Écrire Il faut libérer des militant·e·s et abandonner les poursuites engagées

En Thaïlande, alors que les manifestations pacifiques sont visées par des mesures répressives, et notamment des poursuites engagées contre des centaines de personnes, les autorités ont annulé en janvier 2023 la libération sous caution de deux jeunes militant·e·s ayant simplement exercé leurs droits.

Amnesty International craint par ailleurs pour la vie et la santé de deux autres militantes, en grève de la faim et refusant généralement d’ingérer des liquides depuis la mi-janvier 2023.

Elles ont été placées en détention de façon arbitraire, tout comme d’autres personnes visées par des poursuites pénales pour avoir simplement exercé leurs droits de manière pacifique.

Face au mouvement réformiste majoritairement pacifique et mené par des jeunes, ainsi qu’aux manifestations liées à ce mouvement qui ont débuté en 2020, le gouvernement thaïlandais a fréquemment réagi en bafouant les droits humains. Les autorités continuent de surveiller et de harceler, judiciairement ou non, les personnes qui expriment des opinions dissidentes, en ligne ou lors de manifestations. Elles ont refusé à des personnes leur droit à la libération sous caution, les ont arbitrairement placées en détention et leur ont imposé des conditions de libération sous caution excessives - notamment des conditions équivalant à une assignation à résidence (les militant·e·s étant obligés d’obtenir l’autorisation du tribunal pour quitter leur domicile), et de larges restrictions à l’exercice pacifique de leurs droits.

Depuis que le tribunal pénal de Bangkok a annulé leur libération sous caution le 9 janvier 2023, Sopon « Get » Surariddhidhamrong, technicien en radiologie, et Nutthanit « Bai Por » Duangmusit, étudiante de 2ème année à l’université, sont respectivement détenus au centre de détention provisoire de Bangkok et à l’Institution correctionnelle centrale pour femmes de Bangkok. Les autorités ont affirmé qu’en participant à la manifestation pacifique du 17 novembre 2022 organisée pendant le Sommet de la Coopération économique des pays d’Asie-Pacifique (APEC), Sopon et Nutthanit ont violé les conditions de leur libération sous caution, accordée lors de leur précédente libération temporaire concernant une affaire de lèse-majesté, et qui a donc été révoquée. Tantawan « Tawan » Tuatulanon, étudiante en droit, et Orawan « Bam » Phuphong sont maintenues en détention depuis le 16 janvier 2023. Elles ont protesté contre la décision concernant Sopon and Nutthanit et contre la privation du droit d’être libéré sous caution subie par d’autres militant·e·s actuellement en détention, et ont demandé aux autorités d’annuler leur propre libération sous caution.

Depuis la nuit du 18 janvier 2023, les deux femmes mènent une grève de la faim, refusant également de s’abreuver. Elles demandent aux autorités de réformer la procédure judiciaire et d’abandonner les poursuites contre les personnes ayant exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression, et appellent les partis politiques à s’engager à modifier les lois sur la sécurité invoquées pour emprisonner des militant·e·s. Après avoir perdu connaissance, Tantawan et Orawan sont actuellement hospitalisées, et refusent d’être nourries par perfusion.

Sopon, Nutthanit, Tantawan et Orawan font partie des militant·e·s réformistes contre lesquels les autorités ont engagé des poursuites pénales au seul motif qu’ils avaient exercé leurs droits humains. Ces militant·e·s font l’objet de poursuites et risquent des peines pouvant aller jusqu’à des dizaines d’années d’emprisonnement. En 2022, les autorités ont engagé des poursuites pénales pour « lèse-majesté » en vertu de l’article 112 du Code pénal à l’encontre de Sopon « Get » Surariddhidhamrong pour avoir prononcé des discours évoquant la monarchie lors de manifestations en 2022, et à l’encontre de Nutthanit « Bai Por » Duangmusit, Orawan « Bam » Phuphong et Tantawan « Tawan » Tuatulanon pour avoir sondé l’opinion publique. Tous les quatre font également l’objet de poursuites en raison de leur militantisme sur Facebook. Ils ont été inculpés en vertu de lois protégeant la sécurité nationale, dont les dispositions aux formulations vagues laissent aux autorités une latitude excessive pour interpréter l’exercice pacifique des droits comme des crimes.

Les experts des droits humains de l’ONU ont appelé les autorités à modifier ou abroger cette législation, notamment l’article 116 relatif à la sédition et l’article 112 relatif aux outrages à la monarchie, afin de se conformer à leurs obligations en matière de droits humains. L’annulation de leur liberté sous caution est fondée sur des accusations portées en vertu de l’article 112 du Code pénal.

Sopon et Tantawan ont commencé à militer lors de protestations organisées par des jeunes en 2020, et tous deux se sont portés volontaires pour assurer la sécurité lors de ces manifestations. Sopon a également créé un groupe de mobilisation étudiante en 2020, qui a milité pour les droits des étudiants, contre les disparitions forcées et pour la réforme de la monarchie. C’est la seconde fois que les autorités annulent et refusent le droit à la libération sous caution de Sopon, Nutthanit et Tantawan. En 2022, entre la fin du mois d’avril et le début du mois de mai, les autorités ont incarcéré Sopon - qui à l’époque était dans sa dernière année d’études de radiologie -, au centre de détention provisoire de Bangkok, et Nutthanit à l’Institution correctionnelle centrale pour femmes de Bangkok. Ces trois militant·e·s ont protesté contre la privation officielle de leur droit à la libération sous caution en menant des grèves de la faim prolongées ayant des conséquences sur leur santé. Tantawan a observé une grève de la faim durant l’intégralité de sa détention de 37 jours, Nutthanit pendant 64 des 94 jours durant lesquels elle a été enfermée, et Sopon durant 25 de ses 30 jours de détention.

En 2022, les autorités ont accordé une libération provisoire à Sopon, Nutthanit et Tantawan, à condition de ne pas répéter leurs « infractions » et de ne participer à aucune activité pouvant provoquer des troubles à l’ordre public ou porter atteinte à la monarchie. Tantawan « Tawan » Tuatulanon et Sopon « Get » Surariddhidhamrong étaient également obligés de rester chez eux en permanence, sauf pour se rendre au travail, à l’université ou pour des raisons médicales, et d’obtenir une autorisation du tribunal avant de sortir. Tantawan « Tawan » Tuatulanon devait en outre porter un dispositif de surveillance électronique, tandis que Nutthanit « Bai Por » Duangmusit devait rester dans son lieu de résidence 11 heures par jour.

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