Élections- Le profilage ethnique

Le profilage ethnique est "l’utilisation par la police, sans justification objective et raisonnable, de critères tels que la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l’origine nationale ou ethnique dans des activités de contrôle, de surveillance ou d’enquête" [1]. Il s’agit d’une forme de discrimination interdite par le droit international et la loi anti-discrimination belge. Il existe plusieurs raisons de s’inquiéter du profilage ethnique en Belgique.

Plusieurs études décrivent les nombreuses expériences des personnes victimes de profilage ethnique en Belgique et l’impact de cette pratique sur les individus, les groupes minoritaires et la police elle-même[2]. Cette pratique a des conséquences négatives et cumulatives :

  • Pour les individus, elle peut conduire à des expériences effrayantes, humiliantes ou même traumatisantes[3], surtout si l’on tient compte du fait qu’une personne peut être confrontée au profilage ethnique sur une base régulière et dans la vie de tous les jours[4].
  • Elle favorise la stigmatisation des minorités ethniques et l’existence de préjugés nuisibles en raison du renforcement d’associations stéréotypées trompeuses entre la commission d’un crime et l’appartenance ethnique[5].
  • Elle réduit l’efficacité de la police et sape sa capacité à résoudre les crimes, à prendre des mesures préventives et à assurer la sécurité générale[6].

A l’occasion d’une étude qualitative d’Amnesty International[7], les forces de police elles-mêmes ont confirmé que le profilage ethnique existe et que le cadre censé orienter la prise de décision par les agents de police est insuffisant.

En avril 2021, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a adressé ses recommandations à la Belgique[8]. Il a dénoncé l’absence d’interdiction légale explicite du profilage ethnique et s’est inquiété de l’absence de collecte de données désagrégées sur les contrôles et sur les personnes ciblées par les contrôles d’identité et les victimes du profilage ethnique. Il a également insisté sur l’utilisation de formulaires d’interpellation dans lesquels l’agent doit expliquer les "motifs raisonnables" sur la base desquels une personne est contrôlée et les informations sur les recours légaux pour les personnes contrôlées. En outre, le CERD souligne la nécessité de mettre en place un mécanisme de plainte indépendant pour les victimes de profilage ethnique[9]. Enfin, il appelle à la mise en place de programmes de formation plus élaborés et de meilleure qualité pour les agents de police, axés sur le profilage ethnique et la lutte contre la discrimination structurelle.

Une évolution positive peut être soulignée car certaines forces de police locales procèdent à des expériences de terrain sur l’enregistrement des contrôles d’identité[10]. En juillet 2021, un projet de loi visant à répondre à certaines de ces préoccupations a été déposé au parlement fédéral. Il propose d’inclure une interdiction générale de la discrimination dans la loi sur la police et d’introduire une obligation d’enregistrement et de justification pour les contrôles d’identité. Amnesty International salue cette initiative. Toutefois, un travail législatif supplémentaire sera nécessaire pour créer un cadre législatif pour la collecte et le suivi des données liées à l’appartenance ethnique.

L’adoption du plan d’action fédéral contre le racisme en juillet 2022 constitue un autre pas dans la bonne direction[11]. Ce plan contient plus de 70 mesures, dont certaines visent directement le profilage ethnique[12].

Recommandations d’Amnesty International à propos du profilage ethnique

  • Reconnaître le profilage ethnique et créer un cadre juridique pour le prévenir

La loi sur la fonction de police devrait contenir une interdiction explicite de la discrimination directe et indirecte ainsi qu’une interdiction explicite du profilage ethnique.
Des mesures politiques et pratiques devraient également être prises pour lutter contre le profilage ethnique, notamment des lignes directrices sur la manière, le moment et les raisons pour lesquelles les agents de police procèdent à des contrôles d’identité. Cela réduirait le risque d’application arbitraire et discriminatoire.

  • Garantir la responsabilité et la transparence en enregistrant les contrôles

La collecte et le suivi de données anonymes sur les contrôles de police (date, lieu, heure, autorité, motif du contrôle et résultat) sont essentiels. Un cadre législatif est nécessaire pour assurer la collecte de données ethniques. De telles mesures et l’utilisation de "formulaires d’interpellation" permettraient aux personnes contrôlées de disposer de recours juridiques pour déposer des plaintes si nécessaire.
L’introduction d’un système obligatoire d’enregistrement et de justification conduirait à une plus grande légitimité et garantirait que des statistiques soient disponibles, ce qui permettrait de dresser un tableau des contrôles d’identité effectués par la police et des résultats qui en découlent. La numérisation de ces données permettrait également aux victimes potentielles de prouver qu’elles ont bien été victimes de discrimination. Cela faciliterait la mise en place de politiques davantage axées sur la réalité. Les données ethniques ont ici une importance centrale : sans ce type de données, il est impossible d’identifier précisément le profilage ethnique et de prouver son caractère structurel.

Pour cette raison, Amnesty International accueille favorablement la mesure du Plan d’action fédéral contre le racisme visant à réaliser une étude de faisabilité au niveau fédéral sur la possibilité de numériser l’enregistrement des contrôles d’identité afin de faciliter la recherche, les données et les statistiques.

  • Protéger le droit des citoyen·nes à documenter les actions de la police

Nous demandons que les agents de police veillent à ce que les citoyen·nes puissent filmer les actions de la police. Il est essentiel que des personnes puissent documenter les mauvais traitements et la discrimination dans les actions de la police et en recueillir les preuves. Filmer ou photographier est un moyen important pour les citoyen·nes susceptibles de demander des comptes à la police ou de présenter leur version des faits. La police belge utilise de plus en plus des bodycams, des caméras portatives que les policiers portent sur leur corps et qui enregistrent les interactions avec les citoyen·nes.. Lorsque des caméras portatives sont utilisées, elles doivent l’être dans un cadre qui garantit l’accès et la transparence des images.

  • Faciliter des mécanismes de plainte accessibles, indépendants et efficaces

Pour Amnesty International, les plaintes concernant le profilage ethnique doivent être enregistrées et faire l’objet d’une enquête par un organisme indépendant, extérieur à la police, avec un suivi adéquat et des mises à jour pour le•la plaignant·e. Les citoyen·nes devraient pouvoir se plaindre facilement en cas de discrimination ou de mauvais traitement de la part des forces de police. Les informations sur le lieu et la manière de procéder doivent être publiques, facilement accessibles et transparentes. Les plaintes doivent faire l’objet d’un suivi afin de garantir l’intégrité et la légitimité du mécanisme et d’en tirer des enseignements pour améliorer les pratiques générales.

  • Améliorer les relations entre la police et les communautés

Nous appelons à un dialogue constructif et significatif entre la police, les minorités ethniques et les agents de liaison dans le cadre de la police de proximité. Il est essentiel d’améliorer les normes de comportement des agents de police et l’approche globale de la police à l’égard des différentes communautés. Une attention particulière devrait être accordée à cet aspect dès le début du processus de formation dans la police. De nombreuses personnes se plaignent de la manière irrespectueuse et non professionnelle dont la police les traite. Celle-ci devrait appliquer strictement le code déontologique, éviter les attitudes hostiles, agressives ou provocatrices, et expliquer pourquoi elle contrôle quelqu’un et quelle procédure elle suit.


[1] (2007) Recommandation politique n°11 de l’ECRI : la lutte contre le racisme et la discrimination raciale dans les activités de la police, para. 1, https:// www.coe.int/en/web/european-commission-against-racism-and-intolerance/recommendation-no.11 ; Voir aussi CERD. (24 novembre 2020). Observation générale n° 36, Prévenir et combattre le profilage racial par les responsables de l’application des lois, paras. 13-20, CERD/C/GC/36, https://undocs.org/en/ CERD/C/GC/36.
[2] Voir, par exemple Amnesty International Belgique (mai 2018) : "’On ne sait jamais, avec des gens comme vous’ : politiques policières visant à prévenir le profilage ethnique en Belgique", https://www.amnesty.be/IMG/pdf/rapport_profilage_ethnique.pdf et Ligue des droits humains (2017) : “Contrôler et punir : étude sur le profilage ethnique”, https://www.liguedh.be/wp-content/uploads/2017/03/rapport_profilage_ethnique_ldh.pdf.
[3] Voir, par exemple FRA (2010), “Pour des pratiques de police plus efficaces. Guide pour comprendre et prévenir le profilage ethnique discriminatoire”, https://fra.europa.eu/sites/default/files/fra_uploads/1133-Guide-ethnic-profiling_FR.pdf
[4] CERD, 24 novembre 2020,” Recommandation générale no 36 sur la prévention et l’élimination du recours au profilage racial par les représentants de la loi”, paragraphe 26,, https://www.ohchr.org/fr/documents/general-comments-and-recommendations/general-recommendation-no-36-2020-preventing-and.
[5] Idem., paragraphe 30.
[6] Voir, par exemple, Amnesty International Pays-Bas (2013), Proactief politieoptreden leidt tot discriminatie in Nederland, p. 11 ,https://www.amnesty.nl/actueel/proactief-politieoptreden-leidt-tot-discriminatie-in-nederland.
[7] Amnesty International Belgique (mai 2018). "’On ne sait jamais, avec des gens comme vous’ : politiques policières visant à prévenir le profilage ethnique en Belgique", https://www.amnesty.be/IMG/pdf/rapport_profilage_ethnique.pdf
[8] CERD, 2021, “Observations finales concernant le rapport de la Belgique valant vingtième à vingt-deuxième rapports périodiques”, https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G21/111/86/PDF/G2111186.pdf?OpenElement
[9] Idem.
[10] Knack, 10 juillet 2017, “Politiezone Mechelen-Willebroek registreert voortaan elke ID-controle tegen etnisch profileren”, https:// www.knack.be/nieuws/belgie/politiezone-mechelen-willebroek-registreert-voortaan-elke-id-controle-tegen-etnisch-profileren/articlenormal-876467.html.
[11] Mesures fédérales plan d’action national contre le racisme 2021-2024”, https://equal.belgium.be/sites/default/files/actieplannen/1287310327_1657904935134.pdf
[12] Par exemple : "63. Développement de la directive de la police sur le profilage professionnel" ; "64. Étude de la faisabilité de la digitalisation de l’enregistrement des contrôles d’identité" ou "66. “Rendre le système de plaintes plus accessible et plus efficace et sanctionner les abus".

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