Écrire Argentine. Trois personnes poursuivies en justice pour des publications sur les réseaux sociaux

Argentine. Trois personnes poursuivies en justice pour des publications sur les réseaux sociaux
Nahuel Morandini, Roque Villegas et Lucía González sont poursuivis uniquement pour avoir exprimé des opinions ironiques au sujet d’une personnalité publique sur les réseaux sociaux.

Nahuel Morandini et Roque Villegas ont été incarcérés pendant 54 jours et doivent toujours être jugés pour publication sur X et Facebook, tandis que les accusations pesant sur Lucía González se fondent sur un message qu’elle a publié sur un groupe WhatsApp privé.

Les charges retenues contre eux doivent être abandonnées.

Le 4 janvier 2024, Nahuel Morandini a été arrêté par les autorités de la province de Jujuy dans le contexte d’une enquête pénale découlant d’une plainte déposée par Tulia Snopek, l’épouse de l’ancien gouverneur de la province de Jujuy, Gerardo Morales. La plainte a fait suite à une publication sur le réseau social X (anciennement Twitter) postée par Nahuel Morandini (45 ans, ingénieur et enseignant), faisant référence à son infidélité présumée avec un chanteur. Les autorités de la province de Jujuy ont alors mené une enquête judiciaire au cours de laquelle elles ont ordonné l’arrestation de Roque Villegas, sérigraphiste indépendant de 42 ans, qui a partagé sur Facebook d’autres publications évoquant la même histoire.

L’affaire pénale se fonde sur des blessures psychologiques présumées, exacerbées par une violence fondée sur le genre et l’infraction de « suppression de l’identité » d’un mineur (la fille de Gerardo Morales, âgée de deux ans et demi). S’ils sont déclarés coupables, ils encourent jusqu’à huit ans de prison. En outre, le Conseil provincial des femmes et Gerardo Morales lui-même ont été cités en tant que plaignants dans le cadre de cette affaire.

Un mandat d’arrêt a été décerné à l’encontre de Lucía González en raison d’un commentaire posté sur un groupe WhatsApp sur le même sujet. Ce mandat a récemment été annulé sur décision de la cour à la demande du procureur ; toutefois, l’enquête se poursuit et elle pourrait faire l’objet d’un procès et encourir une peine d’emprisonnement de deux à six ans. Dans le même acte d’inculpation, elle est accusée d’atteinte à l’intégrité mentale.

Tous trois sont inculpés au titre de l’article 139, paragraphe 2, du Code pénal de la Nation qui prévoit une peine de deux à six ans d’emprisonnement pour toute personne qui, par quelque acte que ce soit, rend incertaine, modifie ou supprime l’identité d’un mineur âgé de moins de 10 ans et pour toute personne qui la conserve ou la dissimule. Cette infraction pénale requiert un acte qui rend incertaine, modifie ou supprime l’identité de la personne mineure, et cet acte doit être de nature à modifier l’identité. L’acte est consommé lorsque cette altération d’identité est opérée.

Des commentaires sur un réseau social ou un groupe WhatsApp ne suffisent pas à réaliser une altération d’identité. Nahuel Morandini, Roque Villegas et Lucía González sont inculpés d’une infraction qui n’est pas précisée, délibérément ou non, car les publications sur les réseaux sociaux ou dans les courriels ne sont pas suffisantes pour conduire à la suppression ou l’altération de l’identité. Par ailleurs, aucune de ces publications ne fait référence à l’identité de la fillette. Le même acte d’inculpation comporte le chef d’atteinte à l’intégrité psychologique.

La défense de Nahuel Morandini et Roque Villegas assure que les seules preuves dans ces deux affaires sont les publications sur les réseaux sociaux. Tous deux ont également signalé le traitement inhumain et dégradant auquel ils ont été soumis pendant les premiers jours de leur détention à la prison de Barrio Gorriti, à San Salvador de Jujuy, objet de la plainte déposée auprès du bureau du procureur par le Comité national contre la torture.

Cette investigation et les accusations portées contre ces trois personnes sont très inquiétantes. Elles violent leur droit à la liberté d’expression et peuvent avoir un effet paralysant qui décourage le reste de la population, par peur des représailles.

Amnesty International a déjà exprimé son inquiétude au sujet des violations des droits humains commises dans la province de Jujuy. En juin 2023, cette province a été le théâtre d’une violente répression policière dans le cadre des manifestations qui ont éclaté en réaction à la réforme constitutionnelle approuvée en juin.

Amnesty International a aussi fait état de détentions arbitraires et d’un recours excessif à la force par des agents de l’État, ainsi que d’autres violations des droits à la liberté et à l’intégrité personnelle, et des libertés de réunion pacifique et d’expression. De nombreuses victimes ont choisi de ne pas porter plainte, craignant des poursuites en raison de leur participation aux manifestations.

Parallèlement, Amnesty International a constaté une inaction flagrante de la part des autorités s’agissant d’enquêter sur de possibles atteintes aux droits humains commises par les forces de sécurité durant les manifestations.

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