Urgent : Empêchez que l’accord UE-Turquie ne fasse une nouvelle victime

Noori, 21 ans, étudiant syrien, a été obligé de fuir son pays à cause de la violence des conflits. Détenu depuis plus de sept mois par la police et récemment transféré au camp de Moria, il risque d’être expulsé de Grèce vers la Turquie de façon imminente. Cette expulsion prochaine est une conséquence concrète de l’accord que l’UE a conclu avec la Turquie en mars dernier. Le Conseil d’Etat grec est censé prendre une décision autour du 10 mai. Fin mai, aucune décision n’a encore été prise. Trouver un refuge malgré les risques Noori a tenté de se rendre quatre fois en Turquie, à ses risques et périls, afin de trouver un refuge. Arrêté, battu et renvoyé en Syrie par les militaires turcs lors de ses deux premières tentatives, il a subi une attaque par un groupe armé au cours de la troisième (onze personnes avec qui il voyageait ont alors été tuées). Il a enfin pu atteindre le territoire turc lors de la quatrième tentative, où il est resté un mois et demi. Seul, agressé par des passeurs et voleurs à deux reprises, il cherchait à rejoindre ses proches qui se trouvent déjà en Europe en rejoignant la Grèce. Il a été placé en détention le 9 septembre 2016, après que la commission d’appel eut déclaré sa demande d’asile irrecevable, au motif que la Turquie est considérée comme un « pays tiers sûr » pour lui. Le 10 mars, la Plénière de la Cour a entendu la requête de Noori contestant la décision du Comité d’Appel. Le Conseil d’État devrait rendre sa décision prochainement. Si (…)

Le cas de Noori
Noori (le nom a été modifié), un réfugié syrien de 21 ans, a été placé en détention le 9 septembre 2016, après que la commission d’appel eut déclaré sa demande d’asile irrecevable, au motif que la Turquie est considérée comme un « pays tiers sûr » pour lui. Il est maintenu en détention depuis cette date. Le 14 septembre, le Conseil d’État, plus haute juridiction administrative de Grèce, a suspendu la procédure d’expulsion en attendant de confirme ou d’infirmer la décision de la commission d’appel. L’audience devant cette instance a eu lieu le 29 novembre, mais elle ne s’est pas encore prononcée. Si la décision du Conseil d’État, qui peut être rendue d’un moment à l’autre, confirme l’hypothèse selon laquelle la Turquie est un « pays tiers sûr », Noori risquera d’être renvoyé immédiatement en Turquie.

Noori est détenu par la police, dans l’attente d’une décision à son sujet, depuis plus de cinq mois, alors qu’au regard du droit grec la durée de détention d’un demandeur d’asile ne peut excéder 90 jours. Il se trouve actuellement au poste de police de Mytilène, sur l’île grecque de Lesbos. Il est incarcéré avec cinq à six autres personnes, dans une petite cellule, et dort sur un matelas à même le sol. Du fait de ces conditions déplorables, Noori souffre de la gale. Ses avocats ont contesté la légalité de sa détention devant des tribunaux locaux, au motif que la durée maximale autorisée a été dépassée et que le Conseil d’État a provisoirement suspendu son expulsion. Ils ont également présenté une évaluation psychosociale réalisée par un organisme social indépendant, qui a conclu que Noori souffrait d’un syndrome de stress post-traumatique à cause des bombardements aériens en Syrie et que sa santé mentale se dégradait en raison des mauvaises conditions de détention et de l’incertitude quant à son avenir. Les tribunaux locaux ont ordonné le maintien en détention de Noori au motif qu’il risque de s’enfuir.

L’accord entre la Turquie et l’Union européenne
Amnesty International critique l’accord UE-Turquie, car il ouvre la voie au renvoi immédiat en Turquie de toutes les personnes arrivant clandestinement sur les îles grecques, en se fondant sur le fait que la Turquie est considérée comme un « pays tiers sûr ». Or Amnesty International a recensé de graves atteintes aux droits humains contre les réfugiés en Turquie et maintient que ce pays ne peut pas être considéré actuellement comme un pays sûr pour les réfugiés. Par ailleurs, cet accord compromet le droit de demander l’asile et le système de protection internationale, en déléguant la responsabilité de l’UE à un pays tiers, la Turquie, qui accueille déjà près de trois millions de réfugiés.

Non, la Turquie n’est pas un pays sûr
Le 27 avril dernier, un groupe de douze Syriens – six hommes, deux femmes et quatre enfants âgés de quatre à 12 ans – ont été emmenés par avion de l’île grecque de Lesbos jusqu’en Turquie. Ils comptent parmi les premiers Syriens retournés volontairement en Turquie, depuis la signature de l’accord UE-Turquie. Les responsables turcs avec lesquels ils se sont entretenus à Lesbos ont affirmé qu’ils seraient réadmis en Turquie, qu’ils obtiendraient des papiers d’identité sous deux ou trois jours et que ceux qui avaient des proches en Turquie pourraient les rejoindre. Cependant, à leur arrivée sur le sol turc, ils ont été conduits au camp de Düziçi, dans le département d’Osmaniye, dans le sud-est du pays, où ils ont été détenus.

Amnesty International s’est entretenue avec quatre des huit adultes du groupe, qui ont expliqué avoir été interrogés par des responsables du camp à trois reprises. Ils ont appris qu’ils séjourneraient dans le camp pendant au moins trois mois dans l’attente d’une décision des autorités d’Ankara. Lorsqu’ils ont demandé s’ils pouvaient partir plus tôt, on leur a répondu qu’en signant un document de retour volontaire en Syrie, ils pouvaient être conduits à la frontière dans les prochains jours.

La détention de ce groupe de réfugiés est arbitraire et par conséquent illégale. Ils ont déclaré à Amnesty International qu’on ne leur avait pas expliqué les motifs ni la durée de leur détention, ni comment ils pouvaient la contester légalement. Un avocat représentant l’un des réfugiés se serait vu refuser la possibilité de s’entretenir avec son client.

Un système d’asile submergé et défaillant
Ce rapport montre que le système d’asile turc a du mal à faire face au nombre extrêmement élevé de personnes réfugiées et en quête d’asile, qui sont plus de trois millions. En conséquence, les demandeurs d’asile peuvent avoir à attendre pendant plusieurs années que leur cas soit examiné et, durant cette période d’attente, ils ne reçoivent pas, ou quasiment pas, d’aide pour trouver un abri et de quoi vivre, ce qui amène des enfants n’ayant parfois pas plus de neuf ans à travailler pour aider leur famille.

"L’accord entre l’UE et la Turquie est irréfléchi et illégal. Les recherches menées par Amnesty International montrent qu’il est erroné de penser que la Turquie est à même de respecter les droits et de subvenir aux besoins de plus de trois millions de personnes réfugiées et en quête d’asile", a expliqué John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« En cherchant opiniâtrement à empêcher les arrivées irrégulières en Europe, l’UE a volontairement donné une fausse image de ce qui se passe sur le terrain en Turquie. Il faut s’attendre à ce que le nouveau système d’asile ait beaucoup de mal à faire face à la situation, dans un pays qui accueille le plus grand nombre de réfugiés au monde. Il est juste d’encourager la Turquie à mettre en place un système d’asile pleinement opérationnel, mais l’UE ne doit pas se comporter comme si un tel système existait déjà. »

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