Le sondage d’Amnesty et de SOS Viol publié en 2020 a révélé que 41% des personnes ayant subi au moins l’une des formes de violence sexuelle proposées (allant du harcèlement sexiste verbal au viol) en ont parlé à la police. 31% des hommes se jugent satisfaits de cette démarche, contre 14% des femmes. De manière générale, 69 % des répondant·e·s pensent que l’accueil des victimes à la police n’est pas optimal et qu’il pouvait constituer un frein pour les victimes.
Qu’est-ce qui peut expliquer cette perception négative de l’accueil à la police, et comment l’améliorer ?
Le dépôt de plainte
Une personne qui a été victime de viol peut déposer plainte au commissariat de police de sa commune ou de la commune où s’est déroulée l’agression, mais également par courrier au Parquet du procureur du Roi. Les policier·ère·s ont l’obligation de prendre les plaintes de personnes qui se présentent à eux·elles. Une enquête de Vie féminine sur l’accueil par la police des femmes victimes de violence soulève néanmoins qu’il arrive encore que des agent·e·s refusent d’enregistrer des plaintes en cas de viol conjugal, car ils·elles banalisent les faits ou ne considèrent pas que le viol soit possible au sein d’un couple.
Il faut savoir également que le Set d’Agression Sexuelle (SAS), l’outil qui permet de collecter les preuves matérielles (preuves d’ADN, coups et blessures, traces etc.) en cas de viol, ne peut être réalisé que si une plainte a été déposée à la police (exception faite dans les Centres de prise en charge des violences sexuelles). Le SAS est très important pour attester des faits si la personne souhaite porter plainte. Il est nécessaire qu’il soit effectué le plus rapidement possible après l’agression, idéalement dans les 24h.
- Les infrastructures de police
Une fois au commissariat, la victime doit se présenter à l’accueil et expliquer oralement les motifs de sa venue. Cela peut parfois être inconfortable, les salles d’attente des commissariats étant souvent très fréquentées. Les locaux des bureaux de police doivent être adaptés pour accueillir des personnes qui doivent raconter un moment de leur vie qui a souvent été traumatisant. La personne qui raconte son agression peut sinon être perturbée par les bruits alentours et les va-et-vient d’autres agent·e·s. Certains commissariats sont plus adaptés que d’autres pour recevoir des victimes et disposent d’une pièce isolée et plus confortable.
- Le discours des agent·e·s de police
La victimisation secondaire désigne l’ensemble de ces réactions négatives que peut subir la victime d’une agression de la part des personnes à qui elle se confie et demande de l’aide. Cela peut signifier ne pas croire la victime, minimiser son traumatisme, lui attribuer une responsabilité dans les faits, la médicamenter etc. Ces réactions ne visent pas toujours à blesser la victime, mais peuvent avoir de graves compétences pour cette dernière.
Les agent·e·s de police peuvent se rendre responsable de victimisation secondaire. Ils·elles ne formulent pas toujours certaines questions de la manière la plus adéquate et peuvent avoir des réactions stéréotypées, ce qui peut faire sentir à la victime qu’elle est en partie responsable du drame qu’elle a vécu. Un exemple : les policier·e·s ont souvent l’habitude de poser des questions fermées, telles qu’« à quelle heure les faits ont-il eu lieu ? » ; « avez-vous vu la plaque d’immatriculation ? » ; « comment étiez-vous habillée ? », etc. Ces questions, qui peuvent paraître intéressantes à l’inspecteur·trice pour retrouver l’auteur·e (l’habillement de la victime pouvant aider à identifier une scène sur une caméra de surveillance) peuvent en fait décontenancer la victime, lui faire revivre le traumatisme vécu, la faire culpabiliser de ne pas avoir retenu assez de détails, lui faire penser qu’elle était pour quelque chose dans ce qui lui est arrivé et la bloquer dans la reconstruction des faits.
La formation est cruciale pour éviter cet écueil. La formation de base dans les écoles de police doit être renforcée, seule une poignée d’heures étant aujourd’hui consacrée à la prise en charge de victimes de viol. Par ailleurs, chaque commissariat doit pouvoir disposer d’inspecteur·rices spécialisé·e·s sur cette problématique.
Voir aussi : “L’après-viol” ou le parcours d’une victime en Belgique francophone
- Le Service d’assistance policière aux victimes
Un Service d’assistance policière aux victimes (SAPV) existe au sein de chaque zone de police. Composé de criminologues, psychologues, victimologues et d’assistant·e·s sociaux·ales spécialement formé·e·s pour l’accueil des victimes, leur principale mission est d’abord de former les policiers et policières. Néanmoins, il est possible de leur demander soutien et guidage vers des services d’assistance sociale, psychologique ou juridique aux victimes.
Une solution adéquate : Les Centres de prise en charge des violences sexuelles
Une victime souhaitant porter plainte peut également se rendre dans un Centre de prise en charge des violences sexuelles. Elle peut y recevoir une aide médicale (établissement d’un certificat attestant des violences subies et réalisation du Set d’Agression Sexuelle pour retrouver des traces matérielles des faits), psychologique et juridique, mais peut également décider de porter plainte sur place. Des agents de police spécialisés (inspecteur·rice·s mœurs) travaillent en effet en permanence au CPVS. La victime n’a ainsi pas besoin de se déplacer au commissariat, et la plainte peut être déposée directement au centre. Le rythme des victimes est respecté et le temps nécessaire leur est consacré.
L’accès à la justice en cas de violence sexuelle est un droit garanti tant par le droit belge que par des textes internationaux comme la Convention d’Istanbul. Il est tout à fait légitime de souhaiter disposer des meilleures conditions possibles.
Le fonctionnement des CPVS a fait ses preuves ; près de 68% des victimes de violences sexuelles ont déposé plainte contre 10% environ hors de ces centres. Trois CPVS existent actuellement sur le territoire belge (Bruxelles, Liège, Gand). Ils sont ouverts 24h/24 et 7j/7.
Voir aussi : Les recommandations d’Amnesty et de SOS Viol