M. Borsus, dites non aux ventes d’armes à l’Arabie saoudite

Fier, le coq hardi, l’emblème de la Wallonie, ne l’est plus. Les milliers d’armes qui sont vendues par la Région à des pays violant sans le moindre scrupule les droits humains font couler du sang innocent. Cela doit cesser. La Région wallonne est un grand producteur d’armes, en particulier d’armes légères et de petit calibre. En Belgique, l’octroi de ces licences d’exportation étant une compétence strictement régionale, la région porte la responsabilité de s’assurer qu’elle ne se rende pas complice de crimes, en vendant des armes à des États qui les utiliseraient pour des violations graves du droit international humanitaire (DIH) ou du droit international des droits humains (DIDH). Elle est tenue de respecter, notamment, les article 6 et 7 du Traité sur le commerce des armes (TCA). L’article 6 interdit strictement à un État de transférer des armes « s’il a connaissance, lors de l’autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre » des violations du DIH. Au cas où une vente ne serait pas interdite par cet article, l’article 7 exige que des États qu’ils évaluent « de manière objective et non discriminatoire » si l’exportation d’armes pourrait servir ou faciliter la commission d’une violation grave du DIH ou du DIDH. Notre dossier spécial sur la Wallonie et ses ventes d’armes à des pays qui font couler le sang Pourtant, force est de constater que figurent parmi les meilleurs clients de la Wallonie l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, (…)

DES ENGAGEMENTS QUI DOIVENT ÊTRE RESPECTÉS

Le Traité sur le commerce des armes (TCA), la Position commune de l’Union européenne (UE) sur les exportations d’armement et le « Décret wallon » interdisent à la Région wallonne d’accorder une licence s’il existe un risque manifeste que les armes ou biens militaires exportés puissent être utilisés pour commettre ou faciliter des violations graves du DIH ou du DIDH. Les articles 6 et 7 du TCA sont centraux et cruciaux. Rappelons qu’Amnesty International s’est battue pendant des années pour la mise en place de ce traité, et le respect des droits humains par l’État importateur comme condition pour toute vente d’arme était l’une de ses demandes principales. L’article 6 du TCA interdit strictement à un État de transférer des armes « s’il a connaissance, lors de l’autorisation, que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre » des violations du DIH. Au cas où une vente ne serait pas interdite par cet article, l’article 7 exige que des États qu’ils évaluent « de manière objective et non discriminatoire » si l’exportation d’armes pourrait servir ou faciliter la commission d’une violation grave du DIH ou du DIDH.

DES CRIMINELS POUR CLIENTS

Malgré ses obligations, la Région wallonne a encore pour clients des États connus pour commettre des violations du DIH. Il s’agit notamment d’une partie des États membres de la coalition agissant militairement au Yémen, menée par l’Arabie saoudite. En 2015, la Belgique a en effet vendu des armes au royaume saoudien, mais aussi aux Émirats arabes unis, à l’Égypte, au Bahreïn et à la Jordanie. Tous ces États sont collectivement responsables de violations massives du DIH. En effet, certaines attaques de la coalition sont menées sans discrimination, d’autres sont disproportionnées ou dirigées contre des civils et des biens à caractère civil, notamment des écoles, des hôpitaux, des marchés et des mosquées. Un certain nombre constituent des crimes de guerre. Depuis le début de l’opération « Tempête décisive » lancée le 25 mars 2015 par la coalition, plus de 13 000 civils eux ont été tués ou blessés, et la crise humanitaire ne cesse de s’aggraver. Par conséquent, Amnesty International demande à tous les États de ne pas vendre d’armes aux parties impliquées dans le conflit au Yémen, sauf si elles s’engagent de façon expresse à n’utiliser ces armes que dans un cadre légal en dehors du Yémen.

Par ailleurs, la Région wallonne vend des armes à des pays qui, à l’instar de l’Arabie saoudite, commettent des violations massives et répétées des droits humains sur leur propre territoire. En 2016, les Émirats arabes unis et la Turquie figuraient, respectivement, en 3e et 6e position des plus gros clients de la Région wallonne. Quand on sait que ces pays se sont lancés dans d’impitoyables campagnes de répression de la liberté d’expression notamment, ces chiffres interpellent.

Face à ce constat déplorable, il nous faut nous poser la question de la manière dont la Région wallonne octroie les licences d’exportation. La procédure est-elle fiable, objective et transparente ? Par ailleurs, une fois la vente effectuée, la Région est-elle en mesure de contrôler à quoi ses armes servent-elle véritablement ?

LES MANQUEMENTS DE LA RÉGION WALLONNE

La Région wallonne garantit qu’elle procède à une analyse « rigoureuse » de chaque demande de licence. Nous constatons pourtant un manque évident de transparence et de possibilité de contrôle. D’une part, la commission d’avis qui doit évaluer les risques n’a qu’un rôle strictement consultatif. Le Parlement, qui devrait pouvoir contrôler et évaluer l’activité du gouvernement, est très peu impliqué. Ainsi, le ministre-président dispose d’un véritable pouvoir discrétionnaire : il est le seul et unique responsable pour l’octroi ou le refus d’une licence. D’autre part, il ne figure dans les rapports sur les exportations que des données concernant le nombre de licences accordées. Aucune information n’est donnée concernant la valeur, le type, la quantité et la destination des exportations effectives d’armement. Par ailleurs, la parution n’est que semestrielle en Wallonie, seul un rapport sur les deux étant public.

Le deuxième élément problématique réside dans le fait qu’une fois que les armes sont réellement exportées, dans de nombreux cas, il est très difficile de savoir où et par qui elles seront utilisées. Dans le cas de l’Arabie saoudite, comment s’assurer que les armes destinées à la Garde royale ne serviront pas à commettre des violations graves en interne ou au Yémen ? Quel crédit peut-on accorder à un gouvernement non démocratique qui exécute et torture sur son territoire et n’a pas de scrupule à bombarder des écoles et des hôpitaux hors de ses frontières ? La Région wallonne n’est absolument pas en position d’exercer ce contrôle. Elle n’ignore pas les risques, mais au lieu d’appliquer le principe de précaution, qui devrait pourtant prévaloir, elle opte pour une lecture extrêmement restrictive de ses obligations et continue à vendre des armes aux Saoudiens. En 2015, l’Arabie saoudite était le plus important acheteur d’armes wallonnes, pour un total de 576 millions d’euros. Le Royaume représente 37 % du total de la valeur des licences d’exportations wallonnes sur la période 2012-2016.

UN VENT NOUVEAU SOUFFLERA-T-IL À L’ELYSETTE ?

Le gouvernement wallon doit respecter ses engagements. Pour ce faire, il doit, d’une part, mettre en œuvre des mécanismes transparents qui garantissent que les licences d’exportation soient uniquement octroyées à des pays qui ne commettent pas de violations graves du DIDH et du DIH. Ceci implique la publication mensuelle de données précisant le type, le nombre et la valeur des licences, la description des matériels et l’identification des pays concernés par la transaction (destination finale et, le cas échéant, pays d’origine et pays de transit) —, et ce, afin de permettre au Parlement d’exercer pleinement sa fonction de contrôle et d’évaluation. D’autre part, il doit appliquer le principe de précaution qui l’oblige à suspendre les transferts d’armes vers tous les pays où elles pourraient servir à commettre des violations graves du DIH ou du DIDH, en particulier l’Arabie saoudite et les autres pays impliqués au Yémen.

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