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Histoire

Historique de la torture

Tout d’abord, il faut savoir que tous les pays du monde ont pratiqué la torture à un moment de leur histoire. Mais seuls les Chinois, les Egyptiens et les Assyriens de l’Antiquité nous révèlent, au travers de textes juridiques, qu’ils ont eu recours à la torture dans le but d’arracher des révélations auprès des ennemis du pouvoir.

Durant l’Antiquité, on ne torturait que les esclaves, considérés comme des animaux domestiques, et les étrangers.

Ce n’est qu’après la chute de l’Empire romain que la torture fut appliquée aux citoyens et aux chrétiens afin qu’ils renoncent à leur croyance et acceptent l’empereur comme la puissance divine. Il semble qu’ensuite elle fut moins fréquente.

Malheureusement, au XIIè siècle, on retrouve un argumentaire en faveur de la torture - composé par Justinien au VIè siècle. C’est alors que la torture sera légalisée et utilisée par l’Eglise afin de lutter contre ses opposants. Durant l’Inquisition, les tortionnaires vont se perfectionner et inventer des tortures physiques et morales susceptibles d’arracher des aveux aux « hérétiques ». La situation devint tellement grave et grotesque que certains papes excommunièrent des ecclésiastiques haut placés. Et parce que les Eglises catholiques d’Espagne et de Portugal ne respectèrent pas les ordres de Rome, les « hérétiques » furent massacrés en masse, avec parmi eux une majorité maure et juive. (Du Xè au XVIè siècle, la torture est aussi attestée au Japon.)

Enfin, Montaigne au XVIè siècle et les philosophes des Lumières aux XVIIIè, dont Montesquieu, Diderot et Voltaire notamment, ouvriront les portes d’un nouvel humanisme. Grâce à leur travail, Louis XVI la supprime en France, Frédéric II en Prusse, Marie-Thérèse en Autriche (elle convint les juges de ne plus l’infliger mais ne parvint pas à la rendre illégale), tandis qu’en Russie, Catherine II ébauche le projet d’abolition (qu’Alexandre Ier adoptera en 1801). On la supprime aussi à Venise, en Lombardie et en Toscane. Mozart est de la partie, il dédie à l’archiduc de Toscane son opéra La Clémence de Titus, œuvre porteuse d’un message philosophique et moral.

Cependant, les guerres et leurs cortèges de violations des droits humains n’épargnèrent pas le XIXè siècle. La torture fut donc pratiquée malgré son statut illégal. Cependant, l’horreur des conflits fit réagir les humanistes et aboutit à la création en 1863 de la Croix Rouge, un bond en avant dans la reconnaissance de la souffrance et l’aide aux blessés.

Les causes fondamentales de la réapparition de l’usage systématique de la torture au XXè siècle sont l’émergence des totalitarismes et la création des services de renseignements spéciaux.

Source : « La disgrâce de l’humanité », Serge Patrice Thibodeau, VLB éditeur, 1999.

Visite au Musée de la torture à Anvers

Tel : 03/232 82 88
150 fr./pers., -20% pour les groupes
Ouvert tous les jours de 10h. à 18h.

La torture est-elle indispensable en temps de guerre ?

Analyse de la guerre d’Algérie

Nous sommes désespérés (…) de voir des Français employer des procédés qui relèvent de la barbarie nazie.
Jean Muller, soldat français mort aux combats pendant la guerre d’Algérie

Les historiens et intellectuels qui osaient dénoncer la torture pratiquée par l’armée française durant la guerre d’Algérie ont fait l’objet d’une véritable campagne de diffamation de la part des autorités. Ces critiques étaient qualifiés par le pouvoir de « mensonges » pour démoraliser les troupes et « faire oublier les atrocités commises par les rebelles ». Dès 1956 pourtant, l’historien Henri Marrou avait décrit l’installation par l’armée de « véritables laboratoires de torture, avec baignoires électriques et tout ce qu’il faut ». Le gouvernement français n’hésita pas à faire saisir les journaux et livres qui osaient mettre en doute la vérité officielle.

Le débat sur cette époque peu glorieuse de l’histoire française a été relancé par la publication récente dans le journal Le Monde du témoignage de Louisette Ighilahriz, militante pour l’indépendance de l’Algérie, torturée en 1957 par des militaires français. Cette jeune kabyle, âgée de 20 ans au moment des faits, est passée par l’enfer : pendant trois mois, elle est restée allongée nue, toujours nue, et a été torturée pratiquement sans interruption de fin septembre à fin décembre 1957. Dans son témoignage, Louisette désigne les noms de ses tortionnaires : le capitaine Graziani, qui fut l’exécutant direct des tortures et qui est mort en 1959, et deux généraux français qui lui donnaient les consignes : le général Massu et le général Bigeard, toujours en vie. « Eux deux se contentaient de me lancer des insultes et des grossièretés avant de donner des ordres par gestes, comme s’il existait un code muet établi. Graziani, lui, faisait les travaux pratiques. Massu et Bigeard ne s’attardaient pas en règle générale », se souvient Louisette.

Suite à cet article, les deux généraux français mis en cause ont réagi. L’un pour regretter les actes de torture commis à l’époque, l’autre pour les nier ou pour les justifier. Voici quelques extraits des deux points de vue relatés dans le journal Le Monde :

Point de vue du général Massu Je ne me souviens pas d’avoir donné cet ordre (de torture) à Graziani. Il faut dire qu’elle était un cas au milieu de beaucoup d’autres. Quant à savoir ce que Graziani lui a fait, il est mort, aussi il m’est difficile d’en parler. Mais cette femme n’a vraiment pas eu de chance. Dans son cas, les choses semblent être allées vraiment très loin. Peut-être que son récit est un peu excessif, mais il ne l’est pas nécessairement et, dans ce cas, je le regrette vraiment. Tout cela faisait partie d’une certaine ambiance, à cette époque, à Alger. Non, la torture n’est pas indispensable en temps de guerre. Quand je repense à l’Algérie, on aurait pu faire les choses différemment.

Point de vue du général Bigeard
Ce papier (le témoignage de la victime) est malvenu. Bigeard reste un modèle pour la France. Vous faites mal à un type qui vit pour son pays. Je continue de recevoir des centaines de lettres se référant à Bigeard, reconnaissant sa valeur et me disant : « Heureusement que vous êtes là, dans une période où toutes les valeurs sont parties en fumée. » Un jour, vous allez voir, vous aurez des explosions dans les banlieues. (…)
Le témoignage de cette femme est un tissu de mensonges. Il n’y a jamais eu de femme prise à mon P.C. Il s’agit de démolir tout ce qu’il y a de propre en France. La torture était un mal nécessaire. Les nationalistes algériens ont aussi été responsables d’atrocités.

Activité pédagogique

Comparez les deux points de vue et essayez de dégager les logiques d’argumentation. Quelle importance ce débat a-t-il encore aujourd’hui ? Faut-il poursuivre ces généraux en justice ?

Suite aux propos du général Bigeard, des habitants du village de Trimbach (Est de la France) ont manifesté leur colère et ont demandé que soit retirée la plaque de la rue qui porte le nom du général. Ils proposent de rebaptiser la rue « Rue du 17 octobre 1961 », date à laquelle 17 manifestants algériens furent assassinés et poussés dans la Seine par la police française.
Que pensez-vous de cette réaction ? Auriez-vous agi de la même façon ? Est-il important d’expliquer le passé aux nouvelles générations ?

On ne peut lutter contre la guerre révolutionnaire et subversive menée par le communisme international et ses intermédiaires avec les procédés classiques de combat, mais bien également par les méthodes d’action clandestines et contre-révolutionnaires. La condition sine qua non de notre action en Algérie est que ces méthodes soient admises, en nos âmes et consciences, comme nécessaires et moralement valables.

Note de service du Général Massu datant de 1957 (Le Monde du 23/06/2000).

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