II.3.1.4. L’accueil :

Le réfugié qui a fui son pays a tout abandonné derrière lui. Il ne pourra y retourner que lorsque la situation politique aura évolué. En attendant, il se trouve confronté à un certain nombre de problèmes pour vivre décemment dans un pays d’accueil :

  l’apprentissage de la langue, de la culture, des mœurs du pays d’accueil,

  trouver un emploi,

  trouver un logement,

  se créer un réseau social, d’amitiés, etc 96

Au delà de ces problèmes il est également confronté à la discrimination. Dans les pays riches d’Europe, d’Amérique du Nord et d’Océanie, le racisme, le nationalisme, le sentiment d’insécurité, la crise économique, la peur devant le défi démographique, l’amalgame entre réfugié et terroriste entre autres sont les causes de la politique plus restrictive à l’égard des réfugiés.

Depuis, les années 80, les demandeurs d’asile trouvent moins facilement refuge en Europe. Pour certains hommes politiques et médias, les réfugiés sont de parfaits boucs émissaires. On leur reproche d’être à l’origine des problèmes sociaux tels que le chômage et la délinquance...
Dans de nombreux pays riches, l’opinion publique a montré une certaine hostilité envers les réfugiés, certains individus allant même jusqu’à les agresser physiquement ou détériorer leurs maisons.97
Heureusement, d’autres citoyens se mobilisent pour prendre la défense d’une famille ou d’un groupe qui risque d’être expulsé.
La démographie pose un autre défi, d’après The Wall Street Journal (http://www.wsj.com/) : « L’Europe est soumise à un changement fondamental de sa population, que certains analysent comme étant le plus important depuis un millénaire, avec l’arrivée de musulmans du Moyen-Orient et du Maghreb, qui traversent la Méditerranée à la recherche de travail et d’une vie meilleure ». Avec des taux de natalité déclinants, « l’Europe a besoin que cette immigration s’épanouisse ». D’ailleurs, la Commission européenne prend le problème très au sérieux, comme l’indique une note datée du 6 juillet 2005 du commissaire à la Justice Franco Frattini soulignant l’importance de l’intégration des immigrés qui ne sont pas originaires de l’UE. Or, c’est la tendance inverse que l’on observe. « Dans certaines villes européennes, près de la moitié des jeunes musulmans n’ont pas terminé l’enseignement secondaire et le taux chômage est élevé. Le racisme est en hausse, ce qui enferme les musulmans au sein de leur communauté ». À cet égard, l’exemple de la France, minée par « la ghettoïsation » sur un terreau religieux, est très parlant.
En effet, en France, les banlieues difficiles représentent un terrain de prédilection pour les prêches d’un islam radical, comme celui de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), l’un des mouvements les mieux organisés dans l’Hexagone. 98
Quelques chiffres
Le nombre de réfugiés dans le monde a baissé de 4% en 2004 à 9,2 millions, le total le plus bas depuis presque un quart de siècle. Cependant le nombre de personnes déplacées et d’apatrides demeure élevé.
(Points presse du Haut Commissariat aux Réfugiés - 17 juin 2005)
Quelques fausses images associées aux réfugiés

  Les réfugiés sont des envahisseurs : pourtant, ce sont majoritairement les pays du Sud qui accueillent le plus de réfugiés !

  Les réfugiés sont des profiteurs : en attendant l’examen de leur demande, ils ne reçoivent qu’une aide matérielle (soins, logement, nourriture) de l’État. Ils n’ont pas le droit de travailler. Cela laisse alors la porte ouverte au travail AU noir. Ce ne sont pas eux qui en profitent mais les employeurs qui font travailler une main-d’oeuvre fragilisée dans des conditions de travail inacceptables !

  Les réfugiés sont des criminels : on n’a pas remarqué de hausse sensible de la délinquance ou de la criminalité dans notre pays à cause de l’accueil de réfugiés.99
Il faut comprendre que les réfugiés ne demandent pas l’asile de gaieté de cœur, ils y sont contraints. Ici encore rappelons la différence entre un réfugié et un migrant économique qui quitte son pays pour trouver un travail et une vie meilleure ailleurs. Pour beaucoup, ce déracinement ne fait que renforcer leur malheur. Ils fuient les persécutions et la répression. Ils pensent trouver une terre d’accueil dans les pays voisins. Finalement, pour beaucoup, ce n’est que la misère des camps pour réfugiés, lourdeurs administratives, suspicions, contrôles de police, attente, incompréhension et souvent le racisme.
En Russie, la violence envers les minorités ethniques est de plus en plus présente surtout dans les villes. La plupart du temps, ce sont des groupes de skinheads qui attaquent les étrangers. Les victimes sont souvent des étudiants et des réfugiés africains. Les victimes sont originaires du Caucase (y compris les Tchéchènes), de l’Asie centrale, du Moyen Orient et l’Amérique latine.
On comprend que beaucoup de victimes, surtout les demandeurs d’asile et les réfugiés dont les papiers d’identité ne sont pas reconnus valables par la police, n’osent pas porter plainte de peur d’être victime de harcèlement ou d’extorsion de fonds.100
Témoignage :
S.L., qui vient du Libéria, n’avait que seize ans lorsqu’il est arrivé en Espagne après avoir franchi la clôture entourant la ville autonome de Ceuta. Il a été arrêté par la Guardia Civil (Garde civile), puis expulsé vers le Maroc sans avoir eu la possibilité de demander l’asile.
Il a été remis à des policiers marocains qui, d’après ses dires, l’ont battu et emmené à Oujda, à la frontière avec l’Algérie. Les procédures d’expulsion espagnoles - en particulier les expulsions illégales via la frontière avec le Maroc - ne garantissent pas le principe de non-refoulement, qui veut que nul ne soit renvoyé dans un pays où ses droits humains risquent d’être bafoués.

Pour en savoir plus sur la situation des réfugiés en Espagne et pour interpeller le gouvernement espagnol :
http://web.amnesty.org/pages/esp-200605-action-fra

En Belgique
Comme d’autres pays européens, la Belgique place les demandeurs d’asile, en situation irrégulière ou ayant épuisé leur recours, dans des centres fermés. Ces centres sont en fait semblables à des prisons. Les réfugiés y attendent d’être refoulés vers un autre pays. Or, les personnes qui se trouvent dans ces centres n’ont généralement commis aucun délit. Leur seul « tort » est d’avoir tenté de chercher l’asile en Belgique.101
L’État justifie sa politique d’enfermement des réfugiés déboutés par le raisonnement suivant : ces personnes ont épuisé les différents recours légaux et n’ont donc plus rien à faire en Belgique. Si on les laissait en liberté sur le territoire, on ne pourrait plus jamais les refouler, puisque ces personnes ne seraient pas facilement localisables. Par ailleurs, leur détention est limitée dans le temps à 5 mois maximum. Mais, si l’étranger s’oppose à son expulsion, qui échoue, le délai recommence à courir depuis le début.112
Les femmes représentent un tiers du nombre total des demandeurs d’asile en Belgique. Tout comme les hommes, elles peuvent introduire une demande d’asile dans notre pays et ont droit à un traitement égal lors de l’examen de leur demande d’asile. Mais, pour Amnesty International, les instances d’asile devraient mieux tenir compte des raisons spécifiques pour lesquelles ces femmes fuient leur pays, et leurs besoins durant la procédure d’asile elle-même.
Devraient être considérées comme des causes spécifiques de persécution liées à leur condition de femme : l’incidence indirecte des activités (politiques ou autres) de leur époux ou de leurs parents, les violences sexuelles ainsi que d’autres formes de violence. Par ailleurs, des femmes fuient également leur pays parce qu’elles y sont victimes de discriminations, de punitions et de traitements inhumains et humiliants infligés pour avoir enfreint les lois ou les normes traditionnelles quant au rôle de la femme dans la société. De même, ces femmes y sont souvent les victimes de pratiques traditionnelles nuisibles telles que les mutilations génitales, les limitations forcées de grossesse, les crimes d’honneur et les mariages forcés.
Même si Amnesty International reconnaît que certaines mesures ont été émises en faveur des femmes, celles-ci demeures dispersées et l’organisation demande une réelle politique coordonnée en la matière.
Quelques exemples

  En 2004, la Chambre des mises en accusations avait émis une ordonnance de libération en faveur de plusieurs personnes placées en centres fermés. Au lieu de les libérer, l’Office des étrangers a exécuté cette ordonnance en les plaçant dans la zone de transit de l’aéroport de Zaventem. Elles y sont restées plusieurs jours ou plusieurs semaines - plusieurs mois dans quelques cas -, détenues de fait, sans passeport, sans assistance juridique et sans certains des moyens de survie élémentaires (nourriture, air frais et installations sanitaires adaptées notamment). Ces personnes étaient ainsi souvent tributaires de la charité des passagers et du personnel de l’aéroport.

  En 2003, quelques 250 demandeurs d’asile iraniens ont mené des actions à l’ULB et à l’UCL. Ils protestaient contre la façon dont leur demande d’asile avait été traitée par la Belgique. Ils considéraient que notre pays sous-évaluait la gravité de la situation en Iran et demandaient à pouvoir rester en Belgique jusqu’à ce que la situation des droits de humains en Iran se soit notablement améliorée.

  Souvenez-vous de l’affaire « Semira Adamu », qui a eu lieu en 1998 en Belgique...Semira Adamu était une demandeuse d’asile originaire du Nigéria. Elle est morte le 22 septembre 1998, quelques heures après une tentative visant à l’expulser de force depuis l’aéroport de Bruxelles-National. Elle avait vingt ans. Déboutée de sa demande d’asile, elle s’était opposée auparavant à cinq tentatives d’expulsion. Le jour de sa mort, elle a été escortée par neuf gendarmes jusque dans un avion à destination du Togo. Trois d’entre eux devaient l’accompagner jusqu’à destination, un quatrième était chargé de filmer une partie de l’opération (pratique courante au moment des faits). Avant le décollage, les gendarmes ont eu recours à la technique dite « du coussin » - méthode autorisée à l’époque par le ministère de l’Intérieur, mais interdite depuis ; elle consiste à placer, avec précaution, un coussin sur la bouche d’une personne récalcitrante en instance d’expulsion, pour l’empêcher de mordre et de crier, sans toutefois lui couvrir le nez.103

En France
En 2003, les morts de deux étrangers sans papiers ont donné lieu à des enquêtes complètes et impartiales.
Deux personnes sont mortes dans l’espace d’une quinzaine de jours. Depuis 1991, c’était les premiers cas de morts survenues à bord d’un avion lors d’une expulsion forcée du territoire français.
Avant d’apprendre la mort, le 16 janvier 2003, du ressortissant somalien Mariame Getu Hagos, Amnesty International avait écrit au ministre de l’Intérieur au sujet de la mort de Ricardo Barrientos, ressortissant argentin, survenue le 30 décembre 2002 dans un avion à destination de Buenos Aires.
Dans les deux cas, selon les informations reçues, les personnes en instance d’expulsion ont été placées à l’arrière de l’avion, les mains attachées dans le dos au moyen de menottes. Ricardo Barrientos a été plié en deux, la tête au-dessus des genoux, une pression étant exercée sur ses omoplates.
Selon l’avis des spécialistes de l’asphyxie posturale, une personne dont les mains sont menottées dans le dos peut voir sa capacité respiratoire amoindrie, et si l’on exerce une pression sur son dos alors qu’elle est dans cette position, elle risque d’avoir encore plus de mal à respirer ; c’est ce qui se produira, par exemple, si un policier lui appuie sur le dos !104

Pour plus d’infos

  Etranger mon voisin de palier, Edition Carole Crabbé, les Magasins du monde-OXFAM, février 2001
Rapports Amnesty

  BURUNDI / RWANDA / TANZANIE. Violations des droits des réfugiés et des rapatriés, juin 2005, ( Index AI : AFR 16/006/2005, disponible sur www.amnesty.org)

  SUÈDE. Les droits des réfugiés sont battus en brèche dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme », juin 2005
(index AI : EUR 42/001/2005)

  UNION EUROPÉENNE. Le coût humain de la « forteresse Europe » : des demandeurs d’asile détenus et expulsés au mépris des règles d’équité. Amnesty International rend publics trois rapports sur l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni, juin 2005. (index AI : IOR 61/015/2005)

  EUROPE. Les droits fondamentaux des travailleurs migrants sont bafoués, avril 2005. (index AI : EUR 01/005/2005)

 EUROPE - Traitement réservé aux réfugiés et demandeurs d’asile (synthèse)

 ITALIE : Lampedusa, l’île des promesses oubliées de l’Europe

 BELGIQUE : Responsabilités passées et actuelles dans la mort de Semira Adamu

En ce qui concerne la situation des enfants, voir le chapitre consacré aux discriminations selon l’âge.

Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Alvaro Gil-Robles a visité des lieux de « privation de libertés » un peu partout en Europe. Du dépôt des étrangers, sous le palais de justice de Paris, il afiirme « de ma vie, sauf peut-être en Moldavie, je n’ai vu un centre pire que celui-là ! C’est affreux ! Les gens s’entassent dans un sous-sol sur deux niveaux, sans aération. Ils se promènent dans une cour minuscule grillagée de tous côtés. Au second niveau, on marche sur la grille, au-dessus de ceux du premire niveau. Les fonctionnaires en sont eux-mêmes très gênés. Il faut fermer cet endroit, c’est urgent ».105

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit