Coopération meurtrière entre UE et Libye

Amnesty International demande aux dirigeants de l’Union européenne (UE) d’intensifier les efforts pour sauver des vies en Méditerranée et de cesser de coopérer aux renvois des personnes migrantes en Libye.

De nombreux migrants et réfugiés tentent une traversée périlleuse de la Méditerranée au départ de la Libye, fuyant les conflits et la misère. La route migratoire de la Méditerranée centrale a enregistré des records de flux de départ en 2016 et début 2017. Pourtant, les gouvernements européens ont réduit leurs efforts de patrouille en mer Méditerranée, notamment aux abords des côtes libyennes où des naufrages ont lieu. En 2016, 4 581 personnes ont trouvé la mort dans la traversée dangereuse de la mer Méditerranée alors qu’ils essayaient d’atteindre l’Europe. une coopération meurtrière qui mène à l’esclavage, à la torture, aux viols « A Sabratha, il y avait environ 50 personnes par cellule. Si vous étiez d’accord de payer plus, (les gardes) vous sortaient de là et vous emmenaient dans un centre ouvert (…). Si vous ne payiez pas, un Bangladais venait et vous achetait. Les prisons libyennes, c’est l’enfer sur terre. » (juin 2017, témoignage de Maruf tiré du Rapport d’Amnesty A perfect storm : the failure of european policies in the Central Mediterranean ») La coopération des gouvernements européens avec les garde-côtes libyens aboutit à de nombreux abus. Les interceptions de navires en mer conduites par les Libyens violent souvent les conventions internationales, notamment par l’utilisation d’armes à feu. Les réfugiés et migrants interceptés en mer sont reconduits vers la Libye, un pays où la détention systématique, la torture, l’esclavage, le viol et les violations des (…)

Amnesty International est particulièrement concerné par la stigmatisation, le harcèlement et la criminalisation constante du travail humanitaire mené par les ONG qui secourent les migrants et réfugiés en Méditerranée Centrale. La campagne calomnieuse contre les ONG a atteint un niveau inégalé dans les semaines récentes, en particulier en Italie.

Introduction d’un code de conduite pour les ONG de recherche et sauvetage

Dans ce contexte, le Ministre de l’Intérieur a imposé la signature du Code de conduite aux ONG, imposant de nouvelles règles à respecter lors des opérations de sauvetage - notamment des restrictions concernant le transfert des personnes secourues d’un navire à l’autre - dont l’application à l’aveugle pourrait réduire la capacité des ONG à patrouiller et secourir de la façon la plus efficiente.

Renforcement des capacités des garde-côtes libyens

Si l’Italie entrave le travail humanitaire des ONG, elle participe également au renforcement des capacités des garde-côtes libyens à intercepter les personnes en mer en leur fournissant des moyens d’interventions. Le 1er août dernier, le Parlement italien a voté l’affrètement de plusieurs navires de guerre aux garde-côtes libyens rendant ainsi possible davantage d’interceptions de migrants et réfugiés en mer et de retours vers la Libye. Cela fait de l’Italie et de l’UE les complices des abus infligés aux réfugiés et aux migrants débarqués en Libye.

Déclaration d’une zone maritime de secours libyenne

Les autorités libyennes ont annoncées la création de leur propre zone maritime de secours - une mesure applaudie par le Ministre de l’Intérieur italien - d’où serait exclue les ONG conduisant des opérations humanitaires - et ont ouvertement menacée celles-ci. Bien qu’il n’existe pas de base légale à cette interdiction, les ONG humanitaires estiment que la sécurité de leurs opérations et de leurs équipages ne peut plus être assurée dans de telles circonstances. La déclaration d’une zone maritime de secours par la Libye constitue une étape supplémentaire dans la stratégie d’externalisation poursuivi par les autorités italiennes et européennes.

Suspension temporaire des opérations de recherche et de sauvetage menées par les ONG

Dans ce contexte, plusieurs ONG ont annoncé la suspension de leurs opérations de recherche et sauvetage en Méditerranée centrale dont Médecins Sans Frontière, Save the children, et Sea Eye pour des raisons sécuritaires.

Les menaces des garde-côtes libyens envers les ONG s’ajoutent à un contexte de campagne diffamatoire visant à criminaliser les ONG qui sauvent des vies et qui se sont engagées pour pallier aux manquements des gouvernements EU. En l’absence d’opérations navales européennes dédiées aux activités de recherche et de sauvetage, la suspension des activités des ONG créera une brèche fatale dans les capacités de recherche et de sauvetage, causant par conséquent plus de morts en mer.

Plusieurs incidents ont illustré l’incapacité des garde-côtes libyens à conduire des opérations de sauvetage et de secours qui ne mettent pas en danger des vies. Les ONG à présent écartées, les garde-côtes libyens vont probablement multiplier les interceptions d’embarcations de migrants et de réfugiés pour les reconduire jusqu’en Libye, exposant ainsi plus d’hommes, de femmes et d’enfants à d’horribles abus tel que la torture, le viol, la détention arbitraire et indéfinie.

Amnesty International dénonce la stratégie des gouvernements italiens et européens qui consiste, d’une part, à repousser les ONG de la zone de la Méditerranée centrale et de ses côtes libyennes, et d’autre part, à former et équiper les gardes-côtes libyens facilitant ainsi les interceptions et les renvois des réfugiés et migrants vers la Libye.

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