CONVENTIONS GÉNÉRALES
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) garantit, entre autres, le droit à la vie (art. 6), la protection contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 7), le droit à la liberté et à la sécurité de la personne (art. 9), ainsi que l’égalité devant la loi (art. 26). Le 1er protocole facultatif se rapportant à ce pacte (1966/76) permet de présenter des plaintes individuelles au Comité des droits de l’homme, qui constitue l’organe de surveillance du pacte. Ses décisions n’ont toutefois pas de conséquences juridiques.
Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (1966) règle ce qu’on appelle la « deuxième génération de droits humains », parmi lesquels on compte les droits économiques tels que le droit de jouir de conditions de travail justes et favorables (art. 7), les droits sociaux tels que la protection des mères, la protection des enfants et des adolescents, le droit à la sécurité sociale, le droit à une nourriture suffisante, le droit au meilleur état de santé (art. 12), le droit à l’éducation (art. 13), etc. Même si ces droits n’ont au premier abord pas de rapport direct avec la violence à l’égard des femmes, ils représentent les conditions essentielles pour empêcher cette violence, celle-ci étant étroitement liée à la discrimination des femmes dans la société.
La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (1984) donne une définition claire de la torture, définition sous laquelle tombent sans doute aucun les formes les plus fréquentes de la violence à l’égard des femmes en état de détention (viol et autres violences sexuelles). Les Etats sont tenus d’empêcher que la torture soit commise (art. 2, 10, 11, 15, 16) et de veiller à ce que ces actes constituent des infractions au regard de leur droit pénal (art. 4 – 8). L’article 13 permet la déposition de plaintes individuelles. Le Comité contre la torture, en sa qualité d’organe de surveillance de cette convention, a pris ces dernières années de nombreuses décisions responsabilisant les Etats pour des actes de torture perpétrés par des acteurs privés et s’est également exprimé en ce qui concerne la violence dans la famille et la traite des femmes.
La Convention relative aux droits de l’enfant (1989) stipule les droits de l’enfant à être encouragé et protégé. Les articles les plus pertinents en relation avec la violence contre les fillettes sont la protection contre toutes formes de discrimination (art. 2), le droit inhérent à la vie et au meilleur développement possible (art. 16), l’interdiction de la violence, de l’exploitation et des abus sexuels dans la famille (art. 19), la protection contre l’exploitation économique (art. 32) ainsi que contre toute forme d’exploitation et de violence sexuelle (art. 34) et contre l’enlèvement, la vente ou la traite d’enfants (art. 35).
Etant donné la vulnérabilité accrue des femmes en quête d’asile, des migrantes et des femmes indigènes à des actes de violence liée au genre, les deux conventions ci-après revêtent une importance particulière :
La Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1965)
La Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990). Elle touche entre autres les droits des migrantes travaillant comme employées domestiques.
CONVENTIONS SPECIFIQUES EN FAVEUR DES FEMMES
La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW, adoptée en 1979 et entrée en vigueur en 1981) est sans aucun doute la convention de droit international la plus importante en matière de droits des femmes. Elle comprend une interdiction générale et absolue de la discrimination ainsi que des dispositions détaillées au sujet de ce que les États signataires doivent entreprendre pour empêcher la discrimination à l’égard des femmes dans la vie politique et publique (2e partie), dans la vie économique, sociale et culturelle (3e partie) et dans le domaine du droit civil y compris le droit matrimonial et le droit de la famille (4e partie).
Néanmoins, un gros problème en relation avec la CEDAW réside dans le grand nombre de réserves formulées par la plupart des États parties, qui rendent impossible l’application complète de la convention.
Par ailleurs, cette convention ne contient pas d’interdiction expresse de la violence contre les femmes dans la famille. En vue de combler cette lacune, le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination envers les femmes, qui est l’organe de surveillance de cette convention, a publié en 1992 sa recommandation générale sur la violence à l’égard des femmes, dans laquelle la violence contre les femmes est clairement décrite et désignée comme une forme de discrimination. Dans cette même recommandation, il est précisé que les gouvernements sont tenus de prendre des mesures étendues pour lutter contre la violence à l’égard des femmes.
En 1999, l’Assemblée générale de l’ONU a adopté un protocole facultatif se rapportant à la convention (en vigueur depuis 2000 et ratifié par 60 États) qui prévoit la possibilité de présenter des plaintes individuelles selon le modèle de la Convention contre la torture.
La Déclaration sur l’élimination de la violence contre les femmes (1993), adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU suite à la conférence des droits humains à Vienne contient elle aussi des précisions relatives à la violence contre les femmes. Elle n’a pas de force contraignante sur le plan juridique, mais n’en a pas moins une forte valeur symbolique. Cette déclaration reconnaît que la violence à l’égard des femmes « traduit des rapports de force historiquement inégaux entre hommes et femmes, lesquels ont abouti à la domination et à la discrimination exercées par les premiers et freiné la promotion des secondes », et qu’elle « compte parmi les principaux mécanismes sociaux auxquels est due la subordination des femmes aux hommes. »
La Rapporteuse spéciale sur la violence à l’égard des femmes nommée dès 1994 par la Commission des droits de l’homme de l’ONU, publie chaque année un rapport détaillé sur la situation dans le monde.
La plate-forme d’action de la Conférence mondiale sur les femmes à Pékin en 1995, nomme des objectifs spécifiques dans un nombre de domaines, dont la violence à l’égard des femmes, la pauvreté, l’éducation, les droits des filles, etc. Ce document n’a pas de force contraignante au niveau du droit international, mais joue pourtant un rôle important en tant que système de référence, entre autres parce qu’il représente un engagement politique et moral pour les États signataires. La mise en œuvre de cette plateforme est soumise à un examen périodique tous les cinq ans aussi bien au niveau des États signataires qu’au niveau de l’ONU.
Il existe également au niveau régional des conventions spécifiques à la protection des femmes contre la violence :
La Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (aussi connue sous le nom de « Convention de Belém do Pará »), adoptée le 6 septembre 1994 par l’Organisation des États américains et entrée en vigueur le 3 mai 1995 est, avec 33 États parties, la convention la plus largement ratifiée au sein du système de protection interaméricain des droits humains.
La convention reconnaît explicitement le droit de la femme à une vie sans violence, tant dans les sphères privée que publique : « Every woman has the right to be free from violence in both the public and private spheres. » Elle oblige les États parties à condamner toutes les formes de violence contre la femme et à adopter par tous les moyens appropriés et sans délai injustifié une politique visant à prévenir, à sanctionner et à éliminer la violence (art. 7) et contient une liste des mesures spécifiques que les États parties doivent adopter graduellement (art. 8) : ils vont de la sensibilisation de la population au sujet de la lutte contre les pratiques qui légitiment la violence contre la femme aux propositions de soutien et de refuge pour les victimes, en passant par des mesures de formation pour les membres des autorités. S’y ajoutent d’autres revendications, comme des directives médiatiques visant à rehausser le respect de la dignité de la femme et la mise à disposition de données et d’évaluations statistiques.
Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique (aussi nommé « Protocole de Maputo ») a été adopté le 11 juillet 2003 par l’Union africaine et est entré en vigueur le 25 novembre 2005. 43 États l’ont signé entre temps. Le document formule, dans un total de 31 articles, des droits spécifiques à la protection des femmes et des filles en Afrique en tenant compte des conditions socioculturelles.
Le Protocole de Maputo stipule entre autres :
— La garantie et la reconnaissance des droits civils, politiques, économiques et culturels pour les femmes — La garantie pour les femmes de tous les droits humains fondamentaux et internationaux reconnus — La protection contre les pratiques traditionnelles dangereuses pour la santé, comme la mutilation génitale féminine — Le droit à la paix et la protection des femmes lors des conflits armés — Le droit à la santé, le droit reproductif et le droit à l’alimentation — L’égalité des droits de territoire et de possession — L’égalité de traitement des femmes et des hommes, une protection juridique égale et un accès égal au droit — La protection des femmes contre l’exploitation et l’avilissement.
— La prise en considération des femmes dans le droit matrimonial, en particulier en ce qui concerne la polygamie, les mariages forcés et précoces et les droits des veuves
La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (aussi nommée Convention d’Istanbul) adoptée le 11 mai 2011 par les 47 pays membres du Conseil de l’Europe, est le premier traité européen s’attachant spécifiquement à lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Elle fixe des normes minimums sur la prévention, la protection, les poursuites judiciaires et l’élaboration de politiques intégrées. Les pays ratifiant le traité sont tenus de protéger et soutenir les victimes de cette violence. Ils doivent par ailleurs proposer des services tels que des numéros téléphoniques d’assistance, des centres d’accueil, et des services de santé, de soutien psychologique et d’aide juridique.
Afin de pénaliser les diverses formes de violences, les États doivent adapter leurs ordres juridiques nationaux à la Convention en introduisant de nouvelles infractions, parmi lesquelles : la violence psychologique et physique, la violence sexuelle et le viol, la persécution, les mutilations génitales féminines, les mariages forcés, l’avortement et la stérilisation forcée. En outre, ils doivent veiller à ce que la culture, les traditions ou l’« honneur » ne soient pas considérés comme des justifications de ces comportements.
Deux organismes sont chargés de contrôler la mise en œuvre de la Convention dans les États : un groupe d’experts indépendants, le GREVIO (le groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique) et une instance politique, le Comité des Parties. En 2019, un rapport alternatif de la coalition "Ensemble contre les violences faites aux femmes", dont fait partie Amnesty, a été rendu au GREVIO pour souligner les manquements des autorités belges.
LES DROITS DES FEMMES DANS LES CONFLITS ARMÉS
Le Statut de Rome sur la création d’une Cour pénale internationale (adopté en 1998 et en vigueur depuis le 1er juillet 2002) établit des normes importantes en ce qui concerne la violence contre les femmes en temps de guerre : les viols systématiques sont considérés comme des génocides (art. 6b), les viols et autres formes de violence sexuelle sont reconnus comme des crimes contre l’humanité (art. 7.1.g-1 et 6) ou comme des crimes de guerre (art. 8.2.b.xxii-1).
La résolution 1325 du Conseil de Sécurité de l’ONU (2000) analyse le rôle de la femme dans les conflits armés et les dimensions sexo-spécifiques des conflits violents et des processus de paix. Elle encourage l’inclusion des femmes à tous les niveaux de la prise de décisions en ce qui concerne la résolution des conflits et la promotion de la paix.
La résolution 1820 du Conseil de sécurité de l’ONU (2008) traite spécialement de la violence sexuelle contre les femmes lors de conflits armés. Elle exige la lutte contre l’impunité de la violence sexuelle en contexte de guerre. Selon cette résolution, la violence sexuelle peut constituer un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un élément constitutif du crime de génocide. La résolution exige des Etats qu’ils excluent les délits de violence sexuelle des mesures d’amnistie dans les traités de paix et que la violence sexuelle soit poursuivie en tant que délit. D’autres thèmes figurant dans la résolution sont la formation et le contrôle des forces de sécurité, ainsi qu’une politique de tolérance zéro concernant les engagements de l’ONU sur le maintien de la paix.
La résolution 1888 du Conseil de sécurité de l’ONU (2009) confirme une fois de plus les deux résolutions mentionnées ci-dessus et exige la mise en œuvre de mesures concrètes de toutes les parties aux conflits armés.
LA TRAITE DES FEMMES
Au début du 20e siècle déjà, quatre accords portant sur la lutte contre la traite d’êtres humains, en particulier la traite des femmes et des filles, ont été négociés au plan international.
Après la Deuxième guerre mondiale, la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui (1951) est un accord controversé, qui englobe aussi la prostitution volontaire.
Le Protocole additionnel à la Convention de l’ONU contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants – dit Protocole de Palerme – (2000, en vigueur depuis 2003) est le premier à fournir une définition acceptable pour les États et les ONG. C’est le seul instrument juridique contraignant universel de lutte contre la traite des êtres humains. Assimilant la traite au crime organisé, il astreint les États à entreprendre toutes les démarches nécessaires en vue de prévenir et d’enquêter sur le trafic d’êtres humains, d’en punir les auteurs et d’en protéger les victimes. Il insiste sur l’importance de la coopération internationale en matière de poursuite et de répression. Le protocole définit la traite comme « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte » aux fins d’exploitation.
La Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (2005, en vigueur depuis 2008) reprend la définition internationale du Protocole de Palerme, en mettant cependant l’accent sur la protection et les droits des victimes. Elle exige, de la part des États signataires, la mise en œuvre de mesures de protection. Ainsi, le droit à la protection et à l’assistance ne doit pas dépendre du témoignage des victimes lors d’une procédure pénale. Les autorités sont tenues de coopérer avec les ONG et les services spécialisés. Par ailleurs, les victimes ne doivent pas être renvoyées tant que l’examen de leur statut est en cours. La Convention prévoit aussi le développement de la formation des professionnels (justice, police) et le renforcement des moyens de prévention (sensibilisation de l’opinion publique). Le Conseil de l’Europe s’est doté d’un organe conventionnel, le GRETA, qui a pour mission de veiller à la bonne application de cet instrument juridique.
L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a également voté un Plan d’action contre la traite d’êtres humains, qui préconise notamment que soient instaurées, dans les pays d’arrivée et en tant que mesures de prévention, des possibilités légales de travail pour les personnes provenant des pays situés en dehors de l’UE. Et aussi des mesures assurant la protection des victimes et de leurs familles, la mise à disposition de services de consultation juridiques pour les victimes, ainsi que la décriminalisation, la formation et la professionnalisation des services de police, de justice et de migration.
Le Rapporteur spécial sur la traite des personnes, en particulier les femmes et les enfants créé en 2004, a notamment la charge de se saisir des situations de violation des droits humains dans le cadre de la traite, d’entreprendre des visites de terrain pour expertiser la manière dont les États luttent contre la traite, et de présenter au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies des rapports annuels assortis de recommandations.
Le Rapporteur spécial pour les formes contemporaines d’esclavage créé en 2007, a pour fonction d’examiner toutes les formes contemporaines d’esclavage, y compris la prostitution forcée, demander aux gouvernements et à tous les acteurs concernés des informations, protéger les droits des victimes de l’esclavage et recommander des initiatives au niveau national, régional et international.