III.2) L’attitude de la Chine au sein de la communauté internationale

Pendant longtemps, la Chine était en
retrait des affaires du monde : pour des
raisons idéologiques, elle s’opposait aux
États-Unis et à l’URSS tout en soutenant les
pays du Tiers-Monde. Cette politique la
privait d’une grande influence sur la scène
mondiale, d’autant que la stricte application
du modèle communiste n’en faisait
pas un acteur économique majeur.

Depuis les années 1980 et l’ouverture
économique, la Chine effectue un retour
en force sur la scène internationale, tant
sur le plan politique, économique que militaire.
Mais l’ouverture économique de la
Chine n’a pas entraîné une réelle ouverture
sur la question des droits humains.

La
répression des manifestations de
Tienanmen en 1989 est restée gravée dans
les mémoires, comme un des événements
marquants du vingtième siècle. On se
souvient de l’espoir qui animait les jeunes,
et par contagion une grande partie de la
société chinoise, croyant à l’aboutissement
rapide de réformes démocratiques. On se
souvient de la célèbre photo d’un étudiant
chinois seul, debout, face à un char… et des
visages de centaines d’étudiants, froidement
abattus, tandis que des milliers
d’autres étaient jetés en prison.

La répression du mouvement de contestation
porta un coup d’arrêt durable aux
réformes politiques en République populaire
de Chine. Le gouvernement renvoya
les journalistes étrangers et contrôla strictement
la couverture de l’événement par la
presse chinoise.
Ces événements ont provoqué l’indignation
au sein de la communauté internationale.
L’ONU et l’Union Européenne ont décrété
un embargo sur la vente d’armes à la
Chine. Les États-Unis ont mis un terme à
leur coopération en matière militaire et de
renseignement.

Pour rétablir son image, la Chine a voulu
se présenter comme un pays ouvert, coopératif
et respectueux des normes internationales.
C’est dans ce but qu’elle a posé sa
candidature pour l’organisation des Jeux
Olympiques. Il faut dire que beaucoup de
pays ont depuis nettement adouci leurs
critiques vis-à-vis de la Chine, au nom de
leurs intérêts économiques.
Sur certains dossiers, la Chine se montre
très ferme. Aujourd’hui que la restitution
des territoires de Honk-Kong et Macao est
achevée, il reste principalement deux
grands points de tension, en dehors de
conflits territoriaux plus limités avec des
pays voisins (Japon, Vietnam, Indonésie,
Malaisie…) :

- l’île de Taïwan : le gouvernement de
Taïwan est l’héritier du gouvernement précommuniste
(nationaliste) de la Chine,
réfugié sur cette île après la prise du
pouvoir par Mao sur le reste du territoire
chinois en 1949. Taïwan a acquis une indépendance
de fait, même si elle n’est pas
reconnue officiellement. En effet, la Chine
populaire considère que Taïwan fait partie
de son territoire, et fait pression sur les
autres pays pour qu’ils ne reconnaissent
pas Taïwan comme une nation indépendante.
Étant donné le poids beaucoup plus
important de la Chine, peu de pays reconnaissent
officiellement Taïwan. Vanuatu,
les Îles Marshall sont parmi les seules
nations à reconnaître les deux.

Taïwan a été exclue de l’ONU en 1971. À
partir de cette date, la République populaire
(communiste) de Chine (RPC) est
reconnue comme le seul représentant légitime
de la Chine.
C’est pourquoi Pékin exerce une pression
constante pour affirmer son autorité sur
cette île, allant jusqu’à obtenir son éviction
de l’Organisation Mondiale de la Santé
(OMS). Si les liens politiques entre Taïwan
et la RPC sont quasi inexistants, il existe
pourtant de nombreux échanges économiques
et culturels.
Pour plus d’informations, cliquez ici.

Le statut de Taïwan revient régulièrement à
la une de l’actualité. Ainsi, le trajet de la
flamme olympique décidé par les autorités
chinoises a provoqué la polémique, car
l’étape de Taïwan précède celle de Hong-
Kong, ce qui laisse entendre que l’île appartient
à la Chine, au même titre que Hong-
Kong. Certains observateurs vont jusqu’à
craindre un conflit armé avec Taïwan en
cas de mauvais résultats économiques, afin
de détourner l’attention de la population
et de réveiller son sentiment nationaliste.
Selon Jean-François Huchet, directeur du
Centre d’études français sur la Chine
contemporaine et de la revue “Perspectives
chinoises”, « quand vous discutez avec les
Chinois de l’avenir de Taïwan, même avec des
intellectuels très bien informés, ils parlent non
plus avec la tête, mais avec les tripes. S’il était
confronté au mécontentement populaire, le
régime pourrait être amené à déclencher une
guerre hasardeuse. De même, si Taipei venait à
déclarer son indépendance, l’armée chinoise réagirait
sans aucun doute. Et la population aussi ! A
moyen terme, il est peu probable que la Chine
soit capable d’envahir l’île. Le sujet reste néanmoins
sensible. D’autant que les Américains sont
attachés aux liens qui les unissent à Taïwan. C’est
un point de confrontation potentiel. »

- Le Tibet : La province autonome du Tibet,
ou Xizang, fait partie intégrante du territoire
chinois, depuis l’invasion du Tibet par
l’armée chinoise en 1949 et son annexion à
la Chine en 1951. Pékin ne tolère aucune
revendication visant à accorder un autre
statut à cette région, qui est devenue un
symbole de l’oppression chinoise aux yeux
des Occidentaux. La présence en Inde d’un
gouvernement tibétain en exil et le soutien
de nombreuses vedettes ou personnalités à
la défense du peuple tibétain n’ont pour
l’instant jamais fait fléchir la ligne dure suivie par Pékin. Pour plus d’informations,
voir le chapitre I.11 sur le Tibet.

La Chine, la nouvelle puissance
mondiale ?

La Chine est devenue un acteur global qui
pèse sur l’ensemble des dossiers internationaux
et donc sur la situation des droits
humains à l’extérieur de ses frontières.
Jean-Paul Marthoz, directeur éditorial de la
revue Enjeux internationaux, nous résume
la situation :

« L’émergence de la Chine se
déroule dans un contexte nouveau. Les grandes
idéologies marxistes sont défuntes. Le tiersmondisme
est moribond. L’influence internationale
des Etats-Unis a été considérablement
affectée par la politique aventurière de l’administration
Bush et par son mépris des règles internationales
qui a sapé son extraordinaire soft power.
L’Union européenne est en panne.
Les enjeux sont désormais géopolitiques : on
assiste à une redistribution des cartes au niveau
international.
Les enjeux sont économiques avec une course à la
puissance et une ruée vers les ressources naturelles
qui redessinent l’importance relative des
régions du monde.

Ils sont environnementaux avec une conscience de
plus en plus aigue des conséquences de l’activité
humaine sur l’avenir de la planète.

Ils sont identitaires avec la résurgence des
ethnismes et des intégrismes.

Ils sont sécuritaires avec des menaces moins structurées
et prévisibles que celles de l’époque de la
Guerre froide : la prolifération nucléaire dans des
États voyous, les États faillis, le terrorisme, l’expansion
des groupes criminels au sein de l’économie
mondiale et des sociétés, les acteurs nonétatiques.

La présence de la Chine en Afrique, en Asie
centrale et en Amérique latine, est directement
liée à son développement économique et à ses
besoins de matières premières, de pétrole et de
marchés. Mais elle répond aussi à la volonté de la
Chine de renforcer son poids diplomatique, non
plus cette fois seulement pour affaiblir Taiwan ou
esquiver les attaques des ONG sur le Tibet ou les
droits de l’homme, mais bien pour acquérir les
outils d’une grande puissance.

En d’autres termes, la Chine qui avait été perçue,
à partir de la visite de Nixon en 1971 comme une
opportunité, d’abord pour affaiblir l’ennemi principal,
l’URSS, ensuite pour offrir un espace de
profit aux grandes entreprises, est désormais
perçue, dans de nombreux secteurs comme une
rivale voire comme une menace. »

Certains voient la Chine comme la
prochaine puissance mondiale, soit à une
place à part, au-dessus des autres, soit à
côté des Etats-Unis, de l’Union Européenne,
du Japon, de la Russie, voire de l’Inde…
Ainsi, selon Catherine Coulomb, auteur
d’un récent essai intitulé « Chine, le
nouveau centre du monde ? », « la Chine est en
train de donner naissance au plus grand empire
que la terre ait jamais connu. (…) Elle deviendra
LA première puissance du globe, en opérant une
mutation sans précédent. Son économie planifiée
et étatique bascule vers une économie de marché.
Agricole et rurale, elle se transforme en économie
urbaine, industrielle et de services. Enfin, son
monde jadis autarcique s’ouvre comme jamais
aux échanges internationaux, pour se déployer de
manière totale, globale, maximale »
.

D’autres au contraire prédisent que la
Chine ne pourra pas combiner sa puissance
économique avec un rôle majeur au niveau
géo-politique. Ainsi, pour Cai Chongguo,
auteur de l’essai « Chine, l’envers de la puissance
 », l’influence de la diplomatie chinoise
sera limitée par la face cachée du développement
chinois :

« L’envers du décor est
sombre. De multiples faiblesses –sociales, économiques,
énergétiques, militaires, industrielles,
financières, environnementales (…) minent ce pays
lancé dans un développement à marche forcée.
Ces fragilités résultent directement des décisions
prises arbitrairement par le gouvernement précédent
qui, sans le dire, a choisi un mode de développement
fondé sur le commerce international
plutôt que sur la croissance du pouvoir d’achat
de la population. (…). La Chine traverse aujourd’hui
une phase cruciale de son histoire. Affaiblie
par ses problèmes intérieurs, engluée dans un
système hybride de pays capitaliste et de régime
communiste dictatorial, elle déploie beaucoup
d’efforts pour s’intégrer dans la société internationale.
Avant de lui ouvrir les bras, les pays occidentaux
doivent s’interroger : un pays qui ne
peut régler par le dialogue ses problèmes intérieurs,
qui ignore les opposants et méconnaît les
conflits d’intérêts entre catégories sociales, peut-il
être un interlocuteur crédible pour ses homologues
 ? Un pays qui ne respecte pas les droits de
l’homme et réprime son peuple lorsqu’il revendique
la démocratie et la liberté d’expression,
peut-il jouer un rôle positif dans le monde ? »

Vers un nouveau nationalisme chinois

« (…) Depuis 1989 et le discrédit jeté sur le socialisme,
analyse Jean Philippe Béja, la direction
du Parti a tenté de développer une nouvelle légitimité
fondée sur la culture traditionnelle et sur un nationalisme plus classique.

L’évolution politique
de l’Europe de l’Est et de l’ex-Union soviétique a
montré que cette idéologie était prompte à
renaître sur les décombres du “socialisme réel”.
Aussi, tout en proclamant leur foi renouvelée
dans le “socialisme de marché”, la “pensée-maozedong
et la théorie de Deng Xiaoping”, les dirigeants
communistes chinois n’hésitent pas à
affirmer haut et fort leur confiance dans la supériorité
de la nation chinoise (Zhonghua
minzu). »(5)

Ce nouveau nationalisme se base aussi sur
l’héritage de Confucius, le père de la
pensée chinoise(6). Il insiste sur les traditions
chinoises qui valorisent l’harmonie
de la société et du groupe par rapport aux
intérêts individuels, pour rassurer une
population inquiète face aux influences
étrangères et à l’urbanisation.
Les discours nationalistes actuels rappellent
volontiers à quel point la Chine a été
humiliée par l’Occident dans les différentes
guerres coloniales. Ils rejettent les
critiques sur les violations des droits
humains, qui ne seraient qu’une nouvelle
forme de colonialisme, ou d’impérialisme
visant à imposer le modèle libéral occidental.

Selon Catherine Coulomb, ce nationalisme
« n’avait jamais disparu de la scène
chinoise, pas plus qu’une xénophobie populaire
rémanente. Aujourd’hui, il semble s’orienter
contre les Etats-Unis, maîtres du grand commerce
mondial, de toutes les inégalités et de la décadence
morale. Mais aussi contre le Japon, l’ancien
envahisseur qui n’a pas renoncé à ses ambitions
dominatrices, le concurrent trop proche dont il
faut se démarquer »
. (7)

Le Parti Communiste Chinois surfe sur
cette vague nationaliste lorsque cela l’arrange,
et brandit la menace qui pèse sur
l’unité du territoire avec le risque de
perdre Taïwan, touchant à un sentiment
très profond partagé par la grande majorité
des Chinois.

Les autorités chinoises dénoncent souvent
le caractère occidental des droits humains,
qui seraient en contradiction avec les
valeurs chinoises, lesquelles mettent en
avant le rôle central de la famille et non les
droits de l’individu. Au lieu d’une seule
base commune à l’ensemble des pays,
Pékin voudrait un système de droits
humains où se côtoient plusieurs visions
différentes respectant les spécificités culturelles
de chaque pays. Le Parti Communiste
Chinois insiste par exemple pour que le
droit au développement soit considéré
comme un des droits fondamentaux.
Notons que de plus en plus d’intellectuels
chinois refusent de considérer les droits
humains comme une valeur occidentale
incompatible avec les valeurs chinoises.
Selon Daniel Bell, professeur de philosophie
politique à la City University de Hong
Kong, la majorité
des intellectuels
en Chine pensent
que « (…) la société
chinoise n’est pas
encore économiquement
et socialement
prête pour
proclamer tous les
droits de la
personne. En
revanche, ce stade de
développement
atteint, il ne devrait
pas y avoir d’obstacle
à l’établissement
de ces
droits. »
(8)

Une position qui
fait bondir Wei
Jingsheng, un
défenseur des
droits humains chinois qui a passé plus de
18 ans en prison à cause de ses idées :

« Les
soi-disant valeurs historiques et culturelles
avancées par les dirigeants chinois pour
contester le caractère universel des droits
humains et la démocratie, et prôner un
développement économique sans liberté,
n’ont aucun sens. L’Histoire même en
apporte le démenti : le peuple français
n’avait ni le niveau de vie ni les moyens
d’information des Chinois d’aujourd’hui
quand il a fait la révolution de 1789. L’aspiration
des Chinois n’est pas seulement de
s’enrichir ».
(9)

La plupart des défenseurs des droits
humains chinois se réfèrent explicitement
aux droits humains, tels qu’ils sont
énoncés dans la Déclaration universelle des
droits de l’homme. Pour eux, comme pour
beaucoup d’observateurs, la Chine ne peut
rejeter ces droits au nom de sa spécificité
politique, culturelle, économique ou démographique.

La place des droits humains dans le
débat sur le développement de la Chine
Beaucoup d’hommes d’affaire occidentaux
ont un argument tout prêt lorsqu’il s’agit
de justifier leurs investissements en Chine,
pays où les droits humains sont loin d’être
respectés : le développement économique
ne pourra que renforcer le bien-être des
Chinois, et donc favoriser la démocratie.

Ainsi, pour Geert Noels, économiste en
chef chez Petercam William Bourton, la
Chine représente un des marchés les plus
importants pour les pays de l’Euroland, et
entrer en conflit avec elle ne résoudrait
rien. Voici un extrait de son interview au
Soir, dans le contexte de l’annulation d’une
visite du Dalaï Lama en Belgique, suite à
des pressions de Pékin sur Bruxelles.

« En tant qu’économiste, on a une opinion
partagée sur la Chine : il y a des aspects très positifs
et d’autres très négatifs. On peut ainsi
évoquer le développement, la croissance mondiale,
les opportunités économiques, mais aussi la pollution
extrême, le manque de protection des droits
intellectuels, la situation sociale, etc.
Mais les choses évoluent. Depuis 2001, et l’introduction
de la Chine dans la World Trade Organization,
le pays connaît une révolution économique, mais aussi une évolution de l’attitude des
autorités, 16 ans après Tien An Men. Ce que je
veux dire, c’est que la première réaction n’est pas
toujours la bonne. Ainsi, celle, préconisée par
certains, d’entrer en conflit avec la Chine... Elle ne
résoudrait rien pour personne : ni pour le Dalaïlama,
ni pour la Belgique (en termes d’intérêts
économiques), ni pour la Chine. Il faut savoir en
effet qu’un blocage économique peut avoir des
conséquences sur le plan du développement de la
population, sur le développement de la démocratie
et sur l’attitude du pays dans les questions
« géopolitiques » - ici, en l’occurrence, vis-à-vis du
Tibet ou de Taïwan. […] Le tout est de savoir s’il
est utile d’entrer dans une logique de confrontation,
de blocage ou d’exclusion ou si, à terme, il
n’est pas plus utile de continuer le développement
économique et de transférer, goutte par goutte,
des valeurs et des opinions différentes dans le
pays en question, de se servir de l’économie pour
faire passer un message de liberté et de démocratie...
 »
(10)

Pourtant, on ne peut pas dire que cette
stratégie du « goutte par goutte » a fonctionné
jusqu’à présent depuis que la Chine
s’est ouverte sur le plan économique. La
situation des droits humains n’y est pas
globalement meilleure, sauf quelques
timides avancées sur le contrôle des
condamnations à mort et des promesses
non tenues concernant la fermeture des
camps de travail forcé.
L’argument économique, s’il est compréhensible,
ne va pas à sens unique. Car si le
monde a besoin du fantastique marché
chinois, il ne faut pas oublier que l’inverse
est également vrai : la Chine est de plus en
plus dépendante de matières premières et
de ressources énergétiques. Ainsi, pour l’association

Les Amis du Tibet, l’équation
économique peut être renversée au désavantage
de la Chine :

« La Chine a davantage
besoin de nos investissements que nous n’avons
besoin de ses produits pour maintenir son taux
de croissance et pour financer sa puissance.
Qu’elle s’avise de « punir » les États « rebelles » [ceux
qui oseraient critiquer la situation des droits
humains en Chine] en s’en prenant aux investisseurs
ou aux acheteurs issus de ces pays et qui
financent sa croissance, et c’est l’effet boule de
neige assuré devant la perte de confiance des
investisseurs étrangers. Tout l’équilibre social et
politique de la Chine d’aujourd’hui serait mis à
mal... »
(11)

Certains, comme Guy Spitaels, vont jusqu’à
relativiser l’importance des droits humains
dans ce débat. À la question « L’élément « droits
de l’homme » n’est pas fondamental ? », l’ancien
Président de la Région wallonne répond et
auteur de l’essai « Chine-USA : la guerre aura-telle
lieu ? » (éd. Luc Pire) répond :

« Je ne sais
pas s’il est fondamental : un peu de modestie ne
messiérait pas sur ce que nous avons fait et
sommes capables de faire... Si j’étais un petit
paysan ou un petit ouvrier, je préférerais être
chinois avec le parti unique qu’Indien avec la
multiplicité de partis. Voyez le développement
chinois, la possibilité d’avoir du travail, de
donner de l’éducation aux enfants, l’absence de
famine, d’anarchie... Il faut considérer les besoins
des populations, construire par le développement
humain. Mais je suis naturellement pour notre
système, le pluralisme, qui est une longue
histoire. Et je ne ferme pas les yeux devant les
morts de Tian’anmen ou sur les manières fortes
utilisées au Tibet. »
(12)

Guy Spitaels dit qu’il ne ferme pas les yeux
sur les morts de Tian’anmen ou du Tibet,
mais il passe pourtant sous silence les plus
graves violations des droits humains dont
est aujourd’hui victime une grande partie
de la population chinoise. Ainsi, le directeur
d’Amnesty Belgique Francophone,
réagit sur son blog personnel aux propos
de Guy Spitaels :

« Selon Guy Spitaels, il vaut
mieux être un petit paysan chinois plutôt qu’un
petit paysan indien. S’inscrivant résolument dans
la vague révisionniste qui trahit ou travestit les
travaux de Amartya Sen et Jean Drèze , notre
“sage-expert” passe aux pertes et profits de l’histoire
les millions de morts du Grand Bond en
avant ou de la Révolution culturelle pour
encenser les autorités chinoises actuelles. Que des
dizaines de jacqueries aient lieu chaque jour,
aujourd’hui en Chine, il n’en pipe pas un mot,
pas plus que des dizaines de milliers de personnes
qui y sont détenues illégalement et de façon arbitraire,
ou que du recours fréquent à la torture. La
peine de mort y est pratiquée à l’échelle industrielle,
et alimente le trafic d’organes. Mais cela
est peu de choses comparé à la stabilité du
monde, et au danger du “lâcher-tout démocratique”.
 »
(13)

Droits humains et politique internationale
 : un équilibre difficile

Le fait que la Chine viole massivement les
droits humains n’implique pas forcément
que le monde entier doive interrompre
toute relation politique ou économique
avec ce pays. Le boycott économique est
d’ailleurs une méthode très controversée,
qui peut se retourner contre les intérêts de
la population civile, comme ce fut le cas en Irak sous le régime de Saddam Hussein.

Enfin, ce type de sanctions pourrait aussi
cacher les intérêts économiques des pays
qui les prônent.

Amnesty travaille pour que les droits
humains soient toujours à l’esprit des
gouvernements, dans leur politique étrangère,
qu’elle soit économique ou diplomatique.
Mais il ne faudrait pas pour autant
que ces droits humains soient manipulés
pour servir des intérêts privés. Le « deux
poids, deux mesures », les condamnations
« à géométrie variable » des violations des
droits humains sont monnaie courante,
comme l’illustre si bien la politique des
Etats-Unis, prompte à mettre en avant les
droits humains lorsqu’il s’agit de pays
« ennemis » (l’Iran, la Syrie, Cuba, la Corée
du Nord,…) mais à oublier ces mêmes
droits lorsqu’il s’agit de pays stratégiquement
alliés (Arabie Saoudite, Egypte,
Pakistan, Ouzbékistan…) ou lorsqu’il s’agit
de détenir et d’interroger des personnes
suspectées de terrorisme dans leurs
propres bases militaires.

Le respect des droits humains devrait être
considéré comme un élément fondamental
dans toute relation internationale, sous
peine d’apparaître en complète contradiction
avec les valeurs contenues dans la
Déclaration universelle des droits de
l’homme. Il en va de la crédibilité des
États, tant sur le plan interne qu’à une
échelle plus globale. À cet égard, l’attitude
de la communauté internationale vis-à-vis
de la Chine est hélas trop souvent conciliante
et frileuse… Il est temps de réaffirmer
haut et fort que le développement
économique ne peut se faire au détriment
des droits humains, en Chine comme
partout ailleurs dans le monde.

(1) Citation parue dans Le Vif-L’Express n°32, 10 août 2007)

(2) Extrait d’une conférence lors de l’Assemblée Générale d’Amnesty Belgique Francophone en avril 2007.

(3) COULOMB Catherine, Chine, le nouveau centre u monde ?, éd. L’Aube, 2007, pages 451-452.

(4) CHONGGUO Cai, Chine : l’envers de la puissance, éd. Mango, 2005, pages 155-159.

(5) Extrait de l’article Nationalisme : les intellectuels sont partagés de Jean Philippe Béja, Perspectives
chinoises n° 34, mars - avril 1996, page n°6, CLIQUEZ ICI

(6) Voir l’article de Jean-Philippe Béja, “Naissance d’un national-confucianisme”, Perspectives chinoises n°30,
juillet-août 1995, p. 6

(7) COULOMB Catherine, Chine, le nouveau centre du monde, éd.l’Aube, 2007, page 256.

(8) Source :Arrêt sur les droits de l’homme en Chine, Entretien avec Daniel Bell et Joseph Chan, Raisons politiques,
n°3, mars 2001.
CLIQUEZ ICI

(9) Extrait d’un article de Bernard Debord, paru dans la Chronique d’Amnesty d’octobre 2005 - Amnesty International/
France, CLIQUEZ ICI

(10) Le Soir du 190/05/07

(11) A vendre : « Belgian carpets » made in China, Le Soir du 19 mai 2007

12) LE SOIR, 16/04/07

13) Article publié le 2 mai 2007. CLIQUEZ ICI

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