Fiche n° 4

Exécutions secrètes

En maintenant le secret autour des exécutions, de nombreux gouvernements font en sorte que le public ne puisse pas débattre des véritables problèmes liés à la peine de mort.

« Le manque de transparence nuit au débat public sur la peine de mort, ce qui peut parfois être le but recherché. »

Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, 2006 [traduction non officielle]

De nombreux gouvernements soutiennent activement l’idée que la peine de mort est essentielle pour réduire la criminalité. Ils prétendent que la menace d’une exécution dissuade les criminels de commettre des infractions violentes. Pour que ce soit le cas, il faudrait que les délinquants potentiels sachent parfaitement à l’avance qu’ils risquent d’être exécutés. Or, ces mêmes gouvernements qui, d’un côté, recourent à la peine de mort, font tout, d’un autre côté, pour masquer son utilisation.

Au Japon, les exécutions sont généralement secrètes ; les prisonniers ne sont informés de leur mise à mort que quelques heures à l’avance, et leurs familles ne sont prévenues qu’après. En Chine et au Viêt-Nam, les informations relatives à la peine de mort, telles que le nombre annuel d’exécutions, sont considérées comme des secrets d’État. Les appels des Nations Unies demandant la publication de ces données se heurtent systématiquement à des refus. La population de ces pays ne dispose donc d’aucune information et le débat autour de ce problème important relatif aux droits humains s’en trouve étouffé. En toute logique, ce secret devrait atténuer le soi-disant effet dissuasif des exécutions.

La situation est à peu près la même à Singapour. L’État a recours à la peine de mort mais garde le silence sur l’ampleur de son utilisation. Le contrôle exercé par le gouvernement sur la presse et les organisations de la société civile limite la liberté d’expression et empêche la surveillance indépendante de la situation des droits humains, notamment en ce qui concerne la peine de mort. Le débat sur la peine capitale est donc pratiquement impossible à Singapour, où le gouvernement continue de maintenir que ce châtiment ne pose aucun problème en matière de droits humains.

Les autorités singapouriennes semblent envoyer des messages contradictoires. Si la peine de mort joue un rôle essentiel dans la lutte contre la criminalité en raison de son effet dissuasif, elles devraient chercher à attirer au maximum l’attention du public sur ce sujet afin d’obtenir le meilleur effet dissuasif possible. Or, elles font exactement le contraire.

Les États mentionnés ci-dessus ne sont pas les seuls à procéder à des exécutions secrètes. C’est également le cas en Mongolie et en Corée du Nord.

En 2006, le Rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires a demandé que soit levé le secret entourant le recours à la peine capitale, indiquant qu’un débat public satisfaisant ne pourrait avoir lieu que si les gouvernements divulguaient tous les détails concernant :

« a) le nombre de personnes condamnées à mort ; b) le nombre d’exécutions […]. Sans nier le rôle important revenant à ces informations dans tout processus de prise de décisions avisé, de nombreux États optent pour le secret au détriment de la transparence tout en persistant à affirmer que la peine capitale subsiste parce qu’elle jouit d’un large soutien dans l’opinion publique. »

Prendre une vie humaine est l’acte le plus extrême qu’un gouvernement puisse commettre. Comme de nombreux pays l’ont montré, la voie vers l’abolition de la peine de mort repose sur le débat public. En supprimant ce débat et en empêchant les gens de s’informer, les autorités privent la population du droit à un débat éclairé. Or, la gravité de ce châtiment exige qu’il soit porté à l’attention de la population et soumis au débat public. Les exécutions ne doivent pas être masquées par une conspiration du silence.

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