Uruguay - Rapport annuel 2023

Les menaces à l’encontre de la liberté d’expression des médias ont persisté, de même que les obstacles à l’accès aux informations publiques. Du fait d’un taux d’incarcération record, les prisons étaient surpeuplées et les conditions de détention inhumaines. Le nombre de décès en prison restait préoccupant. Quelques militaires ont fait l’objet de poursuites pour des crimes contre l’humanité commis par le passé, mais les enquêtes sur les disparitions forcées n’ont pas beaucoup progressé. L’Uruguay restait un pays hostile pour les femmes et les filles, et le nombre de féminicides y a augmenté. L’accès aux services publics de santé mentale restait difficile. La qualité de l’eau potable a suscité des inquiétudes. Dans l’ensemble, le pays a continué de montrer des signes d’affaiblissement du système de garantie des droits.

Contexte

À la suite des poursuites entamées en février contre l’ancien chef de la sécurité du président pour association de malfaiteurs, l’inculpation d’un ancien dirigeant d’entreprise pour la surveillance illégale de deux sénateurs a soulevé des inquiétudes concernant l’utilisation abusive de l’appareil de sécurité de l’État. Une enquête a été ouverte pour déterminer si les autorités et des représentants du ministère de l’Intérieur avaient participé à fournir des informations.

Le gouvernement n’a pas pris de mesures efficaces pour lutter contre les crimes violents, comme l’a montré l’augmentation des homicides enregistrés en 2023, selon l’Étude mondiale sur l’homicide 2023 de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime.

Liberté d’expression

L’Uruguay a continué de chuter dans le classement de Reporters sans frontières concernant la liberté d’expression, passant du 44e rang mondial en 2022 au 52e rang en 2023. Selon un rapport publié en 2023 par le Centre d’archives et d’accès à l’information publique (CAINFO), 69 cas de menaces exercées contre des journalistes ont été signalés de début 2022 à début 2023. D’après les médias, en juillet, des journalistes de la chaîne télévisée publique du département de Montevideo ont affirmé avoir subi des pressions indues pour couvrir des sujets favorables au gouvernement local.

Droit à l’information

Les institutions publiques n’ont pas appliqué les politiques de transparence et d’accès aux informations publiques imposées par la Loi no 18 381 de 2008 sur le droit d’accès aux informations publiques. D’après le CAINFO, 24 événements ont démontré que l’application des normes de transparence passive se détériorait. Ce manquement des pouvoirs publics à leurs obligations a été particulièrement manifeste lors de la situation d’urgence liée à l’eau qui a touché la zone métropolitaine de Montevideo au premier semestre de l’année, au cours de laquelle les autorités ont entravé l’accès aux informations sur la gestion et la qualité de l’eau potable et leur incidence sur la santé humaine.

Conditions de détention inhumaines

Le système carcéral était toujours surpeuplé. Selon le commissaire parlementaire aux affaires pénitentiaires, la population carcérale a augmenté de façon régulière, atteignant environ 15 400 personnes écrouées. Sur ces dernières, on comptait 1 167 femmes, soit une augmentation de 6,9 % du nombre de femmes incarcérées depuis 2022.

La détérioration des conditions de détention a eu des effets négatifs sur la qualité de vie des personnes privées de liberté. En 2023, 17 d’entre elles ont été tuées en détention.

En septembre, 55 détenues ont mené une grève de la faim parce qu’elles avaient été transférées à un étage différent de la prison. D’après elles, ce transfert aurait aggravé leurs conditions d’incarcération.

Impunité

L’impunité continuait de prévaloir pour les crimes contre l’humanité et les violations des droits humains commis sous le régime militaro-civil (1973-1985). Toutefois, 18 condamnations de membres actuels ou retraités de l’armée et de la police ont été recensées en 2023 pour des actes de torture, des enlèvements et des homicides perpétrés sous ce régime.
Au mois de juin, des dépouilles remontant à l’époque du régime militaro-civil ont été retrouvées dans la base militaire du 14e bataillon d’infanterie parachutiste. Elles n’avaient pas encore été identifiées à la fin de l’année.

Droits des femmes et des filles

En 2023, 21 femmes et filles ont été tuées pour des motifs liés au genre. Parmi elles se trouvait, selon les médias, une fille de 17 ans tuée par son ancien partenaire du même âge. Le gouvernement n’a pas appliqué pleinement la Loi no 19 580 relative à la violence contre les femmes fondée sur le genre ni alloué de fonds à la création de tribunaux pour juger ce type d’affaires.

Bien que des avancées aient été observées dans la jouissance des droits sexuels et reproductifs, des obstacles continuaient d’entraver la mise en œuvre de politiques publiques visant à prévenir les grossesses chez les filles et adolescent·e·s de moins de 15 ans, à y remédier quand elles se produisaient et à réparer les préjudices en résultant. Selon l’Administration des services de santé de l’État, 119 filles et autres adolescent·e·s de moins de 15 ans ont été enceintes entre mai 2021 et avril 2023. Sur ces 119 grossesses, 50 % étaient le résultat d’une atteinte sexuelle, 34 % étaient issues d’une relation non violente entre pairs, et dans 16 % des cas l’existence d’une relation violente n’avait pas pu être écartée.

Le système de santé national intégré, créé en 2015, n’a pas fourni de services adéquats à sa population cible (enfants de moins de trois ans, personnes en situation de handicap et autres adultes en situation de dépendance). Ce manquement à sa mission a eu des répercussions directes sur la vie des femmes, qui effectuaient la majeure partie des travaux non rémunérés d’aide à la personne. Selon les statistiques officielles les plus récentes du ministère du Développement social, 61,4 % de la charge de travail hebdomadaire des femmes en Uruguay n’était pas rémunérée, par rapport à 35,9 % pour les hommes.

Droit à la santé

Des obstacles ont continué d’entraver l’accès aux services publics de santé mentale, en raison d’un manque de rendez-vous disponibles pour répondre à une demande accrue à l’échelle nationale.
Selon le ministère de la Santé, 823 personnes s’étaient suicidées en 2022, ce qui représentait 23,2 suicides pour 100 000 habitant·e·s, soit plus du double des taux du reste de l’Amérique latine.

Droit à l’eau

Au premier semestre, une urgence hydrique a touché une partie de la zone métropolitaine de Montevideo (départements de Montevideo et de Canelones), provoquant des pénuries d’eau potable1. Selon certaines sources, il était difficile d’accéder à des informations claires et exactes concernant la gestion de cette crise et la qualité de l’eau potable.

En juillet, le rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement [ONU] et le Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises [ONU] ont exhorté le gouvernement à accorder la priorité à l’eau destinée à la consommation humaine. D’après l’Administration des travaux sanitaires de l’État (OSE) et les informations fournies par la faculté de chimie de l’Université de la République, une augmentation considérable des taux de salinité affectait la qualité de l’eau potable, touchant plus de 60 % de la population, en particulier les plus vulnérables.

“Uruguay. El acceso al agua potable es un derecho humano”, 29 mai

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