Le droit à l’avortement en Belgique

LE CADRE LÉGAL EN BELGIQUE

En Belgique, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est partiellement dépénalisée depuis la loi dite loi Lallemand-Michielsen de 1990, autorisant l’avortement jusqu’à 12 semaines de grossesse sous certaines conditions. En 2018, une réforme a déplacé l’avortement hors du Code pénal.

Toutefois, l’IVG n’est pratiquée que sous certaines conditions définies par la loi et reste criminalisée au-delà de 12 semaines, exposant personnes enceintes et soignant·es à des sanctions pénales – sauf en cas de menace grave pour la santé des personnes concerné·e·s ou de malformation du fœtus.

Les conditions définies par la loi sont les suivantes :

  • L’IVG doit être intervenir avant la fin de la 12ème semaine de conception (14 semaines d’aménorrhée autrement dit d’absence de règles) ;
  • Un délai de six jours de réflexion doit être respecté entre la première consultation prévue et le jour de l’IVG. Ce délai ne peut être raccourci sauf s’il existe une raison médicale urgente pour la femme d’avancer l’interruption de grossesse.
  • Informer tout·e bénéficiaire demandant un avortement sur l’adoption et les différentes “possibilités d’accueil” de l’enfant est une obligation légale.

Ces conditions sont cumulatives. Autrement dit, si elles ne sont pas toutes respectées, la·le médecin et la femme ayant eu recours à l’IVG sont susceptibles de faire face à des sanctions pénales, telles qu’un mois à un an de prison et une amende de cinquante à deux cents euros.

Au-delà du délai des 12 semaines de grossesse, l’IVG ne pourra être pratiquée que lorsque la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou lorsqu’il est certain que l’enfant à naître sera atteint d’une affection d’une particulière gravité et reconnue comme incurable au moment du diagnostic. On parle alors d’interruption médicale de grossesse (IMG).

CRIMINALISATION, ENTRAVES ET DISCRIMINATIONS DANS L’ACCÈS À UN AVORTEMENT SÛR ET LÉGAL EN BELGIQUE

Comme précisé ci-dessus, persistent dans la loi des sanctions pénales applicables à l’encontre des femmes et du personnel soignant qui ne respecteraient pas les dispositions légales, telles que le délai limité à 12 semaines post-conception pour accéder à un avortement, la période de reflexion obligatoire de 6 jours entre le premier rendez-vous médical et l’avortement ou encore l’obligation de renseigner la personne qui souhaite avorter sur les possibilités d’accueil de l’enfant à naitre. Les conséquences de cette criminalisation sont délétères pour les droits humains de toute personne susceptible d’être enceinte dans ce pays : la criminalisation de l’avortement ne fait en effet pas disparaître ces actes médicaux, elle les rend juste plus dangereux, portant ainsi atteinte aux droits à la vie et à la santé de milliers de personnes.

De nombreux obstacles et discriminations dans l’accès à un avortement sécurisé en Belgique persisent par ailleurs. Le délai de reflexion obligatoire de 6 jours, le refus de prodiguer des soins (y compris du fait de convictions ou de la clause de conscience) et la pénurie de praticien·nes du soin à l’avortement sont des entraves notables.

Du point de vue des pratiques discriminatoires, elles s’appliquent notamment envers les personnes issues de milieux précarisés et/ou marginalisés. Selon le rapport du comité scientifique de 2023, le délai légal de 12 semaines post-conception entraîne une configuration qui “a pour conséquence une dynamique quasi automatique de voyages vers les Pays-Bas à des fins abortives de femmes belges confrontées à une grossesse non désirée”. Elles étaient 371 obligées de se rendre dans ce pays voisin en 2021. Or, la nécessité d’entamer un voyage afin d’accéder à un avortement après le délai légal entraîne des coûts et obstacles pouvant priver certaines personnes d’un accès aux services en la matière - et touche de manière disproportionnée les personnes issues de milieux précarisés et/ou marginalisés.

La loi actuelle reconnaît par ailleurs le droit des femmes à avorter mais pas celui des hommes et des garçons intersexes, transgenres et non-binaires qui peuvent également avoir une grossesse et avoir besoin d’avorter. Parler des "personnes enceintes" dans la loi permettrait de lutter contre ces discriminations croisées dans l’accès à un avortement sécurisé.

LES DEMANDES D’AMNESTY SUR LE DROIT À L’AVORTEMENT EN BELGIQUE

Amnesty International plaide pour une dépénalisation totale de l’avortement en Belgique. Elle demande également que les obstacles qui entravent l’accès à l’avortement soient supprimés afin de permettre l’accès de toutes les personnes enceintes à des soins de santé de qualité et prodigués dans des conditions sûres, afin de garantir leurs droits et leur autonomie en matière de procréation, afin de garantir l’égalité sociale, économique et entre les genres et afin qu’une réelle équité face à l’avortement existe pour tou·tes sur le territoire national.

Malgré l’engagement pris par la majorité gouvernementale fédérale en 2020 “de continuer les travaux [relatifs au traitement des propositions de loi sur l’avortement pendantes à la Chambre] de manière constructive pour qu’un consensus se dégage entre les partis du gouvernement”, la publication en avril 2023 du rapport du comité scientifique en charge de l’évaluation de la loi et de la pratique de l’avortement en Belgique, ainsi que le soutien intersectoriel pour un assouplissement émanant de la société civile, aucune avancée n’a jusqu’à maintenant eu lieu.

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