Fiche n°8

Assassinés par l’État

Personnes condamnées à l’issue de procès inéquitables, opposants politiques exécutés, mineurs condamnés à mort – les exemples suivants ne sont qu’un échantillon de cas de personnes à qui les autorités d’un État ont « légalement » ôté la vie.

CHINE

Ismail Semed a été exécuté le 8 février 2006 à Ürümqi, dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Il avait été condamné à mort le 31 octobre 2005 par le tribunal populaire intermédiaire d’Ürümqi, pour avoir « tenté de diviser la mère patrie », après son renvoi du Pakistan en 2003.

Il avait fait appel de sa condamnation mais, selon l’organisation Uyghur Human Rights Project (UHRP), qui siège aux États-Unis, son recours a probablement été examiné lors d’une audience à huis clos. Or, bien qu’elle soit légale dans certaines circonstances, cette procédure rend difficile l’appréciation de l’équité du jugement. En outre, l’UHRP affirme qu’Ismail Semed a « avoué » les faits qui lui étaient reprochés au cours de ses interrogatoires, mais qu’il les a niés lors de son procès, ce qui laisse à penser que ses « aveux » lui ont été arrachés sous la torture.

Sa femme et ses deux jeunes enfants n’ont été autorisés à le voir seul que pendant dix minutes la veille de son exécution. Il a été tué d’une balle dans le cœur.

INDONÉSIE

Fabianus Tibo (61 ans), Dominggus da Silva (43 ans) et Marinus Riwu (49 ans) ont été fusillés le 21 septembre 2006 à 1 h 45. Ces trois hommes avaient été condamnés à mort en avril 2001 pour assassinat et incitation à l’émeute, à la suite des violences interethniques et confessionnelles qui avaient éclaté en mai 2000 dans le district de Poso (province de Sulawesi-Centre). Bien que le lieu de leur exécution n’ait pas été communiqué officiellement par les autorités, un membre des forces de police a indiqué qu’elle s’était déroulée près de l’aéroport de Palu, dans cette même province.

Amnesty International estime que le procès de ces trois personnes a été inéquitable. Il semblerait notamment que les témoignages présentés par la défense n’aient pas été pris en compte par le tribunal lorsqu’il a rendu son jugement. Selon certaines informations, des manifestants armés de pierres s’étaient rassemblés devant le palais de justice pour réclamer la condamnation à mort de ces trois hommes. Il est à craindre que cet acte d’intimidation n’ait eu une incidence sur l’issue du procès. Les avocats des trois accusés ont également été la cible de manœuvres d’intimidation, notamment sous la forme de menaces de mort et d’une bombe posée au domicile de l’un d’entre eux.

IRAN

Ateqeh Rajabi Sahaaleh, âgée de seize ans, a été exécutée par pendaison le 15 août 2004, pour plusieurs « actes incompatibles avec la chasteté ». Son exécution s’est déroulée en public, en plein centre de la ville de Neka, dans la province de Mazandaran (nord de l’Iran). Ateqeh Rajabi a été tuée alors que, selon certaines sources, elle n’était pas estimée mentalement apte et elle n’avait bénéficié de l’assistance d’un avocat à aucun moment de la procédure.

Au cours de son procès, elle se serait mise en colère, criant au juge qu’elle avait été victime des actes d’un homme plus âgé, avant de jeter son voile en signe de protestation. Le juge l’aurait admonestée et aurait déclaré par la suite qu’elle s’était « déshabillée en public ». D’après certaines sources, Ateqeh Rajabi souffrait de troubles mentaux au moment des actes constituant le « crime » dont elle était accusée, ainsi que pendant son procès. Lors de son exécution, les autorités judiciaires de la province de Mazandaran ont annoncé qu’elle avait vingt-deux ans, alors que sa carte nationale d’identité indiquait qu’elle en avait seize. Or, le droit international interdit l’exécution de mineurs délinquants (âgés de moins de dix-huit ans au moment des faits qui leur sont reprochés). Les autorités judiciaires n’ont rien fait pour enquêter à la suite d’une plainte déposée contre le juge. Selon le site d’actualités en ligne Peyk-e Iran, le magistrat qui a passé la corde au cou d’Ateqeh Rajabi lors de son exécution était celui-là même qui l’avait condamnée à mort en première instance.

SINGAPOUR

Iwuchukwu Amara Tochi, ressortissant nigérian de vingt-et-un ans, et Okele Nelson Malachy, Sud-Africain de trente-cinq ans, ont été exécutés par pendaison à l’aube du 26 janvier 2007 à la prison de Changi, à Singapour.
Ces deux hommes ont été exécutés malgré les appels lancés par le gouvernement nigérian et par le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, qui avaient demandé aux autorités singapouriennes de ne pas appliquer la condamnation à mort prononcée contre Iwuchukwu Amara Tochi. Le rapporteur spécial des Nations unies avait indiqué que, lors de son procès, cet homme avait été privé de son droit fondamental à la présomption d’innocence.

Iwuchukwu Amara Tochi avait été arrêté à l’aéroport de Changi le 27 novembre 2004, puis inculpé au titre de la Loi sur l’usage illicite de stupéfiants pour avoir importé 727,02 grammes d’héroïne sur le territoire singapourien. Ce texte prévoit l’application obligatoire de la peine de mort pour le trafic d’héroïne lorsque les quantités en cause sont supérieures à 15 grammes. Le juge qui l’a déclaré coupable semble avoir admis qu’Iwuchukwu Amara Tochi n’avait peut-être pas conscience de transporter de l’héroïne. Il a conclu lors du verdict : « Aucune preuve directe ne démontre qu’il savait que les capsules contenaient de la diamorphine [héroïne]. Rien ne laisse supposer que [M.] Smith [qui avait donné à M. Tochi les pilules à transporter] l’avait prévenu qu’elles contenaient de la diamorphine, ou que [M. Tochi] l’avait compris de lui-même ».

ÉTATS-UNIS

Philip Workman, âgé de cinquante-trois ans, a été exécuté par injection létale dans l’État du Tennessee le 9 mai 2007. Des éléments prouvaient pourtant qu’un témoin-clé de l’accusation avait menti lors de son procès et que Ronald Oliver, l’agent de police qu’il était accusé d’avoir tué au cours d’un vol commis en 1981, avait peut-être été abattu accidentellement par un de ses collègues. Philip Workman a passé vingt-cinq ans dans le couloir de la mort.

Le 4 mai 2007, la cour d’appel fédérale a rejeté la demande de sursis qu’il avait déposée pour tenter de faire reconnaître son innocence par la justice. Deux des juges de cette instance ont statué que Philip Workman n’avait « pas satisfait à la charge qui lui incombait de prouver qu’il avait des chances de gagner cette procédure » sur le fond. Ils ont ajouté : « Presque vingt-cinq ans après la condamnation de Philip Workman à la peine capitale, et au bout de cinq sursis, il est dans l’intérêt de l’État et des citoyens d’apporter une réponse définitive à cette affaire… » Cependant, le troisième magistrat, le juge Cole, a exprimé une opinion divergente. Il a estimé que Philip Workman avait « suffisamment démontré » qu’il pouvait gagner, ou du moins obtenir une audience consacrée à l’examen des éléments appuyant la thèse de son innocence, et que cela justifiait déjà un sursis. Il a également rappelé qu’un autre collège de trois juges de la cour d’appel fédérale avait récemment accordé un sursis à un condamné à mort dans des circonstances similaires. Il a déclaré : « Je ne peux me résoudre à accepter que l’on permette une telle incohérence dans l’application de la peine de mort... » Depuis 1973, plus de 120 condamnés à mort ont été libérés des prisons américaines après avoir été innocentés.

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