1.2) Liberté d’expression

En Chine, le contrôle de la presse est
sévère, malgré une évolution positive où de
plus en plus de journalistes osent critiquer
certains aspects de la politique chinoise. De
nombreux journaux et revues populaires
ont été contraints de cesser leurs activités.
L’accès à plusieurs centaines de sites web
internationaux est bloqué et des milliers de
sites chinois ont été fermés. Des dizaines
de journalistes ont été arrêtés pour avoir
évoqué des sujets sensibles.

Les délits d’atteinte aux « secrets d’état »,
une notion très vague, sont souvent utilisés
pour poursuivre des journalistes. Il est difficile de se procurer des journaux
étrangers en Chine. Les autres médias,
comme la radio, le courrier électronique et
Internet, sont très surveillés. Les autorités
contrôlent couramment des conversations
téléphoniques, des télécopies (fax), le courrier
électronique et les communications
des dissidents et des défenseurs des droits
humains, mais aussi des visiteurs étrangers,
hommes d’affaires, diplomates ou
journalistes.

Les services de sécurité surveillent les résidences
et les bureaux des étrangers, pour
contrôler par exemple le contenu de leurs
ordinateurs, leurs téléphones et leurs télécopieurs.
En octobre 2004, l’État a aussi
interdit toute couverture de presse sur les
saisies de propriétés rurales. Tous les
grands hôtels avaient une équipe de sécurité
interne et les chambres d’hôtel étaient
parfois surveillées et fouillées.

De nouveaux droits
pour les journalistes… étrangers

En janvier 2007, de nouvelles règles ont été
introduites pour les journalistes étrangers,
qui garantissent aux médias étrangers
davantage de libertés qu’auparavant.
Depuis janvier 2007, des recherches et des
interviews peuvent être faites sans autorisation
spéciale des autorités locales. Mais les
textes des journalistes étrangers ne
semblent pas échapper à la censure
chinoise et ne sont pas publiés en Chine
même.

Les journalistes chinois quant à eux reçoivent
des directives claires sur ce qu’ils ont
le droit d’écrire et ce qui doit être tenu
secret. Les arrestations arbitraires et les
emprisonnements de journalistes sont
largement répandus en Chine. En janvier
2007, le Département central de propagande
du Parti communiste chinois (PCC) a
imposé de nouvelles règles de « pré-censure »
obligeant les médias à obtenir la permission
de couvrir certains événements historiques
ou dates anniversaires concernant
des personnages jugés controversés ou politiquement
sensibles. Suite à cette mesure,
le Département de propagande de l’Administration
d’État de la radio, du film et de
la télévision a interdit l’évocation de 20
sujets spécifiques, dont la corruption de
l’appareil judiciaire et les campagnes en
faveur du respect des droits, à l’approche
du XVIIe Congrès du Parti communiste
chinois en octobre 2007.

En février 2007,
certaines sources ont indiqué que le Département
central de propagande du PCC avait
institué un nouveau système de points
pour pénaliser la presse, en vertu duquel
les publications ayant perdu tous leurs
points seraient contraintes de fermer. Elles
disposeraient d’un capital de 12 points,
mais le mode de calcul ou de détermination
des « fautes » commises demeurait flou.

Selon Cai Chongguo et Marie Holzman, « (…)
le double langage est la règle. Alors que le
discours en direction des étrangers, sur le scandale
des produits alimentaires frelatés par
exemple, se veut rassurant (« Il s’agit d’événements
isolés. Tout est mis en oeuvre pour assurer la sécurité
des consommateurs », etc.), les responsables
des médias chinois qui s’avisaient de dénoncer un
incident quelconque ont été promptement
rappelés à l’ordre : seul le ministère concerné est
autorisé à délivrer la permission de traiter ces
problèmes. Au même moment, les quotidiens
regorgent d’éditoriaux, rappelant les périodes
idéologiques les plus dures, sur la « justesse de la
pensée de Deng Xiaoping » ou la « suprématie du
socialisme… »
(2)

Le cas de Lan Chengzhang, journaliste
battu à mort en janvier 2007 après avoir
tenté d’enquêter sur les opérations d’une
mine de charbon illégale dans le canton de
Hunyuan (province du Shanxi), a provoqué
un grand scandale en Chine. Il est mort
d’une hémorragie cérébrale après avoir été
passé à tabac, semble-t-il, par des voyous
recrutés par le propriétaire de la mine. Les
autorités locales ont tout d’abord insinué
qu’il ne s’agissait pas d’un reporter accrédité
et qu’il avait peut-être tenté de
soutirer de l’argent au propriétaire,
monnayant son silence au sujet des
problèmes de la mine. a police locale aurait
entravé le travail de journalistes qui
s’étaient rendus à Hunyuan pour enquêter
sur la mort de Lan Chengzhan. Après l’intervention
de hauts responsables, dont le
président Hu Jintao, les autorités du
Shanxi auraient chargé 70 policiers de
faire la lumière sur cette affaire.

La censure frappe aussi les ouvrages écrits
par des journalistes, comme le montre l’interdiction
qui a frappé les mémoires du
grand journaliste Dai Huang et le retrait de
la vente d’un livre de Zhang Yihe intitulé
La vie des stars de l’Opéra de Pékin. Les
deux auteurs ont engagé une action en
justice afin de faire annuler ces décisions.

« Je pensais que la situation juridique avait
progressé depuis mon dernier séjour en
prison […] mais l’inquiétude [affichée par
les autorités] montre que sur le long terme,
l’élimination des intellectuels a profondément
marqué leurs esprits et les gens continuent
de vivre dans la peur […] C’est pour
cela que je dois me battre »
, a déclaré Zhang
Yihe.

Quand Internet devient un formidable
moyen de surveillance !

L’arrivée d’Internet en Chine a provoqué
une grande ouverture dans un pays qui
était encore relativement fermé sur luimême.

Ainsi, comme le dit James Mann, ancien
correspondant à Pékin du Los Angeles
Times et auteur du livre « The China
Fantasy » (Le Fantasme Chinois), les gens en
Chine savent aujourd’hui, grâce à Internet,
quand il y a une élection à Taiwan. Ils
savent quand la population descend dans
les rues en Ukraine. Cependant, le contrôle
d’Internet par les organes de sécurité en
Chine demeure énorme. Les Chinois
peuvent par exemple découvrir des informations
sur un parti vert en Allemagne,
mais ils ne peuvent pas publier une
annonce visant à mettre sur pied un parti
vert dans une ville chinoise. (3)

À la fin de 2005, le Centre du Réseau d’Informations
sur Internet en Chine a
rapporté que plus de la moitié des 111
millions d’utilisateurs d’Internet du pays
avait accès à l’Internet de haut débit, soit
une hausse de 50% par rapport à l’année
précédente. Le système sophistiqué de
censure d’Internet que les autorités
chinoises ont développé limite la liberté
d’expression et d’informations. Ainsi, le
programme « Bouclier D’or » (Golden Shield)
vise à surveiller les activités des internautes.

En 2005, les autorités ont ordonné
un effort pour éliminer les publications
« illégales » et pour fermer des blogs dans les
universités. Elles ont obligé les journalistes
indépendants à suivre une formation idéologique
et ont bloqué l’accès à certains
sites. Elles ont également exigé que les
personnes qui tchatent sur internet enregistrent
leurs noms réels. Des sites et des emails utilisant les termes « droits
humains », « démocratie », « Tiananmen »,
« Tibet », « Taiwan » et beaucoup d’autres
mots-clés sont régulièrement bloqués.

En 2004, huit salariés d’un des cyber-cafés
les plus populaires de Pékin étaient
chargés de contrôler le contenu des sites,
tandis que dix autres membres du
personnel surveillaient la salle pour voir si
les clients avaient consulté des sites Web
« illégaux ». Ce cyber-café possédait 320 ordinateurs.

Le système de contrôle d’Internet mis en
place par la Chine emploit entre 30 000 et
50 000 personnes et serait le plus grand au
monde. En pratique, des propriétaires de
cyber-cafés sont souvent peu scrupuleux
dans la mise en application de telles règles.
Pourtant, en 2006, Amnesty International a
reçu des informations sur plus de 50
personnes détenues ou emprisonnées après
avoir lu ou diffusé des informations politiquement
sensibles sur Internet.

En 2005, le gouvernement chinois a repris
sa politique de blocage de Wikipedia, l’encyclopédie
gratuite sur Internet. En février
2006, un groupe d’anciens responsables du
Parti communiste chinois a critiqué la
censure d’Internet, déclarant que la
censure stricte pourrait « semer des graines
désastreuses » pour la transition politique
de la Chine. Un porte-parole de gouvernement
a répondu que ses règles étaient
« entièrement en accord » avec le reste du
monde et que « personne n’avait été arrêté juste
pour avoir publié des textes sur internet »
. Et
pourtant :

Kong Youping, un membre du parti Démocrate
chinois et ancien syndicaliste dans la
province de Liaoning, a été condamné à 15
ans d’emprisonnement en septembre 2004
pour « subversion ». Il avait été détenu fin
2003 après avoir publié des articles sur l’Internet
attaquant la corruption officielle et
exhortant une réévaluation du mouvement
de pro-démocratie de 1989.

Zhang Lin a été détenu en janvier 2005 et
reconnu coupable en juillet d’avoir mis en
danger la sécurité nationale. L’accusation
reposait sur des extraits de 192 articles
qu’il a publié en ligne, y compris les
paroles d’une chanson rock.

Chen Shuqing a été condamné à quatre ans
de prison, le 16 août 2007, pour avoir
publié sur Internet des articles hostiles au
gouvernement.

Complicité des multinationales

Afin de faire des affaires en Chine,
certaines multinationales renoncent aux
principes qu’elles ont pourtant édictés
ailleurs. Cette attitude renforce l’idée que
la Chine est si puissante qu’elle peut
imposer ses propres règles.

En 2005, Microsoft a lancé en Chine un
portail bloquant l’utilisation de mots
comme « liberté » dans le texte d’un blog.

En
2006, Google a mis sur pied un moteur de
recherche chinois qui s’autocensure. Des
filtres bloquent les sites qui comprennent
des mots ou des expressions tels que « droits
humains », « démocratie » ou « indépendance
de Taiwan ». Le site www.amnesty.org est
inaccessible en Chine. Les autorités développent
l’utilisation de la police Internet,
qui surveille le réseau.

Yahoo ! a transmis aux autorités chinoises
des données privées sur le compte courriel
de certains utilisateurs, contribuant ainsi à
l’incarcération de personnes innocentes.
Microsoft et Google se sont l’un et l’autre
pliés aux exigences du gouvernement, qui
leur demandait de censurer activement les
Chinois utilisant leurs services.

Pour plus d’informations, voir le chapitre
II.3. Le rôle des multinationales.

Pour plus d’infos sur la censure de Wikipedia
en Chine, voir le blog Médias

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