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Monsieur le Ministre,
Le 14 avril 2024, cinq mois après que les autorités saoudiennes ont soumis Manahel al Otaibi, 29 ans, à une disparition forcée, cette jeune femme a contacté sa famille pour la première fois et lui a dit qu’elle était détenue à l’isolement à la prison d’al Malaz, avec une jambe cassée après avoir été rouée de coups en détention, et qu’elle n’avait pas accès à des soins médicaux. Les autorités saoudiennes ont fait subir une disparition forcée à cette professeure de fitness entre le 5 novembre 2023 et le 14 avril 2024.
Avant sa disparition forcée, elle se trouvait déjà en détention depuis le 16 novembre 2022, soit un an, accusée d’avoir enfreint la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité parce qu’elle a publié des tweets comportant des hashtags en faveur des droits des femmes et diffusé sur Snapchat des photos d’elle vêtue d’une tenue « indécente » dans un centre commercial. Elle attend son procès devant le Tribunal pénal spécial, qui a été créé pour juger des affaires de terrorisme.
Peu avant que ses proches ne perdent contact avec elle le 5 novembre 2023, Manahel al Otaibil leur a dit qu’elle avait été violemment frappée par une autre prisonnière. Le 14 avril, Manahel al-Otaibi a déclaré à sa famille, lors d’un bref appel téléphonique durant lequel elle semblait bouleversée, qu’elle avait de nouveau été rouée de coups par une autre personne, et qu’elle n’a pas pu déterminer s’il s’agissait d’une prisonnière ou d’un gardienne. Elle pense que son placement à l’isolement est une mesure de représailles contre la campagne menée par sa sœur Fawzia al Otaibi afin de la faire libérer. Fawzia al Otaibi a déclaré à Amnesty International qu’elle pensait que la seule raison pour laquelle Manahel al Otaibi avait finalement été autorisée à téléphoner était de faire passer un message à sa famille pour qu’elle cesse de s’exprimer publiquement au sujet de son incarcération.
Sa famille a affirmé que Manahel al Otaibi avait passé « des mois » à l’isolement, sur la base d’informations fournies par des personnes qui avaient été incarcérés dans la même prison. Un maintien prolongé en détention à l’isolement pendant plus de 15 jours constitue une violation de l’interdiction absolue de la torture et d’autres traitements cruels, inhumains et dégradants.
Selon des documents de procédure qu’Amnesty International a pu consulter, Manahel al Otaibi est poursuivie pour « publication et diffusion de contenu comportant la commission de péchés en public et incitant des personnes et des filles dans la société à renoncer aux principes religieux et aux valeurs sociales ainsi qu’à porter atteinte à l’ordre public et aux bonnes mœurs sur son compte Twitter », en violation de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité. Les charges retenues contre elle reposent sur ses publications de réseaux sociaux jugées « contraires aux règles et aux lois relatives aux femmes », notamment par l’utilisation du hashtag #EndMaleGuardianship.
Le procureur a également fait référence à des procès-verbaux dressés en 2018 et 2019 par le Comité pour la propagation de la vertu et la prévention du vice, la police religieuse, qui l’a accusée de ternir la réputation du royaume et de s’être rendue au centre commercial sans porter d’abaya, en prônant le retrait du hidjab et en publiant des photos de cette sortie sur Snapchat.
Je vous appelle à ordonner la libération immédiate et sans condition de Manahel al Otaibi, car elle est détenue uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression. En attendant sa libération, elle doit pouvoir bénéficier d’un accès immédiat à des soins médicaux, et ses allégations de torture et d’autres mauvais traitements doivent donner lieu à une enquête efficace et impartiale.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.
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