1.9) Les expulsions forcées

En Chine, les expulsions forcées sont devenues
monnaie courante alors que les autorités
chinoises cherchent à raser d’innombrables
immeubles en vue des Jeux
Olympiques.

Les responsables du projet de
construction du Centre Olympique ont
déclaré qu’au moins 6000 familles subissaient
des dommages dus aux préparatifs
des Jeux ; mais les Organisations Non-
Gouvernemenales estiment le nombre des
victimes à un chiffre bien supérieur. Beaucoup
ont été expulsées sans que les procédures
de protection ne soient entièrement
suivies et sans avoir été dédommagées en
conséquence. Les expulsions forcées –qui
ne sont pas soumises à un régime de
protection légale adéquate- sont une violation
des droits humains, dont le droit à un logement décent prévu par la le Pacte international
relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels, que la Chine a ratifié.

Les expulsions forcées continuent d’être
signalées à Pékin. Par exemple, en juillet
2006, dix familles auraient refusé de
quitter un immeuble situé à proximité du
nouveau site de la Télévision centrale
chinoise (qui diffusera les Jeux olympiques
en 2008) au motif que le montant du
dédommagement proposé par les autorités
locales était insuffisant. Elles avaient
affiché sur le bâtiment des slogans proclamant
 : « Arrêtez de tromper et de martyriser
les gens », « Droits humains » et « Démolition
illégale ». Les habitants de Qianmen,
quartier historique de Pékin, se sont aussi
plaints de la faiblesse des indemnisations
offertes pour leurs maisons dans le cadre
du programme de démolition et de reconstruction.
L’un d’entre eux (dont le nom n’a
pas été révélé) aurait déclaré : « Les Jeux
olympiques sont une bonne chose pour la
Chine. Ils montrent que nous avons la
capacité, la puissance et la richesse nécessaires
pour organiser une telle manifestation
internationale. Mais ils ne doivent pas
servir de prétexte pour faire du mal aux
citoyens ordinaires, pour chasser les gens
de chez eux. »

Un autre, surnommé Yu, a
ajouté : « Les Jeux olympiques ont porté un
coup terrible aux citoyens de base, ils ont
bouleversé nos vies. C’est que nous
pensons, mais nous ne pouvons pas le dire
tout haut. »

Amnesty International s’était déjà vivement
inquiétée de l’incarcération de Ye
Guozhu
, arrêté après avoir demandé l’autorisation
d’organiser une manifestation à
Pékin avec d’autres victimes présumées des
expulsions forcées qui ont accompagné les
travaux de préparation des Jeux olympiques.
Le 18 décembre 2004, Ye Guozhu a
été reconnu coupable d’avoir « cherché
querelle et provoqué des troubles » par le
tribunal populaire intermédiaire n°2 de la
municipalité de Pékin ; il purge actuellement
une peine de quatre ans de détention
à la prison de Chaobai. Amnesty International
considère Ye Guozhu comme un
prisonnier d’opinion détenu uniquement
pour l’exercice légitime de ses droits à la
liberté d’expression, d’association et de
réunion, et continue d’exhorter les autorités
chinoises à le libérer immédiatement
et sans conditions.

Il est apparu récemment que Ye Guozhu
avait été torturé en détention. Selon des
informations dignes de foi reçues par
Amnesty International, il a été suspendu
au plafond par les bras et frappé à
plusieurs reprises par des policiers au
centre de détention du district de Dongcheng,
à Pékin, avant son transfert en
prison. Il souffrirait depuis d’importantes
douleurs au dos. Au cours du second
semestre 2005, il aurait aussi été torturé
pendant quatre mois dans une autre
prison, la prison de Qingyuan – semble-t-il
parce qu’il refusait d’admettre sa « culpabilité
 ». Il aurait notamment été frappé à
coups de matraque électrique, contraint de
rester assis bien droit sur une chaise inconfortable
pendant de longues périodes, et
attaché avec des menottes et des bracelets
pour les chevilles, qui lui ont occasionné
des blessures. Il semble qu’il soit mieux
traité à la prison de Chaobai, mais il
continue de souffrir des problèmes de
santé qu’il avait déjà avant son incarcération
(hypertension, problèmes cardiaques
et troubles dus à une thrombose cérébrale).
Il se plaindrait aussi de douleurs dans le
dos et aux chevilles provoquées par les
tortures et les mauvais traitements qu’il a
subis. Les autorités carcérales se contentent,
semble-t-il, de lui donner un traitement
de base pour l’hypertension, sans se
préoccuper de ses autres problèmes de
santé ou de ses blessures.

D’autres militants, comme Qi Zhiyong, ont
aussi été victimes d’expulsions forcées liées
à la rénovation de Pékin pour les Jeux
olympiques. Cet homme avait dû être
amputé d’une jambe à la suite d’une blessure
par balle survenue lors de l’intervention
des forces de sécurité contre les manifestations
de Tiananmen, en 1989.

Contraint de démissionner de son entreprise
à cause de son infirmité, il avait
monté à Pékin un petit commerce, qui lui
permettait de vivoter. Cependant, il a dû
déménager son échoppe à plusieurs
reprises, appremment à cause des travaux
aux Jeux olympiques. Au début de l’année,
les autorités lui ont retiré sa licence
commerciale et l’ont incarcéré pendant
cinquante et un jours pour sa participation,
en février 2006, à une grève de la
faim destinée à protester contre le récent
passage à tabac d’autres militants chinois
et des avocats qui tentaient de les défendre.
Sa femme a aussi été licenciée de son
travail, semble-t-il, en raison des activités
militantes de son mari. Avec une fillette de
huit ans et les frais médicaux élevés occasionnés
par les séquelles de sa blessure, Qi
Zhiyong et son épouse ont du mal à joindre
les deux bouts.

Dans d’autres villes également, ceux qui
demandent justice pour les victimes d’expulsions
forcées sont arrêtés et harcelés.
Ainsi, l’avocat Zheng Enchong, qui a acquis
une réputation de défenseur des personnes
expulsées à la suite des travaux de rénovation
de Shanghai, continue de subir des
actes de harcèlement et d’intimidation,
même depuis sa libération de prison le 5
juin 2006. Ses activités d’avocat lui ont
valu d’être arrêté à quatre reprises par la
police en juin et en juillet, notamment en
raison d’informations sur des expulsions
forcées découvertes sur son ordinateur. La
police et les autorités locales l’auraient
prévenu que sa sécurité ne serait plus
assurée s’il continuait de travailler sur ce
type de sujets. Sa famille a aussi reçu
l’ordre de ne pas parler de sa situation aux
médias.

Voir aussi le blog :

http://www.rue89.com/chinatown

Pour en savoir plus : Le rapport de la
FIDH « Expulsions forcées à Chongqing »,
disponible en anglais en cliquant ici

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