La liberté pour l’avocat Waleed Abu al Khair
Le 6 juillet 2014, Waleed Abu al Khair a ainsi été condamné à 15 ans de prison, une interdiction de voyager de la même durée et une amende s’élevant à 200 000 riyals (environ 45 000 euros). Le Tribunal pénal spécial, un tribunal d’exception jugeant des affaires en rapport avec la sécurité et la lutte contre le terrorisme, et dont la compétence et les règles internes n’ont pas été précisées, l’a déclaré coupable d’avoir « désobéi au souverain et cherché à lui ôter sa légitimité », « insulté le pouvoir judiciaire et remis en cause l’intégrité des juges », « créé une organisation non autorisée », « nui à la réputation de l’État en communiquant avec des organisations internationales » et « rédigé, enregistré et envoyé des informations troublant l’ordre public ».
Le procès s’est ouvert le 6 octobre 2013 devant ce tribunal à Riyadh. Waleed Abu al Khair a été appréhendé sans explication le 15 avril 2014 après s’être présenté à la cinquième audience de son procès. Il a d’abord été conduit à la prison d’Al Hair à Riyadh, où il aurait été placé à l’isolement et privé de sommeil en étant constamment exposé à une lumière vive. Il a ensuite été transféré vers différents centres de détention. Il se trouve actuellement à la prison de Briman, dans la ville côtière de Djedda. Il a dit avoir subi des tortures physiques et psychologiques pendant sa détention.
COMPLÉMENT D’INFORMATION
Waleed Abu al Khair est un avocat spécialiste des droits humains de renom qui préside l’Observatoire des droits humains en Arabie saoudite, organisation indépendante de défense des libertés fondamentales créée en 2008. Il a défendu de nombreuses personnes victimes de violations des droits humains. Parmi ses clients figure Raif Badawi, célèbre blogueur saoudien condamné le 7 mai 2014 par le tribunal pénal de Djedda à 10 ans d’emprisonnement, 1 000 coups de fouet et une amende s’élevant à 1 million de riyals saoudiens (soit près de 220 000 euros) pour avoir fondé et géré le site « Libérez les libéraux saoudiens », et insulté l’islam. Vendredi 9 janvier 2015, Raif Badawi a été flagellé en public devant une mosquée à Djedda (voir notre action pour Raif Badawi).
Waleed Abu al Khair a été jugé une première fois fin 2011 après avoir signé une déclaration dénonçant la persécution de 16 réformistes par les autorités. Le 29 octobre 2013, il a été condamné à trois mois de prison par le tribunal pénal de Djedda, sentence confirmée le 6 février 2014 par la cour d’appel de La Mecque.
Trois semaines avant sa condamnation par le tribunal pénal à Djedda, le parquet l’a poursuivi pour diverses infractions quasi identiques devant le Tribunal pénal spécial, une instance judiciaire d’exception spécialisée dans les questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme ayant récemment prononcé de lourdes peines contre plusieurs militants en faveur des droits humains et des opposants aux autorités saoudiennes. L’affaire a semble-t-il été portée devant ce tribunal en vertu d’une nouvelle loi antiterroriste entrée en vigueur en février, après que le roi l’eut approuvée. Ce nouveau texte a élargi les pouvoirs déjà très étendus des autorités dans le but de combattre les « actes de terreur ». Il ne donne aucune définition du terrorisme mais dispose que les paroles et actes dont les autorités estiment qu’elles ont pour but, directement ou indirectement, de « troubler » l’ordre public, « compromettre la sécurité de la société ou la stabilité de l’État », « révoquer la loi fondamentale de gouvernance » ou « nuire à la réputation de l’État ou à sa position », constitueraient des infractions à caractère terroriste, exposant leurs auteurs présumés à des poursuites pour terrorisme.
Waleed Abu al Khair refuse de reconnaître la légitimité du Tribunal pénal spécial. Dans un entretien vidéo enregistré avant son arrestation le 15 avril 2014, et divulgué depuis, il évoque son expérience face au Tribunal pénal spécial, notamment lorsqu’il a représenté un client en tant que suppléant devant cette instance pour la première fois. Il explique comment ce tribunal est contrôlé par le ministère de l’Intérieur, auprès duquel le juge a dû demander permission pour que Waleed Abu al Khair puisse représenter son client. Lors de l’audience suivante, le juge a lu l’ordre du ministère de l’Intérieur autorisant Waleed Abu al Khair à défendre son client.
Depuis son arrestation le 15 avril 2014, son épouse Samar Badawi, une défenseure des droits des femmes, mène une action inlassable en sa faveur. En septembre, elle a fait une intervention orale lors de la session du Conseil des droits de l’homme à Genève, où des représentants de l’Arabie saoudite ont essayé de la faire taire en interrompant son discours plusieurs fois. Le 3 décembre, elle a été empêchée de se rendre à Bruxelles pour assister au 16e forum UE-ONG sur les droits de l’homme. Des membres des forces de sécurité à l’aéroport international Roi-Abdelaziz, à Djedda, lui ont dit que le ministère de l’Intérieur avait décidé de lui imposer une interdiction de voyager d’une durée indéterminée.
Action terminée