dit à Amnesty International qu’elle avait comparu au moins une fois devant un juge en août, sans avocat, et qu’on l’avait forcée à signer quatre documents écrits en kurde, sans qu’elle ait pu en comprendre le contenu.
Il est difficile de savoir si elle a été officiellement inculpée ou non car les avocats qu’elle a choisis n’ont pas pu entrer en contact avec elle, et elle n’a pas été en mesure de lire les documents qu’elle a signés au tribunal.
Des chercheurs d’Amnesty International ont tenté de lui rendre visite en août 2016, mais ils se sont heurtés à un refus de la part de la Direction de la lutte contre le terrorisme du Gouvernement régional du Kurdistan, qui la détenait à l’époque.
Amnesty International a évoqué le cas de Bassema Darwish auprès des autorités à de multiples reprises, mais en vain, notamment tout récemment dans une lettre adressée le 26 août au président du Gouvernement régional du Kurdistan, Massoud Barzani.
Action terminée