Le viol doit être considéré comme une violation grave de l’intégrité physique et psychologique. Il nécessite une approche vigoureuse, efficace et coordonnée de la part des pouvoirs publics compétents (aux niveaux fédéral, communautaire et régional).
En 2014, Amnesty International, soutenue par SOS VIOL pour la plupart des recommandations reprises dans la liste ci-jointe, ont demandé que les autorités compétentes s’engagent à :
Les ressources
– Mettre à disposition, structurellement, des moyens financiers suffisants en matière de lutte contre les violences sexuelles afin de pouvoir assurer de façon optimale et pérenne la prévention et la prise en charge des victimes et des auteurs.
Un travail en réseau
– Optimiser la coordination du travail en matière de violences sexuelles, tant entre les instances politiques, qu’avec les associations de la société civile et les instances judiciaires. Une vision globale de la situation, ainsi qu’un travail mené en toute cohérence, sont essentiels.
Le recensement statistique
– Enregistrer selon le sexe de la victime le nombre de faits de viols enregistrés au niveau national belge par année. Il apparaît indispensable de pouvoir quantifier les cas de viols commis sur des femmes afin de mettre en exergue la spécificité de cette forme de violence, en ce qu’elle affecte particulièrement des femmes, et de pouvoir lutter plus efficacement contre elle. Une telle collecte des données permettrait à la Belgique de se mettre en conformité avec les recommandations de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
La sensibilisation
– Mener, régulièrement, des campagnes de sensibilisation en matière de violences sexuelles à l’attention du grand public. La problématique, mais aussi les services et outils disponibles pour les victimes, doivent être davantage connus.
L’accueil et la prise en charge des victimes
– Évaluer l’opportunité de créer un numéro unique destiné à l’accueil et à l’orientation des victimes de violences sexuelles.
– Assurer l’accompagnement des victimes du début à la fin de la procédure judiciaire.
– Rendre effective l’obligation faite aux policiers de recevoir les plaintes. Ceux-ci ne peuvent refuser de dresser des procès-verbaux ou encore dissuader des victimes de porter plainte.
– Rendre effective l’obligation d’informer toute personne qui dépose une plainte auprès des services de police de la possibilité de se constituer partie lésée afin de pouvoir bénéficier des droits attachés à ce statut.
– Améliorer les conditions d’audition des victimes. Cela devrait passer par le fait de mener ces auditions dans une pièce séparée du reste du commissariat, par l’utilisation d’un protocole uniformisé, mais aussi par l’amélioration du recueil des premières informations déposées et notamment via le recours à l’enregistrement vidéo des auditions (afin, par exemple, d’éviter à la personne de devoir raconter son agression sexuelle à plusieurs reprises).
– Constituer un réseau de policiers spécialisés en matière de violences sexuelles, sur base volontaire, chargés des enquêtes en lien avec la thématique. Un tel réseau devrait être en mesure d’assurer une permanence 24h/24 et d’offrir une prise en charge spécialisée et optimale des victimes venant déposer plainte.
– Assurer une formation initiale et continue appropriée à tous les professionnels susceptibles d’être en contact avec des victimes de violences sexuelles (policiers, travailleurs médico-sociaux, professionnels de la justice, etc.). Le niveau de cette formation doit être adapté au type de contacts que le professionnel pourrait être amené à avoir avec ces victimes, et doit lui permettre d’être en mesure de saisir les besoins de celles-ci, et d’y répondre avec respect, tact, professionnalisme et de façon non discriminatoire. En fonction des professions, il peut donc s’agir de formations de base, de formations à l’utilisation du « Set d’Agression Sexuelle » à destination des professionnels de la santé, etc. Attention, ces formations doivent tenir compte du ressenti des professionnels concernés afin de les préserver émotionnellement.
– Formaliser et diffuser auprès des médecins un certificat médical type en matière de violences sexuelles.
– S’assurer que l’ensemble des examens médicaux résultant d’un viol soit gratuit.
– S’assurer que la possibilité de se soumettre au « Set d’Agression Sexuelle » (SAS) est systématiquement proposée par la police à la victime, si celle-ci se trouve dans les délais nécessaires à cet examen médical.
– La pratique du « Set d’Agression Sexuelle » (SAS) doit pouvoir se faire indépendamment d’un dépôt de plainte afin de permettre à la victime de conserver et de préserver d’éventuelles preuves matérielles en cas de procédure judiciaire ultérieure. Attention, la victime doit également, dans tous les cas et avant que le SAS ne soit pratiqué, être informée du fait que le SAS peut ne pas être analysé (sur décision du procureur du Roi, dans le cadre d’une information, ou du juge d’instruction, dans le cadre d’une instruction). Dans un tel cas, la victime devrait alors se voir expliquer pourquoi l’analyse n’a pas eu lieu. Il ne convient pas ici de dissuader la victime de se livrer au SAS, mais bien de l’informer de façon adéquate des suites de cet examen souvent difficile à vivre.
– De façon plus générale, Amnesty regrette que les résultats de ces tests ne soient pas davantage utilisés. 2/3 des échantillons ADN ne seraient pas étudiés. Amnesty International aimerait donc voir une plus large utilisation de ces données.
Suivi judiciaire
– Assurer un meilleur suivi judiciaire des plaintes pour viol, sachant qu’aujourd’hui, seule une petite minorité des plaintes déposées aboutissent à une condamnation judiciaire, ce qui est inférieur à la moyenne européenne en la matière. Des recherches qualitatives et quantitatives sur cet état de fait devraient permettre aux décideurs politiques de prendre les mesures nécessaires afin de lutter contre l’impunité des auteurs de viols.
En ce qui concerne l’Education à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS)
Amnesty International, accompagnée d’associations partenaires, demande aux autorités en charge de cette matière de poursuivre les efforts visant à la généralisation de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle sur le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Amnesty demande la mise en œuvre effective du protocole d’accord (protocole d’accord entre la Communauté française, la Région wallonne et la Commission Communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale, relatif à la généralisation de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) en milieu scolaire) adopté le 20 juin 2013 et son évaluation régulière par l’ensemble des parties concernées. Ce protocole précise le contenu de l’EVRAS en milieu scolaire, apporte une garantie d’égalité de traitement des élèves en la matière, et permet d’améliorer la cohérence des actions de terrain. Il précise également les objectifs de l’EVRAS ainsi que les thèmes qu’il est recommander d’aborder dans ce cadre.
Et la pétition contre le viol ?
En mars 2014, nous avions lancé une pétition contre le viol en Belgique reprenant les principaux éléments de nos recommandations. Près de 23.000 signatures récoltées ont été remise au Premier ministre Charles Michel le 24 novembre 2014.
Lors de cette rencontre, nous avons pu présenter au Premier nos principales demandes à l’égard du fédéral : nommer une personne de référence sur la question des violences sexuelles, qui doit être une priorité et doit recevoir les budgets adéquats, et tout mettre en œuvre pour travailler en concertation avec les entités régionales. Charles Michel a tenu à remercier Amnesty International pour son engagement dans cette cause qui lui tient « particulièrement à cœur ». La confirmation nous a été donnée qu’une personne de référence en matière de lutte contre les violences sexuelles était déjà nommée au sein de son cabinet.
De plus, Amnesty International se réjouit que la déclaration gouvernementale mentionne explicitement que « le gouvernement ratifiera la Convention d’Istanbul du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Il s’attaquera en priorité au viol et à la violence entre partenaires ».
Mais si on peut se réjouir que la déclaration gouvernementale fasse explicitement référence à cette problématique, il faut néanmoins rester attentif à ce que des mesures concrètes suivent et qu’un budget adéquat y soit consacré. Il faut également veiller à ce qu’il y ait une bonne coopération entre les différents gouvernements, fédéral, régional et communautaire.