5.3. Traite des femmes et prostitution forcée.

5.3. TRAITE DES FEMMES ET PROSTITUTION FORCEE

L’expression “ traite des personnes ” désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes.

Les femmes sont les premières victimes de la traite des êtres humains, notamment pour l’exploitation sexuelle. Elles sont d’autant plus vulnérables qu’elles sont peu protégées. Les pays d’Asie du Sud et du Sud-Est ainsi que les pays d’Europe centrale et de l’Ex-Urss sont les principaux pourvoyeurs de ces esclaves des temps modernes. Elles sont le plus souvent enlevées, quand elles ne sont pas vendues par leur propre famille.

Chaque année, plusieurs centaines de femmes et adolescentes victimes de la traite sont amenées de l’ex-Union soviétique pour travailler dans l’industrie du sexe en Israël. Dans bien des cas, les femmes victimes de la traite dans les pays de l’ex-Union soviétique sont achetées et vendues en Israël pour d’importantes sommes d’argent ; certaines sont maintenues en servitude pour dettes. Beaucoup de femmes sont séquestrées par leurs “propriétaires” dans des appartements dont elles ne peuvent sortir sans être accompagnées. Selon certaines sources, les passeports des femmes victimes de la traite sont confisqués pour les empêcher de quitter Israël. Ces femmes sont souvent menacées, notamment de viol et d’autres formes de sévices sexuels, ou victimes de tels agissements.

Si certaines femmes sont enlevées ou contraintes, un grand nombre quittent initialement leur pays de plein gré, croyant que le travail qui leur est offert - en Europe occidentale, leur est-il dit généralement - leur permettra d’échapper à la pauvreté, à la violence ou aux exactions qu’elles subissent. La violation systématique de leurs droits débute fréquemment dès le départ : cette stratégie vise à les rendre totalement dépendantes de leurs trafiquants et, plus tard, de leurs “propriétaires”. Le voyage se poursuivant, elles comprennent de mieux en mieux que le travail qui leur a été proposé ne correspond pas aux promesses ; elles sont dépouillées de leurs papiers, parfois battues, et à peu près certainement violées si elles commencent à protester
LE MARIAGE BLANC
Le mariage est parfois utilisé pour attirer les jeunes filles. Elles quittent leur village, pensant qu’elles vont se marier et de fait, parfois elles se marient avec un homme qui les met ensuite sur le marché du sexe. Elles acceptent souvent de se marier parce qu’elles pensent avoir ainsi une sécurité financière. C’est aussi un moyen pour avoir des papiers et donc une possibilité de rester sur le territoire de l’Union européenne. Malheureusement une fois mariées, leur mari leur confisque le passeport et les prostitue. Ce trafic existe par exemple entre l’Amérique latine et les Pays-Bas.

En Belgique, dans le milieu agricole en Flandre, on trouve des mariages blancs avec des jeunes filles thaïlandaises ou Philippines qui vivent parfois dans des situations de détresse indescriptibles, totalement isolées (très souvent elles ne parlent pas la langue) et souvent victimes de maltraitances.

Attention, les mariages blancs n’impliquent pas forcément des buts de trafic ou de prostitution, ni des mauvais traitements : souvent, il ne s’agit que de régulariser le séjour d’une personne sans papiers.

LA TRAITE DES FEMMES DANS LE MONDE

Chaque année, un à deux millions de femmes sont vendues comme des objets sexuels pour la prostitution. Elles viennent en majorité d’Amérique du Sud, d’Asie, des Caraïbes, et d’Europe de l’Est (surtout depuis la chute de la Mur de Berlin).
Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), en 2000, à peu près 50.000 femmes originaires de République Dominicaine travaillaient dans le commerce sexuel en Autriche, Curaçao, Allemagne, Grèce, Haïti, Italie, Pays-Bas, Panama, Porto-Rico, Espagne, Suisse, Venezuela et dans quelques pays des Caraïbes. En République Dominicaine, l’industrie du sexe à l’étranger est considérée comme une alternative pour les femmes pauvres qui ne sont pas à même de trouver du travail dans leur pays.
Une autre recherche de l’OIM indique que le nombre de femmes victimes de la traite depuis l’Europe Orientale vers l’Europe Occidentale a augmenté au cours des années 1990 (notamment à destination de la Belgique et des Pays-Bas).
La Coalition Asiatique contre la Traite des Femmes estime que pendant les dix dernières années, 200.000 femmes du Bangladesh ont été victimes de la traite vers le Pakistan, phénomène qui continue à un taux de 200-400 femmes par mois ! En Thaïlande, de 20.000 à 30.000 femmes Birmanes travaillent comme prostituées, grâce à des formes de traite basées sur la promesse de faux contrats de travail, la séquestration et la vente des filles des tribus des collines. En Australie, chaque année 300 femmes thaïlandaises victimes de la traite sont “ importées ” pour le marché de la prostitution.

L’OIM estime que la traite des femmes continuera à être un crime très important, si les gouvernements et les autorités policières ne font rien pour affronter le problème avec plus de détermination.

LE SCANDALE DES " BEER GIRLS "

Dans des pays asiatiques comme le Cambodge, le Vietnam ou la Thaïlande, les grandes marques de bière, dont Stella Artois, n’hésitent pas à recruter des jeunes filles qu’elles utilisent comme " entraîneuses ". Elles sont reconnaissables à leur uniforme plutôt sexy où l’on peut lire la marque de l’entreprise dont elles dépendent, et vont de table en table pour faire boire les clients. Elles gagnent 50 dollars par mois et peuvent avoir une commission si elles dépassent leur objectif ou une retenue de salaire si elles ne l’atteignent pas. Surnommées en anglais "beer girls" ou lanceuses de bière en français, elles ont fait l’objet d’une étude effectuée par l’ONG Care Cambodia avec le soutien des grands brasseurs asiatiques. Cette étude révèle que plus de la moitié des filles ont été abusées sexuellement, et 79 % d’entre elles disent avoir été témoins de telles pratiques.

POUR EN SAVOIR PLUS :
Pepper Plug, n° de Septembre 2004.
http://www.agripress.be/start/artikel/8751/fr
RECHERCHE
1. Cherchez des informations sur la prostitution en Belgique.
2. Que pensez-vous du phénomène des " beer girls " ? Cherchez plus d’informations.
3. Analysez, après les avoirs imaginés, les différents scénarios et les différentes motivations qui pourraient être à la base du phénomène.
4. Faut-il à votre avis interdire la prostitution ? Quels sont les avantages et les risques d’une telle mesure ?
5. Quels sentiments pensez-vous qu’une prostituée peut éprouver ? Exhibitionnisme ? Peur ? Indifférence ? Envie de s’enfuir ?
6. Comment expliquez-vous le haut pourcentage de mineures prostituées ?
7. Quelle attitude pensez-vous qu’ont leurs employeurs par rapport à la dignité ou la santé des prostituées ?
8. Quelles sont les causes qui expliquent la floraison de ce type de commerce ?
9. Qui porte les responsabilités de ce phénomène ?
POUR EN SAVOIR PLUS :
 Actual Quarto S, Les enfants du trottoir, n°12, avril 1997.
 Enfants et prostitués, col. Compacts de l’info, éd. Casterman, 1996.
 Dossier pédagogique et Bande dessinée : DERIB, Pour toi Sandra, Mouvement du Nid, http://www.lenid.org/

LE KOSOVO : UNE DESTINATION POUR LES “ ESCLAVES SEXUELS ”

“ Finalement, j’ai atterri dans un bar au Kosovo, (j’y étais) prisonnière et obligée de me prostituer. Je n’etais jamais payée, je ne pouvais pas sortit toute seule, le propriétaire devenait de plus en plus violent au fur et à mesure que les semaines passaient ; il me battait et me violait, les autres filles aussi. Il a dit que nous lui appartenions. En nous achetant, il avait acquis le droit de nous battre, de nous violer, de nous laisser mourir de faim et de nous contraindre à avoir des rapports sexuels avec des clients ”.

La communauté internationale est responsable du développement d’une industrie du sexe qui exploite des femmes et des jeunes filles venant des pays les plus pauvres d’Europe, qui sont amenées au Kosovo dans le cadre d’un trafic d’êtres humains. Depuis le déploiement, en juillet 1999, de la Force internationale de paix au Kosovo (KFOR) et la mise en place de la Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo (MINUK), cette région est devenue l’une des principales destinations des femmes soumises à la prostitution forcée.
Si certaines sont enlevées dans leur pays, un grand nombre se rendent au Kosovo de leur plein gré car on leur propose un travail (en Europe occidentale la plupart du temps) qui leur donne l’espoir d’échapper à la pauvreté ou à la violence. Une jeune femme raconte : “ Un ami m’a présentée à une femme qui m’a proposé un travail à l’étranger et m’a dit qu’elle m’obtiendrait un passeport, gratuitement. J’ai demandé s’il s’agissait de sexe et elle m’a garanti que non. ” Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), la majorité des femmes et des jeunes filles de Moldavie amenées au Kosovo dans le cadre d’un trafic s’étaient vues promettre un emploi en Italie. L’invitation passe souvent par des amis ou connaissances qui promettent des emplois en Italie ou ailleurs en Europe occidentale - comme serveuse, employée de maison, gardienne d’enfants, danseuse, fille au pair - parlent de salaires de 1 000 ou même 1 500 euros par mois. Des agences de voyage, des journaux, des petites annonces offrant des emplois de danseuse, modèle, serveuse, hôtesse ou strip-teaseuse sont aussi des voies de recrutement. Nombre de promesses sont plus classiques : une mère célibataire gagnant 30 euros par mois dans un bar de son pays d’origine s’est vue promettre un salaire de 300 euros pour le même travail, au Kosovo.
Souvent, les victimes sont vendues plusieurs fois au cours du voyage, pour des prix compris entre 50 et 3 500 euros.
“ J’ai été battue et forcée à des rapports sexuels [...] si on n’acceptait pas, ils nous passaient à tabac et nous violaient, tout simplement. ”
“ Même lorsqu’il faisait froid, j’étais obligée de porter des robes légères [...]. Le patron me forçait à aller avec des policiers et des soldats de la force internationale [...]. Je n’ai jamais eu la moindre chance de m’enfuir pour quitter cette vie de misère parce qu’une femme me surveillait à chaque instant. ”

À leur arrivée au Kosovo, les femmes sont passées à tabac et violées par les clients, les “propriétaires” et certains de leurs employés. Nombre d’entre elles sont quasiment emprisonnées dans un appartement, une chambre ou une cave. Certaines deviennent des esclaves, employées dans des bars ou des cafés le jour, puis enfermées dans une chambre par un homme qu’elles désignent comme leur “propriétaire”, mises à la disposition de 10 à 15 clients chaque nuit. Certaines découvrent que leurs salaires - dont la perspective les a poussées à partir de chez elles - ne sont jamais payés, mais sont retenus pour acquitter leur “dette”, payer des amendes arbitraires ou leur nourriture et leur hébergement. Malades, elles ne peuvent pas se faire soigner. Elles n’ont aucun statut légal et leurs droits les plus élémentaires sont déniés. Certaines d’entre elles n’ont pas plus d’une douzaine d’années.
En dépit de certaines mesures encourageantes prises par les autorités, les femmes victimes de traite sont encore souvent traitées comme des criminelles. Par exemple, il arrive qu’elles soient inculpées de prostitution à la suite de descentes de police. Si elles sont malades, elles n’ont généralement pas droit à des soins. Elles n’ont aucun statut légal et leurs droits fondamentaux sont bafoués. Le personnel international de la MINUK et de la KFOR est à l’abri de poursuites judiciaires, sauf si son immunité est levée par de hauts fonctionnaires. La traite des femmes ne prendra jamais fin tant que les responsables resteront en liberté et que le personnel civil et militaire sera autorisé à violer les droits humains en toute impunité.
POUR EN SAVOIR PLUS :
  SERBIE-ET-MONTÉNÉGRO (KOSOVO) : Mais alors, on a des droits ?, La traite des femmes et des jeunes filles prostituées de force au Kosovo : protéger leurs droits fondamentaux, Amnesty International, 2004, EUR 70-010-2004.
  ISRAEL, Les atteintes aux droits fondamentaux des femmes originaires de l’ex-Union soviétique victimes de la traite pour être livrées à la prostitution en Israël, Amnesty International, MDE 15/017/00.
  Sophie WIRTZ, Traite des femmes : au confluent de la précarité économique et de la détresse psychologique, quels outils pour briser l’inertie de la fatalité ?juriste, présidente du Mouvement du NID, fiches du CFEP.
  Article très intéressant sur la situation de la traite des femmes en Belgique
www.eurowrc.org/01.eurowrc/06.eurowrc_fr/belgique/cfep/03.theme-cfep.htm
  Christa WICHTERICH, La femme mondialisée, éd. Solin - Actes Sud, 1999.
  Organisation internationale pour les migrations, site internet : http://www.iom.int

Associations :

En Belgique, trois centres se sont spécialisés dans l’accueil et l’aide aux femmes victimes de trafic humain :
Pagasa à Bruxelles,
Surya en Wallonie,
Payoke en Flandre.

Voir les autres livres proposés au Chapitre 10 - Bibliographie.

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