OUZBEKISTAN

Deux défenseurs des droits humains ont bénéficié d’une libération anticipée pour raisons humanitaires, mais d’autres prisonniers d’opinion purgeaient toujours de lourdes peines d’emprisonnement, dans des conditions qui s’apparentaient à un traitement cruel, inhumain et dégradant. Malgré l’adoption d’une nouvelle loi destinée à améliorer le traitement réservé aux détenus, des dizaines de cas de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des personnes privées de liberté ont encore été signalés cette année. Les libertés d’expression et d’association étaient soumises à des restrictions de plus en plus sévères.

RÉPUBLIQUE D’OUZBÉKISTAN
Chef de l’État : Islam Karimov
Chef du gouvernement : Chavkat Mirziyoyev
Peine de mort : abolie
Population : 27,8 millions
Espérance de vie : 68,3 ans
Mortalité des moins de cinq ans : 36,1 ‰
Taux d’alphabétisation des adultes : 99,3 %

LIBERTE D’EXPRESSION – DEFENSEURS DES DROITS HUMAINS ET JOURNALISTES

Cette année encore, les libertés d’expression et d’association ont été soumises à des restrictions.
En avril, les journalistes ont été informés qu’ils n’étaient plus autorisés à rencontrer les représentants d’organisations étrangères et les diplomates étrangers, ni à assister à des conférences de presse ou à des séminaires sans avoir au préalable obtenu l’autorisation écrite des pouvoirs publics. En juillet, un tribunal de Tachkent a condamné l’attaché de presse de l’ambassade britannique, Leonid Koudriavtsev (de nationalité ouzbèke) à une lourde amende, pour avoir « contrevenu aux lois sur les rassemblements, les manifestations de rue et les défilés des organisations ». Le ministère public l’avait accusé d’encourager les idées extrémistes lors de séminaires de formation organisés à l’intention de militants indépendants des droits humains dans les locaux de l’ambassade du Royaume-Uni. Le recours formé par Leonid Koudriavtsev a été rejeté en août par une juridiction d’appel.
Comme les années précédentes, des journalistes indépendants et des défenseurs des droits humains ont été soumis à des actes de harcèlement et à des violences. Certains ont été arrêtés et jugés au mépris des règles d’équité. D’autres ont fait l’objet d’une surveillance régulière de la part d’agents de l’État en uniforme ou en civil, ont été convoqués par la police pour être interrogés ou ont été placés en résidence surveillée. D’autres, enfin, se sont plaints d’avoir été frappés par des agents de la force publique ou par des individus soupçonnés de travailler pour les services de sécurité.
Deux défenseurs des droits humains ont bénéficié d’une libération anticipée, mais 10 autres au moins purgeaient toujours de lourdes peines d’emprisonnement, dans des conditions qui s’apparentaient à un traitement cruel, inhumain et dégradant. Nombre de détenus, très gravement malades, étaient privés des soins médicaux requis par leur état. Plusieurs continuaient d’être soumis à la torture par les autorités, qui entendaient les punir ainsi d’avoir porté plainte contre le traitement qu’eux-mêmes ou d’autres prisonniers subissaient.
*Âgé de 61 ans, le défenseur des droits humains et prisonnier d’opinion Norboï Kholjiguitov a été libéré pour raisons humanitaires le 14 octobre, avant l’expiration de sa peine, quelques jours seulement avant une visite officielle de la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton. Son état de santé s’était sérieusement dégradé au cours des mois précédents, au point que sa famille craignait qu’il ne meure en prison. L’un des camarades de Norboï Kholjiguitov, Khabiboulla Akpoulatov, condamné en même temps que lui, était en revanche toujours incarcéré. Selon son fils Iouldoch, qui est allé le voir en juillet et en novembre, sa santé et, de façon générale, son état physique s’étaient dégradés entre ces deux visites. Khabiboulla Akpoulatov pesait en novembre moins de 50 kilos, il avait perdu toute sensation au niveau des jambes et se déplaçait avec peine. Il n’avait plus que six dents et n’avait pas le droit de voir un dentiste. Il est apparu très déprimé et peu enclin à parler de la manière dont il était traité.
Les autorités ont fermé en juin le bureau de Human Rights Watch, dernière ONG internationale encore présente en Ouzbékistan. Le ministère de la Justice avait introduit devant la Cour suprême une requête pour obtenir la fermeture du bureau de l’organisation en raison, selon lui, de ses manquements répétés à la réglementation. La Cour ayant fait droit à cette requête, Human Rights Watch a été contrainte de mettre un terme à ses activités dans le pays.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Malgré l’adoption d’une nouvelle loi destinée à améliorer le traitement des détenus et contrairement aux déclarations des pouvoirs publics, selon lesquelles la pratique de la torture était en nette régression, plusieurs dizaines de cas de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des personnes privées de liberté ont encore été signalés tout au long de l’année. Dans la plupart des cas, aucune enquête exhaustive et impartiale n’a été déclenchée rapidement sur ces allégations.
En septembre, le chef de l’État a promulgué une nouvelle Loi sur le traitement des personnes placées en garde à vue et en détention provisoire. Ce nouveau texte permettait entre autres aux détenus de recevoir la visite de leurs proches et de leurs avocats autant de fois et pour une durée aussi longue qu’ils le souhaitaient, sans avoir à obtenir au préalable l’autorisation des services d’instruction et d’enquête. Toutefois, d’après les éléments disponibles fin décembre, cette loi ne semblait guère appliquée.
Malgré quelques libérations très médiatisées, des milliers de personnes reconnues coupables d’avoir soutenu, d’une manière ou d’une autre, des partis islamistes ou des mouvements musulmans interdits en Ouzbékistan purgeaient toujours de lourdes peines d’emprisonnement, dans des conditions qui s’apparentaient à un traitement cruel, inhumain et dégradant.
Un certain nombre d’opposants politiques, de personnes critiques à l’égard du gouvernement et de militants des droits humains connaissaient le même sort. Accusés d’avoir enfreint le règlement carcéral, beaucoup avaient vu leur peine initiale alourdie, à l’issue de procès sommaires tenus à huis clos à l’intérieur des établissements pénitentiaires.
*À la surprise générale, le poète Ioussouf Djouma, connu pour son attitude critique à l’égard du gouvernement, a été libéré le 19 mai de la prison de Iaslik. Il avait purgé trois des cinq années d’emprisonnement auxquelles il avait été condamné pour rébellion lors de son arrestation et coups et blessures sur la personne d’agents de la force publique – charges qui, selon lui, étaient motivées par des considérations politiques. Conduit en secret à l’aéroport de Tachkent, il a dû monter à bord d’un avion en partance pour les États-Unis. Ioussouf Djouma a déclaré qu’il avait été contraint de renoncer à la nationalité ouzbèke en échange du droit de rejoindre sa famille aux États-Unis, où celle-ci avait obtenu l’asile politique. Dans une interview accordée à Radio Ozodlyk (le service ouzbek de Radio Free Europe/Radio Liberty), il a confirmé avoir été torturé et autrement maltraité tout au long de son emprisonnement. Il aurait notamment subi régulièrement des périodes d’isolement cellulaire de 15 jours, enfermé dans un cachot. Le personnel pénitentiaire et les forces de l’ordre avaient, d’après lui, très fréquemment recours à la torture pour extorquer des « aveux » aux détenus ou pour les punir.

LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET SECURITE

Les autorités se sont cette année encore efforcées d’obtenir, au nom de la sécurité nationale et régionale et de la lutte contre le terrorisme, l’extradition de personnes appartenant ou soupçonnées d’appartenir à des mouvements islamiques ou à des formations islamistes interdits en Ouzbékistan. Celles qui étaient renvoyées de force dans le pays couraient tout particulièrement le risque d’être torturées ou de subir d’autres mauvais traitements. Elles risquaient également d’être jugées au cours d’une procédure inéquitable et condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement qu’elles devraient purger dans des conditions cruelles, inhumaines et dégradantes.
Au moins 12 des 28 ressortissants ouzbeks extradés en juin par le Kazakhstan (voir Kazakhstan) auraient été inculpés d’extrémisme religieux et d’appartenance à l’organisation islamiste des Djihadtchilar (djihadistes). Tous ont été placés au secret après leur extradition. Les observateurs des droits humains estimaient qu’ils étaient incarcérés à la prison de Tachkent, où ils risquaient fort d’être torturés. Selon ces mêmes sources, des proches de ces hommes auraient fait l’objet de manœuvres d’intimidation de la part des forces de sécurité, qui cherchaient à les empêcher de découvrir où ils se trouvaient.
Trois des hommes extradés ont été condamnés à des peines d’emprisonnement, à l’issue de deux procès distincts tenus en août et en septembre. Le 21 août, Akhmad Boltaïev et Faïzoullakhon Akbarov ont été condamnés respectivement à 15 et cinq ans d’emprisonnement par le tribunal régional du Syrdaria. Leurs peines ont été ramenées à 13 et quatre années en appel. Ils ont tous deux été déclarés coupables d’appartenance aux Djihadtchilar, de diffusion de documents représentant une menace pour l’ordre public et de complot en vue de renverser l’ordre constitutionnel de l’Ouzbékistan. Ils avaient été maintenus au secret pendant deux mois et n’ont pu voir leurs proches qu’après le procès. Ils n’ont pas été autorisés à se faire assister par les avocats de leur choix et n’ont eu qu’un accès limité aux défenseurs commis d’office pour les représenter. Le 13 septembre, le tribunal pénal du district de Kibraïsk a condamné Kobidjon Kourbanov à quatre ans d’emprisonnement pour avoir organisé des rassemblements religieux illégaux.

Surveillance internationale

La communauté internationale, en particulier l’Union européenne (UE) et les États-Unis, a pris un certain nombre d’initiatives pour renforcer la coopération économique et sécuritaire avec l’Ouzbékistan, en dépit des violations flagrantes des droits humains commises cette année encore dans le pays.
Le président Karimov s’est rendu à Bruxelles le 24 janvier pour s’y entretenir d’un certain nombre de questions concernant la coopération entre son pays, l’UE et l’OTAN dans les domaines de la sécurité régionale et de l’économie. Cette visite, la première du genre depuis les massacres survenus en mai 2005 à Andijan et les sanctions prises en retour par l’UE, a été publiquement dénoncée par les organisations de défense des droits humains. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a refusé de rencontrer le chef de l’État ouzbek, invoquant des « raisons idéologiques ». Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a diffusé un communiqué de presse où il indiquait avoir évoqué la question des droits humains avec le président Karimov lors de leur rencontre. Toutefois, l’UE n’avait toujours pas pris de mesures concrètes pour exiger du gouvernement ouzbek qu’il respecte ses engagements en matière de droits humains.
Le président Karimov s’étant par ailleurs engagé en septembre à entreprendre des réformes économiques, politiques et démocratiques, le Congrès américain a levé les restrictions qu’il avait imposées sept ans auparavant, au nom du respect des droits humains, sur l’assistance militaire à l’Ouzbékistan. Cette mesure a été prise dans le souci de faciliter la coopération en matière de ravitaillement des troupes des États-Unis et de l’OTAN stationnées en Afghanistan, pays frontalier de l’Ouzbékistan.

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