France

BRICE PETIT, en garde à vue pour avoir protesté contre la violence policière.

Il arrive que des simples citoyens se révoltent
contre des actes qu’ils trouvent injustes.
Même dans un pays démocratique comme la
France, cela peut vous attirer des ennuis…
Tout commence à Montpellier, le 28 avril 2004.
Directeur de la revue de poésie « Moriturus »,
Brice Petit assiste, en compagnie du poète
Cédric Demangeot, à une interpellation policière très musclée
d’un homme sans domicile fixe qui implore qu’on arrête
de le tabasser. Choqués, les deux poètes demandent aux policiers
d’y aller plus « humainement ». Résultat : Brice Petit est
embarqué, menotté et fera douze heures de garde à vue pendant
lesquelles il ne sera pas ménagé. Au sortir, il écope
d’une plainte pour outrage à agent de la force publique en la
personne des trois policiers.

Brice Petit, enseignant reconnu dans le milieu littéraire,
décide de relater son arrestation dans un message, véritable
appel à l’aide, qu’il envoie à ses amis. Il y joint le texte intégral
de la plainte déposée contre lui. Une vingtaine de sites
littéraires décident de reproduire l’information sur Internet,
avec les noms des trois agents tels qu’ils sont écrits sur le procès
verbal. Cette réaction citoyenne va provoquer les foudres
de la justice qui s’empare de cette affaire. En effet, l’un des
trois policiers tombé par « hasard » sur le site du poète et président
de la Maison des Ecrivains, Jean-Michel Maulpoix, où
l’affaire est relatée en mentionnant son nom et celui de ses
deux collègues, décide de porter plainte pour diffamation
contre Brice Petit et... Jean-Michel Maulpoix. Le 31 août 2005,
la sanction tombe : Brice Petit est relaxé au titre de l’outrage.
Les nombreux témoignages recueillis ont en effet apporté la
certitude qu’il n’avait tenu aucun propos désobligeant contre
les policiers. Il n’aurait pas dû subir de garde à vue. Mais la
justice condamne en revanche Jean-Michel Maulpoix et Brice
Petit à payer 3.000 euros chacun pour diffamation. Dans sa
déposition à la barre, qui a été confirmée par un témoin,
Brice Petit a affirmé qu’il n’avait pas qualifié les agents de « 
nazis » ni d’« antisémites », contrairement à ce qui avait été allégué,
mais qu’il avait protesté de façon pacifique contre la
force « inacceptable » employée pour interpeller une personne
non armée à l’origine d’un trouble mineur à l’ordre public.
« Les quelques phrases que je me rappelle avec certitude avoir
émises de ma taille d’homme face aux forces de l’ordre furent les suivantes
 : « Vous n’avez pas le droit de traiter un homme comme cela !
Pourquoi une telle violence ? Est-ce que c’est nécessaire ? Nous sommes
dans un pays humaniste ! Cet homme est en sang ! » et, le ton montant
 : « Je n’accepte pas que dans le pays de Montaigne, de Voltaire, de
Rousseau, on traite un homme de cette manière. C’est inacceptable,
intolérable. Vous faites preuve d’une brutalité sans nom. »

L’affaire Brice Petit a suscité le soutien de la « République
des Lettres » : beaucoup d’écrivains et journalistes ayant
relayé cette affaire ont demandé à leur tour à être
condamné...


INFORMATIONS GENERALES

Plus grand pays d’Europe de l’Ouest en superficie, la France
est un noeud de croisement en Europe entre le sud (péninsules
ibériques et italiennes) et le nord (îles britanniques et
espace germanique). Elle possède aussi des territoires en Amérique
du Nord, dans les Antilles, en Amérique du Sud, dans
l’océan Indien, dans le nord et le sud de l’océan Pacifique et en
Antarctique. La République française s’est construite sur les
valeurs universelles des droits de l’homme, avec comme
emblême « Liberté, Egalité, Fraternité ». Cela ne l’a pourtant pas
empêché de pratiquer une politique parfois très violente dans
ses relations avec ses colonies ou territoires annexés, comme
lors de la guerre d’Algérie avec le recours à la torture contre les
forces indépendantistes.

Co-fondatrice de l’Union Européenne, 6ème puissance économique
du monde, la France est la première nation visitée du
monde, accueillant au-delà de 75 millions de touristes chaque
année (soit plus que sa propre population). La politique étrangère
de la France est traditionnellement très active. Cela tient à
son histoire d’ancienne puissance coloniale (notamment en
Afrique et au Maghreb) et aux choix faits par le Général de
Gaulle (président de 1958 à 1969) : diplomatie relativement
indépendante des blocs, choix de la dissuasion nucléaire,
alliance étroite avec l’Allemagne dans la construction européenne.
Le président de la République détient des pouvoirs bien
plus importants que dans la plupart des autres pays. Parmi ces
pouvoirs, on peut retenir son droit à choisir le Premier ministre
ainsi que son autorité en matière de défense et de politique
étrangère. Politiquement, la France est divisée entre la
gauche et la droite, mais également entre les partisans d’une plus grande intégration dans une Europe politique
et ceux qui au contraire prônent une politique
plus nationale.

Ces tensions ont abouti au rejet de la
Constitution européenne lors d’un référendum. Le climat social
a été assez agité ces derniers mois, notamment avec de violentes
émeutes dans les banlieues suite aux propos du Ministre de l’Intérieur
Nicolas Sarkozy qui parlait de nettoyer certains quartiers
au « karsher ». Les nombreuses manifestations contre le
CPE (Contrat de Première Embauche) ont également suscité
beaucoup de tensions, obligeant le gouvernement à retirer ce
projet de loi. Enfin, les expulsions de familles avec enfants sans
papiers et la politique sévère en matière de régularisation continuent
à choquer une partie de l’opinion publique, alors que l’extrême
droite surfe sur le sentiment d’insécurité et sur la peur
des étrangers.

PISTES PÉDAGOGIQUES

 Littérature et droits humains.
Brice Petit a dit aux policiers
 : « Je n’accepte pas que dans le pays de Montaigne, de Voltaire,
de Rousseau on traite un homme de cette manière ». Pourquoi a-t-il
cité ces auteurs ? En quoi ces auteurs ont-ils influencé leur
époque et notre époque moderne ?

 sur la violence policière en France : Citez des
exemples, des témoignages. Voir les rapports d’Amnesty :
« France - Mettre fin à l’impunité de fait des agents de la force
publique dans des cas de coups de feu, de morts en garde à
vue, de torture et autres mauvais traitements », sur
<http://web.amnesty.org/library/Inde...>
et « France - Pour une véritable justice : examen de cas
concrets », disponible sur
<http://web.amnesty.org/library/Inde...>

 sur les sans-papiers : Quelle est la situation des sans
papiers en France ? Faites une comparaison avec la politique
menée en Espagne, en Italie ou en Allemagne. Voir le dossier
« La forteresse France », Libération, 25/07/2006.
Lire à ce sujet :
 « Dans la peau d’un sans-papiers », d’Ababacar Diop, Éd.
du Seuil, 1997 : Porte-parole des « sans-papiers » de l’église
Saint-Bernard, l’auteur est bien placé pour raconter, de l’intérieur,
un parcours exemplaire.

 « Bienvenue en France ! » de Anne de Loisy, éd. Le Cheche-
Midi.
Après 6 mois d’enquête clandestine au coeur de la zone d’attente
de Roissy, l’auteur décrit le sort réservé aux étrangers
dès leur arrivée sur le sol français. Pour pouvoir pénétrer
dans cette zone, appelée « Zapi 3 », la journaliste a dû travailler
comme médiatrice de la Croix-Rouge française.

 sur l’enseignement de la période coloniale : Un projet
de loi demandant la reconnaissance par les programmes scolaires
du « rôle positif » de la France dans ses ex-colonies a
provoqué une levée de boucliers et des manifestations de
colère, notamment en Algérie et en Martinique. Suite à ces
tensions, Jacques Chirac finit par demander solennellement,
le 9 décembre 2005, « que les esprits s’apaisent ». « Ce n’est
pas à la loi d’écrire l’histoire », déclare-t-il. Recherche : quelles
sont les responsabilités de la France vis-à-vis de l’esclavage et
des crimes commis dans ses ex-colonies ? (voir essais suggérés plus bas)

 sur la torture en Algérie : comparez ces deux phrases et
débattez-en : « J’ai dit et reconnu que la torture avait été généralisée
en Algérie. (…) Tout cela faisait partie d’une certaine
ambiance, à cette époque, à Alger. Non, la torture n’est pas
indispensable en temps de guerre. Quand je repense à l’Algérie,
on aurait pu faire les choses différemment », Général
Massu.
« Pour ma part, je ne me repens pas. », Général Aussaresses.
Quelles ont été les réactions des autorités françaises suite à
ces déclarations ?

 Sur la colonisation et l’esclavage :

. Codes noirs : De l’esclavage aux abolitions de André
Castaldo (Poche)

. L’esclavage racontée à ma fille, de Christiane Taubira,
éd. Bibliophane (poche)
Peau noire, masques blancs de Frantz Fanon (poche)

 Sur le rôle de la France durant la guerre d’Algérie et
dans d’autres conflits :

. D’amour et de haine - Les années algériennes de
René Château, 1991 (disponible en vidéo à la médiathèque) :
Cette série de quatre vidéocassettes décrit l’aventure coloniale
française en Algérie, des années trente à la fin de la
guerre d’indépendance, avec le témoignage des anciennes et
des nouvelles générations.

. L’ennemi intime – violences dans la guerre d’Algérie,
2002 (disponible en DVD à la médiathèque) : En explorant
des itinéraires individuels, Patrick Rotman tente de comprendre
ce qui s’est passé.

. Escadrons de la mort, l’Ecole française, 2003 (disponible
en DVD à la médiathèque) : ce documentaire révèle
l’implication directe de militaires français dans l’histoire des
guerres sales d’Amérique du Sud : après la guerre d’Indochine,
où naquit la théorie de la « guerre révolutionnaire »,
puis la Bataille d’Alger, où s’élabora la « doctrine française », la
France et son armée ont exporté, en véritables experts, les
méthodes de « guerre antisubversive » développées pour lutter
contre les combattants algériens du FLN.

 Sur les banlieues en France :

. Dans l’enfer des tournantes, de Samira Bellil, éd.
Folio. : un témoignage très fort sur les conditions de vie et la
violence envers les filles dans les banlieues françaises.

. La raison du plus fort, de Patric Jean (disponible en
DVD à la médiathèque) : documentaire sur la misère en Belgique
et en France, où les banlieues de misère sont « invisibles
 » pour ceux qui n’y vivent pas, où il suffit de venir de
ces banlieues pour être fiché comme « un problème ». Les
pauvres en général et les jeunes issus de l’immigration en
particulier sont l’objet de toutes les peurs.

Films disponibles à la médiathèque

. « La Haine » de Mathieu Kassovitz : L’histoire de trois
copains à la dérive qui ont en commun leur haine pour la
société. Un film culte qui parle de la violence des jeunes mais
aussi de leur désespoir.

. « Le petit soldat » de Jean-Luc Godard(1960) : Le film se
passe en Algérie, en pleine guerre, et montre les violences
commises par les deux parties en conflit. En 1960, la guerre
d’Algérie était un sujet tabou et la censure française interdit
le film qui ne fut autorisé qu’en 1963.

Bande-dessinée
. Les mauvaises gens de Etienne Davodeau (éd. Delcourt) :
une Bd-reportage sur une époque et une région : les Mauges,
des années 50 jusqu’au 10 mai 1981, date de l’arrivée des
socialistes au pouvoir. « Les mauvaises gens » témoigne de
l’engagement social et religieux de la classe ouvrière, à travers l’histoire de Maurice et Marie-Jo.

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