II.2. Croyances religieuses et philosophiques

Liberté religieuse : le droit pour une personne de choisir librement sa religion, d’en changer ou de ne pas en avoir.
Religion : ensemble des croyances et de dogmes définissant le rapport de l’homme avec le sacré. Ensemble de pratiques et de rites propres à chacune de ces croyances.
ARTICLE 18 - Toute personne à droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites.
(Déclaration universelle des droits de l’homme.)

« La religion est sous certains aspects comparable à la mode ; elle gagne à se nourrir de la diversité des tendances ».
Serge Uzzan

Les idéologies et les croyances religieuses ou philosophiques qui évoquent l’existence d’une hiérarchie entre les confessions ou convictions sont porteuses de discriminations et peuvent conduire à des abus.
En effet, comme chacun est persuadé que ce qu’il croit est la vérité, il a souvent envie que les autres croient comme lui. Mais il oublie que les autres ont déjà leur vérité. Parfois, certaines personnes fanatiques deviennent violentes pour prouver qu’elles ont raison. Cela arrive dans toutes les religions, toutes les idéologies. C’est très dangereux car de cette intolérance peuvent naître guerres, tortures et assassinats. C’est ce qui se passe dans beaucoup de pays. (voir plus loin)86
Amin Maalouf dans son ouvrage intitulé « Les identités meurtrières » met en évidence le fait que des communautés marginalisées et malmenées ont tendance à développer une réaction violente au nom de la défense de l’identité du groupe. Ainsi, il écrit : « Ce sont les blessures qui déterminent, à chaque étape de la vie, l’attitude des hommes à l’égard de leurs appartenances, et la hiérarchie entre celles-ci. (...) On a souvent tendance à se reconnaître, d’ailleurs, dans son appartenance la plus attaquée ; parfois, quand on ne se sent pas la force de la défendre, on la dissimule, alors elle reste au fond de soi même, tapie dans l’ombre, attendant sa revanche ; mais qu’on l’assume ou qu’on la cache, qu’on la proclame discrètement ou bien avec fracas, c’est à elle qu’on s’identifie. (...) Au sein de chaque communauté blessée apparaissent des meneurs. Enragés ou calculateurs, ils tiennent des propos jusqu’au-boutistes qui mettent du baume sur les blessures. (...) Ils promettent victoire ou vengeance, enflamment les esprits, et se servent quelquefois de moyens extrêmes dont certains de leurs frères meurtris avaient pu rêver en secret. Désormais, le décor est planté, la guerre peut commencer. Quoi qu’il arrive, les « autres » l’auront mérité, « nous » avons un souvenir précis de « tout ce qu’ils nous ont fait endurer » depuis l’aube des temps. Tous les crimes, toutes les exactions, toutes les humiliations, toutes les frayeurs, des noms, des dates, des chiffres. »
L’histoire nous permet de nous rendre compte des horreurs commises au nom d’un dieu, sur « ordre de dieu » et selon la volonté d’un leader, gourou ou tyran. Ainsi, il ne faut pas attendre très longtemps pour voir se mettre en place des systèmes de persécution des personnes jugées « déviantes » car n’ayant pas la même croyance. Les guerres saintes (croisades ou djihad), l’inquisition, la chasse à l’hérésie sont autant de périodes dans l’histoire de l’humanité qui témoignent des conversions religieuses forcées. De même, la conquête du Nouveau Monde dès la fin du XVème siècle, marque le début d’une évangélisation presque systématique des civilisations autochtones d’Amérique du Nord et du Sud. Tour à tour les Espagnols, les Français, les Anglais, les Hollandais, vont pratiquer la christianisation forcée dans leurs colonies. La conversion religieuse se fait dans la négation la plus totale de la liberté de pensée et de culte et sur la base d’une prétendue « supériorité naturelle ».
Au XXème siècle, dans les États communistes et principalement en URSS, la religion est prohibée car elle est considérée comme l’« opium du peuple » (Marx) et représente une menace pour l’idéologie communiste. Il s’agit là d’une forme extrême de discrimination. La liberté religieuse au même titre que la liberté politique et civile est niée.
Le XXème siècle a bien évidemment été le théâtre d’une autre intolérance religieuse poussée à l’extrême, celle de l’idéologie nazie qui a donné lieu au génocide juif. La mise en oeuvre de la solution finale nazie est basée sur la haine des Juifs et donc de toute une communauté religieuse. Six millions de Juifs en périront durant la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui encore, il existe une intolérance qui fait qu’un individu ou un groupe, en raison de sa religion ou de ses convictions, se voit privé du droit à la vie, du droit à la liberté et à la sûreté de sa personne.87
La notion de religion et de conviction est ce qui « constitue pour celui qui la professe un des éléments fondamentaux de sa conception de la vie ». Le fait de ne pas tolérer la pratique d’une religion constitue un acte illicite en droit international. Un Etat qui n’autorise pas certaines personnes à pratiquer leur religion se met donc dans l’illégalité par rapport au droit international.88
La Belgique reconnaît cinq religions, qui reçoivent un soutien de l’Etat sous formes de différents subsides (Catholicisme, Protestantisme, religion orthodoxe, Judaïsme et Islam). Suite à une histoire qui est propre à la Belgique, ces cinq religions peuvent être enseignées dans les écoles publiques, comme les cours de morale laïque.
EXEMPLES DE DISCRIMINATIONS RELIGIEUSES
Chine : chacune des cinq religions officiellement reconnues (bouddhisme, taoïsme, islam, protestantisme et catholicisme) est administrée par une organisation gou¬vernementale qui contrôle les lieux de culte, surveille les activités religieuses, met en œuvre la politique du gouvernement et veille à ce que la pratique religieuse soit à l’abri de toute domination étrangère. Ceux qui désirent pratiquer une religion sont tenus de le faire dans des églises, des mosquées ou des temples agréés par les autorités. Cette surveillance draconienne a conduit nombre d’Églises chrétiennes à opter pour la clandestinité, leurs fidèles se rencontrant dans des maisons particulières plutôt que dans des établissements homologués par l’État.
Ceux qui pratiquent leur religion hors du contrôle du gouvernement risquent sérieusement d’être arrêtés et condamnés à des peines d’emprisonnement. Ils sont particulièrement exposés aux actes de torture pendant la période de détention précédant leur procès. Depuis mars 2003, une sévère répression s’est abattue sur les Églises clandestines et les autorités ont démoli un grand nombre de lieux de culte fréquentés par des protestants et des catholiques, car ils n’étaient pas homologués par l’État.
Zhang Rongliang, responsable en vue d’une église clandestine, a été arrêté par la police le 1er décembre 2004 dans la province du Henan.
Zhang Rongliang est à la tête de l’Église Chine chrétienne, l’un des plus importants réseaux d’« églises de maison » (lieux de prière des groupes religieux indépendants) dans le pays ; il dirige également l’Église évangélique Fangcheng, un mouvement protestant. Il a été appréhendé à Xuzhai, son village, dans la municipalité de Zhengzhou. D’après un fidèle, la police a fouillé toutes les maisons du village et saisi des DVD à caractère religieux, ainsi que des documents et des photos montrant que Zhang Rongliang avait contacté « des étrangers et des organisations étrangères », ce qui, en Chine, est passible d’emprisonnement. L’épouse et l’enfant de cet homme sont entrés dans la clandestinité.89
Les attentats du 11 septembre 2001 ont eu un impact considérable sur la marche du monde et sur le dialogue interreligieux et interculturel. Ainsi, le choc émotionnel produit par les attentats terroristes a engendré une recrudescence des amalgames, des généralités simplistes et des discriminations.
La rapporteuse spéciale de l’ONU chargée d’étudier le « terrorisme » en relation avec les droits humains a déclaré à ce sujet : « Le terme de terrorisme est chargé de connotations émotives et politiques. Associé le plus souvent à un jugement négatif implicite. Suite aux attentats du 11 septembre et à la mise en place d’une coalition internationale de lutte contre le terrorisme, beaucoup d’États ont profité de la situation pour augmenter la répression face à des mouvements séparatistes ou religieux d’opposition ».
De plus, on note qu’au-delà des milliers de victimes directes qu’ont fait les attentats (ceux qui en sont morts, ceux qui en ont été blessés et tous ceux qui ont perdu un être cher), on voit apparaître une deuxième vague de victimes innocentes : les Arabes, les Musulmans et tous ceux qui semblent avoir les mêmes appartenances ethniques et religieuses que les terroristes.
Cette constatation n’est pas propre aux États-unis, on retrouve cet amalgame en Europe et ailleurs.
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Qu’est-ce que l’islamophobie et l’antisémitisme ?

Il convient de préciser que la discrimination fondée sur les croyances religieuses et philosophiques apparaît aussi au sein d’une même communauté religieuse :
Ainsi, on remarque qu’au nom de l’islam, par exemple, certains extrémistes assassinent ou condamnent d’autres musulmans.
De même, nous pourrions citer le cas de l’assassinat du premier ministre israélien Yitzhack Rabin, tué le 4 novembre 1995 par un militant juif d’extrême droite refusant le processus de paix israélo-palestinien.
Ou encore, au sein de l’église chrétienne : le conflit en Irlande qui oppose Catholiques et Protestants et qui a fait couler beaucoup de sang.
Le conflit opposant Catholiques et Orthodoxes, tous deux issus du christianisme, dans les pays ex-communistes comme l’Urkraine ou la Roumanie.
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n Quels sont les évènements à l’origine de la division d’un système religieux ? (Par exemple le schisme entre Catholiques et Protestants).
n Quelles sont les différences entre les trois branches principales de l’islam : le chiisme, le sunnisme et le kharijisme ?
n Posez-vous les mêmes questions en ce qui concerne les différents courants issus du christianisme.
Témoignage
Robert Hamill, catholique de vingt-six ans, père de trois enfants, est mort après avoir été roué de coups de pied par une trentaine de loyalistes (nom donné aux protestants vivant en Irlande du Nord en raison de leur loyauté à la Couronne britannique par opposition aux catholiques appelés « nationalistes »), alors qu’il rentrait chez lui avec trois amis d’une salle de danse catholique située à Portadown. Cette agression s’est déroulée en avril 1997, à moins de vingt mètres d’un fourgon de la Royal Ulster Constabulary (RUC, police d’Irlande du Nord) et à 200 mètres seulement d’un poste de la RUC. Pourtant, les quatre policiers armés qui se trouvaient dans le fourgon n’ont rien fait pour protéger Robert Hamill et ses compagnons. Ils ont ignoré les avertissements leur indiquant que la situation risquait de dégénérer et les appels à l’aide qui leur étaient adressés. Malgré la sauvagerie de cette agression, les agents de la RUC ont omis d’interdire l’accès aux lieux du crime, de réunir des éléments de preuve médico-légaux, de recueillir des déclarations ou de procéder à des arrestations. Nul n’a jamais été reconnu coupable du meurtre de Robert Hamill et aucune mesure n’a été prise pour sanctionner la passivité des membres de la RUC. Depuis cette agression, les membres de la famille Hamill ont été victimes d’autres atteintes à leurs droits fondamentaux, tant de la part des milices loyalistes que de la RUC. En mars 1999, l’avocate de la famille, Rosemary Nelson, qui se préparait à intenter des actions civiles contre six suspects et contre la RUC, a été tuée par l’explosion d’un engin piégé dissimulé sous sa voiture par un groupe paramilitaire loyaliste.
Exemples positifs
n Le Premier « Congrès Mondial des Imams et Rabbins pour la Paix », dont l’objectif est de faire avancer la paix dans le monde et créer un dialogue judéo-musulman à l’échelle mondiale, s’est clôturé par la diffusion d’une déclaration finale annonçant la création d’un comité permanent des trois religions monothéistes qui se présente comme une cellule de crise qui réagira chaque fois qu’un acte de violence islamophobe ou antisémite sera commis dans le monde. (Le Soir, 7/01/05)
n 28 juillet 2005 : L’IRA annonce la fin de la lutte armée
L’Armée Républicaine Irlandaise déclare qu’elle s’engage sur une voie purement politique.
Réactions enthousiastes mais la prudence est de mise.
(La Libre, 29/07/05)

POUR EN SAVOIR PLUS
n Courrier international - 16 juin 2005 article issu de : THE INDEPENDENT - L’abominable visage de l’antisémitisme
n La Tribune de Bruxelles (26/05/05) : Le point sur les différentes croyances à Bruxelles - A chacun sa religion
Vidéo/Films
n Bloody Sunday, Paul Greengrass (2002)
n Le monde après le 11 septembre, dossier pédagogique d’Amnesty accompagné d’une vidéo

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