Cambodge

CHEA VICHEA, assassiné.

Chea Vichea, défenseur
des droits
humains et président
du syndicat libre des travailleurs
du Cambodge, a
été assassiné vers 9 h du
matin le 22 janvier 2004
dans une rue très passante
de Phnom Penh. Deux
hommes en motocyclette
Honda se sont arrêtés à hauteur
d’un kiosque à journaux
où Chea Vichea lisait,
comme chaque matin, les nouvelles du jour. Un des hommes
est descendu de moto et a tiré trois fois à bout portant. Chea
Vichea est mort sur le coup.
A l’époque, il avait une fille de deux ans et sa femme
était enceinte de sept mois ; elle vit maintenant en exil avec
leurs deux jeunes enfants.
Ce meurtre a suscité une condamnation internationale et
nationale sans précédent. De l’avis général, le motif de cet
assassinat était d’ordre politique : il ne semble pas que le
vol ait été la raison du crime, car le téléphone portable et la
moto de Chea Vichea sont restés intacts sur les lieux. Son
rôle de premier plan en tant que défenseur des droits des travailleurs
et des syndicats – en particulier dans l’industrie du
vêtement en expansion au Cambodge – faisait de lui une
cible privilégiée, ainsi que son affiliation politique au parti
d’opposition Sam Rainsy (Sam Rainsy Party, SRP). Il avait reçu
de nombreuses menaces de mort tout au long de sa vie
professionnelle et au moins une fois était allé vivre caché.


L’ENQUÊTE

L’enquête sur la mort de Chea Vichea s’est caractérisée par
des pressions et des ingérences politiques, avec usage par
la police de manoeuvres d’intimidation, de menaces et de tortures
sur la personne de suspects, de témoins et d’autres personnes
en relation avec l’affaire. Plus d’un an après, deux suspects
(Born Samnang et Sok Sam Ouen) sont toujours en
détention préventive en l’attente d’un procès. Ils ont affirmé
que, au départ, ils ont avoué le meurtre à la suite de tortures
subies au cours d’interrogatoires par la police. Par la suite, ils
ont proclamé publiquement leur innocence, et des
recherches menées par des ONG locales, préoccupées par les
allégations de tortures, ont révélé que les accusés – tous les
deux petits délinquants – avaient chacun un alibi. Des
témoins oculaires se sont déclarés en désaccord avec la version
selon laquelle les suspects ressemblaient au véritable
assassin. De graves irrégularités dans le processus judiciaire
(notamment la nomination du juge d’instruction à un
autre poste après qu’il eut ordonné la clôture du dossier pour
insuffisance de preuves) ont fait que les deux accusés ne sont
pas encore passés en jugement.

Pour plus d’informations, se référer à l’Appel Urgent
d’Amnesty International, disponible sur :
<http://web.amnesty.org/library/Inde...>


INFORMATIONS GENERALES

Le Cambodge est un pays qui se relève à peine du souvenir
du génocide perpétré par les Khmers rouges entre
1975 et 1979… Les blessures restent encore présentes,
puisque la justice vient à peine de commencer son travail. Et les
traces de la guerre sont toujours bien là, comme les mines
anti-personnel qui continuent à tuer chaque année.
Le Cambodge est un ancien protectorat français. Il obtient
son indépendance au lendemain de la Guerre d’Indochine en
1953. Les grandes puissances américaine et soviétique, qui se
livraient une véritable lutte par populations interposées au Vietnam,
firent pression sur le Cambodge pour s’assurer de son soutien
dans la guerre, contribuant ainsi à la déstabilisation politique
du pays et per extenso, à la montée en puissance des
Khmers rouges. Ces derniers, après des années d’insurrection,
soutenus par les Viêt-Congs, prennent le pouvoir en 1975 et le
conservent jusqu’en 1979, sous la direction de Pol Pot.

Les opposants au régime, les intellectuels, les personnes
appartenant à des minorités ethniques ou à des
groupes religieux furent systématiquement éliminés. Le
nombre exact de victimes du régime khmer rouge, au pouvoir
de 1975 à 1979, reste discuté, mais on l’estime environ à deux
millions ! Les dirigeants de la « République de Kampuchéa » -
nom officiel du régime khmer rouge- avaient de vastes ambitions
territoriales, notamment en terre vietnamienne. Alors que
les incidents de frontières se multipliaient, le Vietnam décida
d’envahir le Cambodge en décembre 1978. Phnom Penh
tombe en janvier 1979, le régime Khmer rouge est renversé et
remplacé par un gouvernement largement contrôlé par le Vietnam.
Le Cambodge ne retrouve son autonomie qu’au début
des années 1990, après le départ des troupes vietnamiennes et
l’intervention de l’Organisation des Nations Unies. En 2005, la
politique cambodgienne se déroule en grande partie devant les
tribunaux. Les hommes politiques ont déposé de nombreuses
plaintes les uns contre les autres, soumettant le système
judiciaire à des pressions considérables.

ENFIN LA JUSTICE !

Le 3 juillet 2006, 17 juges cambodgiens et 10 juges
étrangers ont prêté serment, donnant ainsi le coup d’envoi d’un
procès au cours duquel seront jugés les principaux chefs khmers
rouges. Le Cambodge aura donc attendu près de trente ans
pour qu’une certaine forme de justice soit rendue. Il aura
fallu de nombreux efforts sur les fronts intérieur et international
pour mettre en place ce tribunal. Et il faudra encore trois
ans avant de connaître les verdicts. Ce procès représente une
grande victoire pour les Cambodgiens, car il a été différé durant
près d’une décennie du fait de désaccords entre le gouvernement
cambodgien et les Nations unies sur les modalités et le
financement de l’action judiciaire. Mais il n’aurait pas été possible
sans la coopération d’autorités cambodgiennes au départ
très récalcitrantes. Durant toutes ces années, la communauté
internationale, les donateurs et le peuple cambodgien ont fait
pression sur le gouvernement de Phnom Penh pour que soient
jugés les chefs khmers rouges, et notamment l’ancien numéro
deux du régime chargé de la propagande, Nuon Chea, l’ancien
chef de l’Etat, Khieu Samphan, l’ancien ministre des Affaires
étrangères, Ieng Sary, et le chef de l’armée, Ta Mok. Si Pol Pot,
le “Frère numéro un”, n’était pas mort il y a huit ans, il serait lui
aussi jugé pour crimes contre l’humanité.

A ce jour, on ne sait toujours pas avec certitude qui va être
appelé à comparaître et quand. Les juges locaux et étrangers doivent
fixer les détails de la procédure. Une chose est certaine : il y
aura des surprises. N’oublions pas que le Premier ministre Hun
Sen et beaucoup d’autres dirigeants de haut rang ont été officiers
dans les rangs khmers rouges. Une fois que la procédure
sera engagée, nul ne sait quels crimes seront divulgués ni combien
de personnes seront inculpées. Qui plus est, à l’époque du
génocide, certains pays, dont la Chine et la Thaïlande, entretenaient
des relations amicales avec les Khmers rouges. Comment
la conduite de ces Etats va-t-elle être jugée ?
Il n’est pas facile de tirer les leçons du passé, surtout quand
des millions de personnes sont concernées. Les autorités devront
être patientes, capables de coopérer, et surtout faire preuve
d’une transparence totale. Faute de quoi il sera impossible de
faire avancer pacifiquement le débat sur les horreurs du passé.
(Courrier International, n° 819, 13/07/06.)

DROITS HUMAINS

La possibilité de critiquer le gouvernement, même pacifiquement,
reste limitée. Les autorités ont levé en 2005
l’immunité de trois parlementaires de l’opposition, dont deux
ont été condamnés à une peine d’emprisonnement. Des poursuites
pénales ont été engagées contre des syndicalistes et
le dirigeant d’une radio. Les défenseurs des droits humains
et les opposants politiques sont menacés et le droit à la
liberté de réunion reste soumis à des restrictions. Des Vietnamiens
appartenant aux minorités ethniques collectivement
désignées sous le nom de Montagnards ont continué à passer la
frontière pour demander asile au Cambodge. Certains d’entre
eux ont été renvoyés de force dans leur pays. Des progrès ont
été faits dans la lutte contre les violences conjugales avec
l’adoption d’un texte qui étend les pouvoirs d’intervention de la
police et de l’administration locale.

Pour plus d’informations, se référer au Rapport 2006 d’Amnesty
International, disponible sur :
<http://web.amnesty.org/report2006/k...>


PISTES PÉDAGOGIQUES

 Réaliser un exposé sur les Khmers rouges : présenter leur
idéologie et leur programme politique, économique et social.
Faire une biographie de Pol Pot et des principaux dirigeants
du mouvement.

Se référer à :
 David P. Chandler, Pol Pot : Frère Numéro Un, Plon, 1993.

 hilippe Richer, Le Cambodge. Une tragédie de notre temps,
Presses de Sciences-Po, 2001.

 Christian Leverchy, Le Khmer rouge : Homo bellicus versus homo
economicus, Cultures & Conflits, n°8, 1993, 24-39, disponible
sur : <http://www.conflits.org/document525...>

Projeter et étudier le documentaire S-21, La machine de
mort khmer rouge
de Rithy Panh sur la prison secrète S-21 et de
La déchirure de Roland Joffé, qui relate l’histoire de deux journalistes
poursuivis par les khmers rouges.
Voir le dossier « Cambodge, le pays maudit », Libertés, septembre
2006. Voir <www.libertes.be>

 Travail sur la réconciliation après un conflit violent
(Pourquoi une réconciliation ? Comment une réconciliation
est-elle possible ? Quels en sont les enjeux ?).

Bibliographie indicative :

 International Institute for Democracy and Electoral Assistance,
La réconciliation après un conflit violent, disponible sur :
<http://www.idea.int/publications/re...>

 Outil pédagogique de l’ONG justice et Paix sur la mémoire,
l’oubli et la réconciliation, disponible (5 euros) sur :
<http://www.justicepaix.be/outils_pe...>

 Centre international pour la justice transitionnelle :
<http://www.idrc.org/fr/ev-102296-20...>

- Littérature : lire et étudier :
 François Bizot, Le Portail, Gallimard, 2002 : cet ethnologue
français a été prisonnier des Khmers Rouges pendant trois
mois en 1971. Il tire de cette expérience personnelle un livre
très touchant sur la nature humaine, sur les rapports ambigus
entre victime et bourreau et sur la quête d’idéal, présente
en chacun de nous et coupable des pires atrocités. François
Bizot fut un interlocuteur privilégié de Douch, son tortionnaire
cambodgien. Cet homme deviendra d’ailleurs l’un des
plus terribles chefs de guerre du siècle.

 Claire Ly, Revenue de l’enfer : Quatre ans dans les camps khmers
rouges
, L’ Atelier, 2002 : Récit des épreuves subies par l’auteure,
professeure de philosophie, après la prise du pouvoir
de Pol Pot au Cambodge en 1975. Camps de travail à la campagne,
malnutrition, exécutions sommaires, etc. Sous le coup
de la haine et de la colère, elle demande des comptes au Dieu
des Occidentaux. Rescapée, elle gagne la France et se convertit
au christianisme.

 François Ponchaud, Le Cambodge, Année zéro, Julliard, 1977 :
un témoignage irremplaçable sur l’arrivée des Khmers rouges au pouvoir.

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