Détention illimitée et sans inculpation pour un enseignant

Mohammad Faisal Abu Sakha, un Palestinien de 23 ans, est détenu par l’armée israélienne depuis le 14 décembre sans inculpation ni explication. Il n’est pas autorisé à recevoir la visite de sa famille.

Mohammad Faisal Abu Sakha a été arrêté par des militaires israéliens le 14 décembre. Parti du domicile de ses parents à Jénine, en Cisjordanie occupée, il se rendait à son travail à l’École de cirque de Palestine à Beir Zeit, près de Ramallah. Il a été interpellé au poste de contrôle de Zaatara, non loin de Naplouse (Cisjordanie), et emmené au centre de détention militaire de Hawara, situé à proximité. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a indiqué à ses parents qu’il se trouvait maintenant à la prison de Megiddo, dans le nord d’Israël, mais sa famille n’est pas autorisée à lui rendre visite. Fin décembre, l’armée israélienne l’a placé en détention administrative pour six mois ; elle peut ainsi le détenir sans inculpation pour une durée indéterminée. Les détenus sont privés du droit de se défendre et de contester efficacement la légalité de leur détention car les autorités cachent la majorité des éléments à charge à ces personnes et à leurs avocats.

Amnesty International croit savoir qu’un juge militaire a examiné l’ordre de détention administrative visant Mohammad Faisal Abu Sakha le 5 janvier au tribunal militaire d’Ofer, dans le nord de la Cisjordanie. Il peut annuler, réduire ou confirmer la détention prévue mais n’a pas encore rendu sa décision. Selon le site Internet d’information Al Jazira, un porte-parole de l’armée israélienne aurait déclaré que Mohammad Faisal Abu Sakha était détenu parce qu’il représentait une menace pour la sécurité de la région et que les détails concernant son affaire étaient confidentiels.

Les autorités israéliennes ont recours de plus en plus fréquemment à la détention administrative depuis octobre dernier : plus de 580 Palestiniens étaient sous le coup d’une telle mesure à la fin de l’année 2015.
Mohammad Faisal Abu Sakha a commencé ses études à l’École de cirque de Palestine en 2007 ; artiste titulaire depuis 2011, il forme des enfants aux métiers du cirque. Il s’occupe plus particulièrement d’enfants ayant des difficultés d’apprentissage, qui peuvent être jusqu’à 30 dans un groupe de plus de 300 élèves.

L’École de cirque de Palestine, financée par divers organismes caritatifs et autres entités, notamment la Commission européenne, estime qu’il n’y a aucune raison de considérer Mohammad Faisal Abu Sakha comme une menace pour la sécurité car il consacre sa vie au cirque et son seul crime est de « rendre des enfants heureux ». Créé en 2006, cet établissement a pour mission de former des enfants et des jeunes palestiniens aux métiers du cirque et ainsi de « renforcer les capacités sociales, créatives et physiques des Palestiniens, en les incitant à s’engager et en leur donnant les moyens de jouer un rôle constructif dans la société ».

À l’âge de 17 ans, Mohammad Faisal Abu Sakha avait déjà été arrêté par les forces de sécurité israéliennes et détenu pendant un mois. Il était accusé d’avoir jeté des pierres sur une Jeep de l’armée lorsqu’il avait entre 12 et 14 ans, ce qu’il niait. Il a expliqué à des collègues que, au cours de sa détention, un juge militaire lui avait dit qu’il ne retournerait jamais au cirque.

Mohammad Faisal Abu Sakha est détenu actuellement en Israël. Cela constitue une violation de la Quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, qui dispose que les détenus issus de la population d’un territoire occupé doivent être détenus sur ce territoire. Les Palestiniens résidant en Cisjordanie occupée ont le plus grand mal à obtenir l’autorisation de rendre visite à des proches détenus en Israël.

Depuis des années, la détention administrative – introduite soi-disant à titre exceptionnel pour les personnes qui représentent un danger extrême et imminent du point de vue de la sécurité – est utilisée en Israël en parallèle du système judiciaire pour arrêter, inculper et poursuivre des personnes soupçonnées d’infractions pénales, voire des personnes qui n’auraient jamais dû être arrêtées. Les ordres de détention administrative peuvent être renouvelés indéfiniment et Amnesty International considère les Palestiniens détenus dans ce cadre comme des prisonniers d’opinion, incarcérés uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits aux libertés d’expression et d’association.

De nombreuses personnes en détention administrative entament une grève de la faim pour protester contre leur détention sans inculpation. C’est le cas du journaliste Mohammed al Qiq, qui observe une grève de la faim depuis fin novembre ; l’armée israélienne l’a menacé récemment de l’alimenter de force en vertu d’une nouvelle loi. Le 10 août 2015, Mohammed Allan, qui avait commencé sa grève de la faim environ huit semaines auparavant, a été admis en soins intensifs au centre médical Soroka, en Israël, où le personnel médical a refusé de l’alimenter de force. Il a cessé son action le 20 août, après que la Haute Cour de justice a suspendu sa détention en raison de son état de santé. Il a ensuite été transféré au centre médical Barzilai. La police israélienne l’a arrêté de nouveau à sa sortie, le 16 septembre. Il a finalement été remis en liberté en novembre.

Compte tenu de l’escalade de la violence en Israël et dans les territoires palestiniens occupés depuis le 1er octobre 2015, les autorités israéliennes ont multiplié les mesures apparemment punitives à l’égard de la population palestinienne. Outre les arrestations collectives et la détention arbitraire, y compris la détention administrative, elles ont démoli des maisons appartenant à des familles de Palestiniens accusés de s’en être pris à des Israéliens et ont imposé des restrictions supplémentaires et arbitraires au droit des Palestiniens de circuler librement. Les services de sécurité israéliens ont de plus en plus recours à une force excessive, voire meurtrière, contre des Palestiniens dans toute la Cisjordanie, notamment à Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza. Israël n’a pas protégé les Palestiniens d’une vague d’agressions commises par des colons à Hébron et à Jérusalem-Est. En outre, un nombre croissant de Palestiniens s’attaquent aux forces de sécurité et aux civils israéliens au moyen de couteaux ou d’armes à feu.

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