Thaïlande : Dix ans après les évènements de mai 1992, toujours pas de justice pour les victimes

Index AI : ASA 39/004/02

Au cours du mois de mai 1992,
à Bangkok, l’armée thaïlandaise
a violemment réprimé des manifestations
de masse en faveur de la démocratie.
Au moins 52 personnes ont été tuées,
des centaines d’autres ont été blessées
et 34 ont « disparu » sans laisser de trace. Dix ans après ces évènements,
les responsables présumés n’ont toujours pas été traduits en justice.
« Les familles des personnes tuées ou "disparues" et les blessés attendent toujours que la lumière soit faite sur ces évènements et que justice soit rendue. Ils ne doivent pas attendre dix ans de plus », a déclaré Amnesty International à l’occasion
de la commémoration des manifestations
de mai 1992.
Les événements qui se sont produits
il y a dix ans ont marqué un tournant
dans la vie politique thaïlandaise. Après
le massacre de Bangkok, l’armée s’est,
en général, abstenue d’interférer
dans la politique. Cependant, aucun
des commandants militaires ayant donné l’ordre d’ouvrir le feu sur des manifestants non armés n’a eu à répondre de ses actes devant un tribunal.
Aujourd’hui (jeudi 16 mai), la population thaïlandaise va célébrer le 10e anniversaire du mouvement en faveur de la démocratie, en attendant d’autres réformes nécessaires
en matière de droits humains. Un séminaire sur ce thème se tient en ce moment
à Bangkok et une marche à la mémoire
des victimes est organisée le 19 mai
en direction du monument à la démocratie.
« Au cours des dix dernières années,
la situation en matière de droits humains s’est considérablement améliorée
en Thaïlande. Une nouvelle constitution
a été promulguée en octobre 1997, prévoyant, entre autres réformes, la création d’une Commission nationale des droits humains. Cependant, les membres des forces de sécurité, notamment les militaires
et les policiers, ne sont en général pas tenus de rendre des comptes pour les actes
de torture ou les homicides illégaux
de civils perpétrés. En outre, la peine de mort est toujours appliquée en Thaïlande ;
en avril 2002, cinq condamnés
ont été exécutés », a ajouté l’organisation
de défense des droits humains.

Contexte

En février 1991, un coup d’État militaire a renversé le gouvernement civil dirigé par Chatichai Choonhava, élu démocratiquement, et un Conseil national
de maintien de la paix (CNMP) a été créé.
À la suite des élections générales
de mars 1992, le général Suchinda Kraprayoon, un des principaux artisans
de ce coup d’État, a été nommé
Premier ministre.
En mai 1992, des milliers de personnes ont manifesté pour protester contre
cette nomination. Au cours
des manifestations, les forces de sécurité
ont ouvert le feu à hauteur de tête
sur des manifestants non armés et ont frappé à coups de matraque et de pied des civils
qui ne constituaient pas une menace
pour leur sécurité.
Le 23 mai 1992, le général Suchinda Kraprayoon a pris un décret d’amnistie
de grande envergure, s’appliquant apparemment aux manifestants
comme aux membres des forces armées.
Le lendemain, il a démissionné de son poste
de Premier ministre et un gouvernement intérimaire a dirigé le pays jusqu’à l’élection de Chuan Leepkai, en septembre 1992. Immédiatement après, les autorités judiciaires thaïlandaises ont confirmé
la légalité du décret d’amnistie.
En juillet 1992, un Comité des proches des héros de mai 1992 a été créé, comprenant des familles des personnes « disparues », tuées ou handicapées.
Les membres de ce comité travaillent
depuis dix ans pour que la lumière soit faite, mais jusqu’à présent leurs efforts
n’ont pas abouti.
À la suite des évènements de mai 1992, plusieurs commissions ont été mises en place par le gouvernement afin d’enquêter
sur ces faits. Des extraits des rapports
de ces commissions ont été rendus publics, mais personne n’a été formellement désigné comme étant responsable d’avoir donné l’ordre d’ouvrir le feu sur des manifestants non armés et majoritairement pacifiques.
En septembre 2001, le Premier ministre Thaksin Shinawatra a mis en place
une nouvelle commission chargée
de faire la lumière sur ces évènements, présidée par l’ancien Premier ministre
Anand Panyarachun. Les membres
de cette commission ont recueilli
des témoignages des familles des victimes, mais à ce jour il n’y a eu aucun résultat.
En octobre 2001, 34 cas de personnes « disparues » au cours des évènements
de mai 1992 ont été soumis au Groupe
de travail des Nations unies
sur les disparitions forcées ou involontaires. Il en a accepté 31, qui ont ensuite été transmis au gouvernement royal thaïlandais. Selon la Commission des droits de l’homme des Nations unies en 2002, le Groupe
de travail n’a reçu aucune information nouvelle du gouvernement concernant le sort de ces personnes « disparues ».
Amnesty International appelle
le gouvernement royal thaïlandais à rendre public les résultats des enquêtes,
afin que toute la lumière soit faite
sur ces évènements. Par ailleurs, l’organisation de défense des droits humains prie instamment le gouvernement de traduire en justice les personnes identifiées comme responsables à l’issue de ces investigations et d’octroyer des indemnités suffisantes
aux victimes et à leurs famillesl

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