Turquie


Ridvan Kizgin, harcelé

Comme de nombreux autres défenseurs des droits
humains, Ridvan Kizgin, Président de la section locale
de l’Association turque pour la défense des droits
de l’homme (Insan Haklari Dernegi ou IHD,
<http://www.ihd.org.tr/eindex.html>) à Bingöl, une ville
située dans l’est du pays, est toujours inculpé pour avoir
« dénigré l’État Turc ».
Cette inculpation est liée à l’Article
301 du Code pénal, qui permet toutes les dérives (voir plus
bas). Depuis 2001, plus de 47 actions en justice ont été intentées
contre Ridvan Kizgin. Aujourd’hui, il se voit reprocher
d’avoir adressé aux autorités une lettre contenant le mot
Cewlik, qui est le nom kurde de sa ville, Bingöl.
Par ailleurs, Ridvan Kizgin est sans cesse la cible
d’actes de harcèlement et de menaces de la part de
groupes ultra-nationalistes qui visent à entraver ses activités
de défenseur des droits humains.

Pour plus d’informations, se référer à l’Action Urgente
d’Amnesty International 205/03, disponible sur :
<http://news.amnesty.org/library/Ind...>
et à l’article Ridvan Kizgin fait l’objet d’un harcèlement permanent,
disponible sur :
<http://www.amnestyinternational.be/...>


INFORMATIONS GENERALES

Mi-orientale, mi-occidentale, la Turquie abrite une grande
diversité de cultures (turque, slave, latine). Berceau de
l’Empire ottoman (un Empire qui s’étendra sur le
Moyen-Orient, l’Afrique du Nord et en Europe jusqu’aux portes
de Vienne), le pays voudrait devenir membre de l’Union Européenne.
Il fait déjà partie de l’OTAN. Son vaste territoire détient
les sources de deux fleuves indispensables à ses voisins du
Proche et du Moyen-Orient, le Tigre et l’Euphrate. Durant la première
guerre mondiale, le gouvernement Jeunes-Turcs de l’Empire
Ottoman, allié de l’Allemagne, organise de 1915 à 1917 un
génocide contre les Arméniens.
Ce génocide, non reconnu
par les autorités turques actuelles, a rayé de la carte près de
1 500 000 Arméniens, sur une population totale d’environ
2 millions de personnes. Le pays change considérablement avec
l’arrivée au pouvoir de Mustapha Kemal, surnommé
Atatürk, en 1923, qui en fait un Etat laïc, sur le modèle occidental.

La Turquie a connu, depuis la Seconde Guerre mondiale,
une succession de régimes civils et militaires. À partir de 1968,
des difficultés économiques croissantes touchent les ouvriers,
notamment kurdes et arméniens, qui s’organisent en mouvements
d’opposition. Sévèrement réprimée par l’armée, cette
contestation dégénère en une vague d’actions terroristes se
réclamant du communisme comme du nationalisme.
À partir de 1983, des éléments de démocratisation sont
apparus. Cette évolution s’est confirmée par la suite. Mais les
attentats organisés par les séparatistes du Parti des Travailleurs
du Kurdistan (PKK) ont créé à nouveau une vive tension.
Le pays est toujours très instable car divisé entre des courants
difficilement conciliables : les laïcs contre les religieux,
les pro-européens contre les nationalistes, les partisans d’un
seul courant de l’Islam contrôlé par l’Etat (le Sunnisme) contre
les défenseurs d’un Islam pluriel et respectueux de
toutes les tendances, dont celle des musulmans Alévis,longtemps réprimée par l’Etat...

LA QUESTION KURDE

Les Kurdes forment 20% de la population et sont nettement
majoritaires dans le Sud-Est anatolien, c’est-à-dire dans le Kurdistan
(nom interdit par l’Etat turc), une des régions les plus
pauvres du pays. Face aux revendications des Kurdes pour
une reconnaissance de leurs droits culturels et politiques,
la principale réponse de l’État turc, dominé par l’armée, est la
violence. Le conflit contre les Kurdes a fait, en moins d’un
siècle, plus de 20 000 morts et des millions de réfugiés. La
guérilla kurde, menée par le Parti de travailleurs du Kurdistan
(PKK), et les forces armées turques se sont rendues coupables
de graves violations des droits humains.
Les membres des partis politiques kurdes modérés (ne prônant pas
la lutte armée) sont systématiquement victimes de pressions,
d’intimidations, voire de violences et de détention arbitraire.
En 1999, le chef du PKK, Abdullah Ocalan, est capturé au
Kenya et extradé vers la Turquie. A l’issue de son procès, il est
condamné à mort, condamnation qui ne sera pas appliquée, la
Turquie ayant aboli la peine de mort. Depuis la candidature de
la Turquie à l’Union Européenne, l’Etat a accordé aux Kurdes
quelques concessions, dont la diffusion sur une chaîne nationale
d’une émission en kurde, mais il reste encore beaucoup de
domaines où la langue et la culture kurdes sont interdites.
Après une trève, le PKK a relancé sa lutte armée, bien qu’elle soit
beaucoup moins intense que dans les années 1980 et 1990.


LE COURANT ISLAMISTE

En 1998, la cour constitutionnelle interdit le Parti islamique
de Necmettin Erbakan, de plus en plus populaire. Le
premier ministre actuel, Recep Tayyip Erdogan, appartient à
un parti islamique modéré et pro-européen, l’AKP, qui a fait de
la question du voile un enjeu politique important (le voile avait
été interdit par Atatürk, mais il est aujourd’hui défendu par le
parti islamiste comme symbole religieux). Parallèlement à ce
débat autour du voile, c’est toute la question de la laïcité de
l’Etat turc qui est en jeu, une laïcité farouchement défendue
par l’Armée. On peut dire que le pays se fracture entre les
défenseurs d’une laïcité totale, et ceux qui réclament une plus
grande liberté d’affirmer sa religion ou son appartenance culturelle.

LA MARCHE VERS L’EUROPE

La Turquie se tourne aujourd’hui de plus en plus vers l’Europe,
et espère rejoindre l’Union Européenne. Pour que sa candidature
soit acceptée, elle a dû adopter une série de réformes,
notamment en faveur du respect des droits des minorités, mais
également dans la lutte contre la torture et autres formes de
mauvais traitements. Si certaines de ces réformes ont porté
leurs fruits, il reste encore beaucoup d’efforts à faire pour faire
respecter les droits humains en Turquie, notamment en diminuant
le pouvoir de l’armée mais aussi en supprimant certaines
lois, comme le fameux article 301 (voir plus bas).

DROITS HUMAINS

La législation comporte toujours des entraves à l’exercice des
droits fondamentaux. Après l’adoption du nouveau Code pénal
turc, l’expression pacifique d’une opinion divergente sur
certains sujets est devenue un délit passible de poursuites et
de sanctions pénales (article 301). En 2005, des cas de torture
et autres mauvais traitements ont encore été signalés, les individus
les plus exposés étant les détenus de droit commun. Les
responsables du maintien de l’ordre continuent de faire un
usage excessif de la force pour encadrer les manifestations ;
quatre manifestants ont été abattus en novembre 2005. Les
enquêtes sur ce type d’incidents sont insuffisantes et les
agents de la force publique coupables de ces violations rarement
traduits en justice. Dans les départements de l’est et du sud-est,
la situation des droits humains s’est détériorée, sur fond d’affrontements
armés entre les services de sécurité turcs et le parti
d’opposition armée Partiya Karkeren Kurdistan (PKK, Parti des travailleurs du Kurdistan).


VIOLENCES CONTRE LES FEMMES

De nouvelles dispositions positives figurent dans le code pénal,
offrant aux femmes une meilleure protection contre les violences
familiales et contre les crimes d’honneur. En vertu
de la nouvelle Loi sur les municipalités, les communes de plus
de 50 000 habitants sont tenues d’ouvrir des centres d’accueil
pour femmes en détresse. Mais il reste à dégager les moyens et
à faire appliquer ces nouvelles mesures.

Pour plus d’informations, se référer au Rapport 2006 d’Amnesty
International, disponible sur :
<http://web.amnesty.org/report2006/t...>


PISTES PÉDAGOGIQUES

 Faire une brève présentation de l’Histoire moderne de
la Turquie
(Empire Ottoman, Modernisation sous Mustafa
Kemal « Atatürk », les coups d’Etat militaires des années 70 et
80). Se référer à : Jean-Paul Roux, Histoire des Turcs, Fayard,
2000.

 Organiser un débat sur l’entrée ou non de la Turquie
dans l’Union Européenne, puis présenter les principaux
arguments avancés dans les médias

pour : une Europe plus puissante car plus vaste et plus peuplée,
extension de l’état de droit européen reposant sur la
dignité humaine et le respect des droits humains, diffusion
de valeurs pacifiques, une Turquie déjà occidentale, etc.

contre : choc des cultures, instabilité de la région et proximité
de zone de conflits, non-reconnaissance par la Turquie
du génocide arménien, violations des droits humains, etc.

Remarque : Amnesty International n’a pas de position
sur l’entrée ou non de la Turquie au sein de l’UE.

 Littérature : lire et étudier :
Yashar Kemal, la trilogie de Salman le Solitaire chez Gallimard
 : Salman le solitaire, 1984 ; La Grotte, 1992 ; La Voix du sang,
1995. Une trilogie consacrée aux aventures d’une famille
turque réfugiée dans le sud du pays.
Du même auteur : Tu écraseras le serpent, Gallimard, 1995. C’est
l’histoire d’un adolescent poussé par sa grand-mère paternelle
à tuer sa propre mère pour laver l’honneur de son père
assassiné. Un roman qui décrit très bien le phénomène des
crimes d’honneur.

Fethiyé Cetin, Le livre de ma grand-mère, L’Aube, 2006 : un très
beau récit sur la découverte par l’auteur de la véritable identité
de sa grand-mère, qui était arménienne.
Orhan Pamuk, Le livre noir, Gallimard, 1995. Un très beau
roman qui a permis à son auteur d’acquérir une réputation
internationale.

Du même auteur : Neige, Gallimard, 2005 : un journaliste en
reportage assiste aux luttes entre laïques et islamistes. Un
tableau de la Turquie d’aujourd’hui entre Orient et Occident.
Thérèse Bittar, Soliman, Gallimard, 1994. Un récit passionnant
sur l’âge d’or d’une civilisation ; l’auteur livre mille
détails sur la vie politique, intellectuelle et culturelle de
l’Empire ottoman.

 Cinéma : Projeter et étudier :
Yol (La permission), Yilmaz GUNEY (1982), disponible à la
Médiathèque.
Palme d’Or au Festival de Cannes en 1982, Yol est un film singulier.
Opposant de gauche au régime turc, Güney est accusé
du meurtre d’un juge et condamné à 19 ans de prison, quand
il réalise son film. Il dicte la marche à suivre à son ami
cinéaste Serif Gören qui tourne effectivement cette histoire
de prisonniers bénéficiant d’une brève permission. Güney en
surveille le montage. Un tableau terrible de la réalité turque.

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