I.3.1. La guerre contre le « terrorisme », la priorité absolue ?

On peut observer l’essoufflement des mouvements « terroristes » européens (l’ETA en Espagne, l’IRA en Irlande du Nord, le « terrorisme » corse ou encore les mouvements « terroristes » d’extrême gauche tels que les Cellule Communistes Combattantes en Belgique, Action Directe en France ou les Brigades rouges en Italie). Ces mouvements se sont affaiblis et, pour certains, ont disparu, grâce notamment au fait que leur stratégie n’a pas offert de résultats politiques convaincants et qu’ils se sont donc discrédités aux yeux de leurs propres sympathisants.
Il faut peut-être aussi relativiser l’importance accordée à la lutte contre le « terrorisme », comme si cette lutte était la première priorité que doit affronter aujourd’hui la planète. C’est le sens de cet éditorial du Courrier International paru en août 2005 :
« Quels sont les problèmes parmi les plus graves que doive affronter la planète ? À cette question beaucoup répondraient : le terrorisme. Et ils n’auraient pas tort, au vu des récents attentats suicides en Irak, à Londres et en Égypte. Mais, au-delà des pertes en vies humaines, le terrorisme reste un phénomène à taille humaine, qui peut être résolu par des moyens policiers et politiques. On l’a vu cette semaine avec l’arrêt de la lutte armée décidé par l’IRA, la terreur peut s’éteindre, même si les objectifs de départ des terroristes ne sont pas atteints. Il en sera sans doute de même en Palestine, où les groupes qui prétendaient rayer Israël de la carte devront bien accepter la présence d’un État hébreu. Il est en revanche d’autres événements, qui sont peu ou prou irréversibles, c’est-à-dire qui ne permettent pas de revenir - même avec la meilleure volonté du monde - au statu quo ante. Parmi ces événements, il en faut détacher deux majeurs : le nucléaire et le réchauffement du climat. (...) À l’avenir, il sera de plus en plus difficile de contrôler les ambitions nucléaires des uns et des autres, puisque la technologie est quasiment dans le domaine public. Tout aussi irréversible - et pour des milliers d’années -, la présence des déchets radioactifs, dont on oubliera sans doute la localisation exacte avant qu’ils ne soient devenus inoffensifs. Plus irréversible encore est le réchauffement de la planète. (...) »22
D’autres événements font penser que la priorité accordée à la guerre au « terrorisme » n’est pas sans conséquences sur la sécurité même des Américains. Ainsi, les terribles pertes humaines -surtout parmi les populations défavorisées- provoquées par l’ouragan Katrina à La Nouvelle Orléans fin août 2005, et le manque total de préparation des autorités américaines, ont soulevé de nombreuses critiques dans l’opinion publique. Comme le dit Jurek Kuczkiewicz dans un éditorial du Soir, « il n’est pas sot de penser que la fameuse guerre au « terrorisme » apparaîtra soudain dérisoire au regard d’une impérative guerre à la pauvreté et à l’inégalité ».23
Le professeur belge Rik Coolsaet rappelle que le nombre de victimes du « terrorisme international » est en baisse constante depuis le 11 septembre 2001. Et de poser la question : « Pourquoi le terrorisme international est-il considéré comme une menace internationale alors que les dizaines de conflits qui ravagent la planète n’obtiennent pas le centième de l’attention malgré un nombre beaucoup plus grand de victimes ? Plus de deux millions d’enfants y ont perdu la vie au cours de la dernière décennie. Pourquoi a-t-on oublié de prévoir une minute de silence pour les trente mille morts de Bam, en Iran ? Pourquoi n’est-il pas possible de rassembler autant d’argent, d’énergie politique et d’attention médiatique pour les onze millions d’enfants qui meurent chaque année suite à des maladies qui peuvent pourtant être traitées et guéries. »24

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