Haïti

Marie Yolène Gilles, menacée

« Je travaille actuellement pour le
Réseau National de Défense
des Droits Humains (RNDDH),
comme coordinatrice assistante de
politique. Mon travail consiste à promouvoir
la réglementation légale
et les principes de bonne gouvernance,
de combattre et condamner la violence, d’aider
les victimes et d’informer la population de leurs droits.
Ce travail n’est pas sans obstacle. De façon inévitable, il
est difficile pour les militants des droits humains de
mener des investigations et de dénoncer les abus, lorsqu’ils
sont exercés par toujours les mêmes personnes
qui sont censées protéger, repsecter, promouvoir et
aider ces droits. J’ai moi même été la cible de plusieurs
menaces de mort. En 2003, ma tête a été mise à prix par les
supporters du gouvernement qui me voyait comme étant personnellement
responsable d’un rapport publié par le
RNDDH, et dans lequel était détaillé la façon illégale dont
étaient employées les forces armées par l’État. Mon nom
apparaissait sur une liste d’individus bons pour la décapitation.
Tout au long de ma carrière, des véhicules non immatriculés
avec des vitres tintées m’ont filé. Ils savent où je vis, et
connaissent mon emploi du temps. A plusieurs occasions, j’ai
vu des voitures garées et entendu des coups de feux près de
chez moi.
Ces difficultés combinées avec une carrière débutante
dans le journalisme, et ponctuée de périodes d’incarcération
et d’exil, ont suffit à réaffirmer ma conviction que je suis
dans mon bon droit en tant que citoyenne pour aider à
l’établissement d’une société qui respectera les lois et
les principes, et aidera Haïti à accéder à un tournant de
son histoire. »

Témoignage de Marie Yolène Gilles publié par Frontline le
23 février 2006, disponible sur :
http://www.frontlinedefenders.org/f...

INFORMATIONS GENERALES

Haïti occupe la partie ouest d’une île autrefois appelée
Hispaniola, la République Dominicaine étant installée
à l’Est. L’île d’Hispaniola est découverte par Christophe
Colomb en 1492. Son frère, Bartolomeo Colomb fonde la colonie
espagnole de la Nouvelle-Isabelle en 1496, plus tard
renommée Santo-Domingo. Les Français conquièrent la partie
occidentale de l’île d’Hispaniola avec l’aide des pirates qui
étaient déjà installés sur l’île de la Tortue, et fondent la colonie
française de Saint-Domingue, la future Haïti.
Les colons français prospèrent grâce au commerce de la
canne à sucre et du café, qu’ils font cultiver par des esclaves. Au
XVIIe siècle, Saint-Domingue, la « Perle des Caraïbes » devient
l’un des territoires les plus riches du monde, sa production de
café et de sucre outrepassant celle de l’ensemble des colonies
britanniques. Au lendemain de la Révolution Françaises, portés
par les idéaux révolutionnaires, les Noirs de Saint-Domingue se
révoltent, menés
par un ancien
esclave, Toussaint
L’Ouverture.
En 1794, la
Convention proclame
l’abolition
de l’esclavage
à
Saint-Domingue
puis dans toutes
les colonies françaises. Les métropoles des colonies voisines s’inquiètent
que la Révolution ne fassent des émules sur leurs territoires
et décident de lancer leurs troupes sur la France et ses
îles. Toussaint L’Ouverture offre alors son soutien à l’armée française
et repousse les attaques espagnoles et britaniques. Pour le
récompenser, il est nommé Général de la République et Gouverneur
de l’Île de Saint-Domingue. En 1801, il proclame une
Constitution autonomiste qui lui attribue les pleins pouvoirs
à vie. Sa volonté d’émancipation se heurte au projet de Napoléon
de réaffirmer la puissance coloniale française dans les
Caraïbes et il reprend alors les armes contre la France. Napoléon
réinstaure l’esclavage en 1802, Toussaint L’Ouverture est
arrêté, déporté dans un camps au Jura, où il meurt en 1803.

L’indépendance de l’île, et la création de la République
d’Haïti est proclamée le 1er janvier 1804. Haïti est la deuxième
colonie européenne à avoir l’accès à l’indépendance après les
Etats-Unis et la première république noire. Tout cela a un prix
que l’île paie très cher. Les métropoles des colonies voisines forment
un cordon sanitaire autour d’Haïti afin d’éviter que les
idéaux d’abolitionnistes et indépendantistes ne se propagent, ce
qui a pour effet d’étouffer son économie. Avec la disparition des
colons de la scène politique haïtienne, le clivage se déplace et
oppose les noirs aux mulâtres. La lutte pour le pouvoir est souvent
sanglante et les violences entre les deux culminent sous le
règne de Faustin Ier. Au début du XXe siècle, des compagnies
américaines commencent à investir massive-
ment à Haïti et cherchent à obtenir des concessions
dans les domaines de la production bananière et des
chemins de fer. En 1911, des troubles sociaux éclatent
et, à la satisfaction des banques américaines auprès desquelles
Haïti est largement endettée, le gouvernement des Etats-Unis
décide d’intervenir militairement sur l’île afin de rétablir
l’ordre et de sauvegarder les intérêts nationaux.

Les troupes américaines font adopter une nouvelle Constitution et occupent
Haïti jusqu’en 1934. Les Haïtiens acceptent mal cette incursion
étrangère et beaucoup se joignent à la cause des rebelles nationalistes
« cacos ». Un nouveau gouvernement proaméricain est
mis en place et mène une politique répressive rude à l’encontre
des insurgés. Le nombre d’Haïtiens tués pendant l’occupation
est estimé à 15 000 morts. En 1934, les Américains retirent
leurs troupes. Ce retrait soudain, combiné avec la crise économique
qui secoue le pays dans les années trente fragilise le
régime. L’armée intervient à plusieurs reprises : en 1946 pour
porter Dumarsais Estimé à la présidence et en 1950 quand le
général Paul Magloire prend le pouvoir. Les positions résolument
anti-communistes de Magloire lui valent d’être soutenu
par les Etats-Unis. Il stabilise la vie politique pendant quelques
temps et relance l’économie en commandant des grands travaux
(barrages, routes, etc.) financés grâce aux revenus des ventes du
café. De plus en plus contesté, il fuit Haïti alors en proie à une
insurrection générale. François Duvalier,
« Papa Doc », est élu l’année suivante.
Ce dernier ne tarde pas à instaurer une véritable dictature.
Il interdit les partis d’opposition, puis dissout le parlement
(1961) et s’autoproclame président à vie (1964). Sa domination
sur Haïti est d’autant plus forte qu’il joue sur les craintes qu’inspire
le culte vaudou, se faisant passer pour un hougan, voir pour
l’incarnation du « Baron Samedi », le loa de la mort.

Lorsque le Président Kennedy meurt en 1963, Duvalier déclare que son
décès est dû à un sort qu’il lui a lancé. Les membres de sa
milice, les Volontaires de la Sécurité Nationale, qui sèment la
terreur parmi les Haïtiens, sont renommées d’après un autre
personnage vaudou, « les tontons macoutes ». En 1971, Duvalier
sent sa fin proche. Il modifie la Constitution et désigne son
fils, Jean-Claude Duvalier, comme son successeur. « Baby
Doc » arrive au pouvoir en 1971, alors qu’il n’a que 19 ans. Il
amorce une politique de libéralisation, mais son incompétence,
son exubérance et la corruption apparente de son régime, précipitent
sa chute en 1986. L’armée s’empare du pouvoir : le Général
Henri Namphy (de 1986 à 1988) et le Général Prosper Avril
(de 1988 à 1990). En 1990, des élections présidentielles libres
sont organisées, sous contrôle international. Le taux de participation
est élevé (80% de l’électorat) et Jean-Bertrand Aristide
est élu à une large majorité des suffrages exprimés (66,7% des
suffrages exprimés). Jean-Bertrand Aristide est un ancien prêtre
qui s’est rendu populaire au sein de la société haïtienne grâce à
ses prises de positions et ses actions en faveur des plus
démunis. Les réformes sociales qu’il amorce et sa volonté de
purger l’armée lui attire l’antipathie de la bourgeoisie locale et
de l’armée. Il est renversé par un coup d’État en septembre
1991 et s’exile au Vénézuela puis aux États-Unis.

La communauté internationale ne reconnaît pas le nouveau
gouvernement du Général Cédras et exige le retour d’Aristide. Le
Conseil de sécurité des Nations Unies décide la mise en place
d’un embargo (résolution 841), qui devient un blocus maritime
en 1993 (résolution 875). L’ONU autorise l’envoi d’une
force internationale placée sous le commandement des États-
Unis. Les premières troupes débarquent à Haïti en septembre
1994 et en octobre Aristide est rétabli dans ses fonctions. En
1995, la constitution haïtienne ne permettant pas à un président
d’exercer deux mandats consécutifs, René Préval lui succède
démocratiquement, avant qu’Aristide ne soit réélu en 2000.
Les conditions de cette réélection restent floues. Beaucoup
ont considéré qu’il y a eu des fraudes et des malversation. Le
second mandat d’Aristide est donc contesté depuis son commencement.
Au fur et à mesure que les contestations s’accroissent,
le Président durcit son régime et les combats politiques
entre les partisans du Président et de l’opposition sont de plus en plus violents. La crise culmine en 2004,
lorsque les rebelles du Front pour la Libération et la Reconstruction
Nationales prennent de force les principales villes d’Haïti. Aristide
doit quitter Haïti et se réfugie en Afrique du Sud. Boniface
Alexandre est nommé Président par intérim, jusqu’à ce que
René Préval soit réélu en février 2006.

DROIT HUMAINS

Les policiers continuent de recourir à une force excessive et
certaines informations ont fait état d’exécutions extrajudiciaires.
Aucune enquête digne de ce nom n’a été menée, et le
sentiment d’impunité s’en est trouvé renforcé. Le nombre d’homicides
illégaux et d’enlèvements imputables à des groupes
armés clandestins a augmenté en 2005. Les affrontements
opposant les soldats des Nations unies à des groupes
armés illégaux se sont poursuivis tout au long de l’année
2005. Malgré la persistance des violences contre les
femmes, les autorités n’ont pris aucune mesure satisfaisante
pour les prévenir et les sanctionner. Le fonctionnement de la
justice demeure insatisfaisant et de très nombreuses personnes
restaient emprisonnées sans inculpation ni jugement.
Des violations des droits humains perpétrées dans le
passé restent toujours impunies.
http://web.amnesty.org/report2006/h...


PISTES PÉDAGOGIQUES

 Réaliser un exposé sur le vaudou et son utilisation à des
fins politiques par François Duvalier.
Se référer à :

. Planson Claude, Le grand livre du Vaudou, Les secrets du Vaudou
et ses explications, Paris, Librairie de l’inconnu éditions,
1999.

 Faire un portrait de Raoul Peck, cinéaste haïtien engagé.

 Faire une présentation biographique de Jean-Bertrand
Aristide
et étudier les différentes interprétations de sa
démission en 2004. Se référer à :

. Mireille Nicolas, Haïti d’un coup d’Etat à l’autre, L’Harmattan,
2006.

. Paul Farmer, Who is Aristide ?, The Uses of Haïti, disponible
sur :
<http://www.thirdworldtraveler.com/H...>

 Pour en savoir plus sur Haïti :
. « Haïti : renoncer à la violence », dossier paru dans Libertés,
septembre 2005, voir : <www.libertes.be>

. « Haïti, ses colères en contre-jour », dossier paru dans
Demain le Monde, décembre 2003, disponible au CNCD, voir :
<www.cncd.be>


Cinéma
 : projeter et étudier :

. Haïti : la fin des chimères ?, Charles Najman (2004). Documentaire
sur le régime d’Aristide et ses dérives.

. L’homme sur les quais, Raoul Peck (1993) : une fiction sur les
débuts du duvaliérisme et la mise en place du processus de
terreur à travers les yeux d’une enfant de huit ans.

. Les Comédiens ou l’Enfer d’Haïti, Peter Glenville (1967). Un
réquisitoire contre la dictature en général et la dictature haïtienne
en particulier.

. Anita, Rassoul Labuchin (1980). Anita, 14 ans, est une « restavek
 », une servante. Son employeur la traite durement.
Misère et vaudou en Haïti. Un des plus célèbres « films d’intervention
 » des années 80, qui dénonce la condition d’esclave à
laquelle sont contraints bien des domestiques à travers le
monde.

. Les Morts Vivants, Victor Hugo HALPERIN (1932). Un des
premiers films sur le thème des morts vivants. Une jeune
new-yorkaise débarque à Haïti où un riche planteur jette sur
elle son dévolu. Elle résiste et il fait appel au maître des zombies
pour la retenir dans son sinistre château.

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