La Déclaration universelle des droits de l’homme , adoptée par toutes les États membres de l’Organisation des Nations-unies en 1948, reconnaît à chaque individu le droit à la vie et stipule que "nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou des traitements cruels, inhumains ou dégradants ".
Amnesty International considère que la peine de mort viole ces droits.
Depuis cette Déclaration, les normes internationales relatives aux droits de l’être humain n’ont cessé de restreindre le champ d’application de la peine capitale car de nombreux arguments en démontrent l’inutilité, voire la nuisance..
Si un seul des arguments exposés ci-dessous vous paraît justifié, alors demandez la suspension des exécutions pour prendre le temps d’approfondir votre réflexion....
L’ARGUMENT SECURITAIRE
La peine de mort est parfois présentée comme le seul moyen efficace et approprié de prévenir et réprimer la criminalité, mais la sécurité d’une communauté dépend fondamentalement de la politique menée par ses responsables. Un taux de criminalité élevé est un problème de société dont l’histoire montre qu’il n’a jamais été résolu par la violence étatique. Comme le montre la suite du présent document, la peine de mort n’est pas un instrument de dissuasion plus efficace que des châtiments non violents.
La régression de la violence étatique n’engendre pas automatiquement un accroissement de l’insécurité dans la société. A titre d’exemple l’apparition du sursis à l’emprisonnement pour les délinquants primaires à la fin du XIX siècle s’est immédiatement traduite par une diminution de la criminalité dans les pays qui avaient adoptés ce principe. Après l’abolition de la peine de mort, en France le nombre de crimes de sang n’a pas augmenté, au Canada il a même diminué.
L’ARGUMENT DE LA DISSUASION
L’argument le plus fréquemment invoqué en faveur de la peine de mort est celui de la dissuasion. Or il est historiquement acquis que le fait de rouer, brûler, tenailler, écarteler, pendre, décapiter, électrocuter ou empoisonner les coupables de " crimes atroces " n’empêche pas la commission de crimes horribles.
D’aucuns croient qu’il faut exécuter un accusé pour dissuader d’autres personnes de commettre un crime semblable, mais l’argument de la dissuasion n’est corroboré ni par les faits ni par les nombreuses études menées dans différents pays à l’aide de diverses méthodologies : il n’y a pas plus de crimes commis dans les pays abolitionnistes que dans les pays procédant à des exécutions. Dans certains pays l’abolition a été suivie d’une diminution du nombre d’homicides. En réalité, la meilleure dissuasion se trouve dans la crainte de l’arrestation et de la condamnation pour les criminels lucides. L’hypothèse de la dissuasion pour fonder une politique de peine de mort est donc totalement futile.
L’ARGUMENT DU CHATIMENT
Contrairement aux arguments de la dissuasion et de la sécurité, celui du châtiment repose sur l’idée que certains délinquants doivent être exécutés, non pas dans le cadre d’une lutte contre la criminalité, mais parce que la justice l’exige. L’exécution est considérée comme la rétribution d’une mauvaise action : en tuant le délinquant, la société manifeste sa réprobation pour le crime commis. Mais réclamer la mort pour faire justice se heurte à l’injustice et à l’arbitraire qui entourent en pratique cette peine (voir plus loin). Si les codes pénaux actuels n’autorisent pas à incendier la maison de l’incendiaire, à violer le violeur ou à torturer le tortionnaire, ce n’est pas parce qu’ils tolèrent les délits commis. C’est parce que les sociétés comprennent qu’elles doivent être bâties sur des valeurs différentes de celles qu’elles condamnent.
LA DÉFENSE DE LA SOCIÉTÉ
La peine capitale serait un acte de légitime défense de la société. Mais lorsqu’un délinquant, même dangereux, est arrêté, la société n’est pas face à une menace de mort immédiate, et l’exécution n’est que le meurtre prémédité d’un prisonnier que l’on aurait tout aussi bien pu traiter avec des moyens moins radicaux. Autrement dit une exécution capitale pour punir un crime est fondamentalement un assassinat étatique, perpétré par une hiérarchie de fonctionnaires plus ou moins convaincus.
En outre, la peine de mort est la négation de la justice qui dans une société moderne a pour rôle de réguler les conflits entre individus en remplaçant la vengeance d’un crime souvent aveugle et qui, appliquée par des particuliers ne peut qu’être expéditive, par une punition adaptée ayant théoriquement pour but de ramener le délinquant au droit chemin, c’est à dire à un comportement conforme aux valeurs de la Société.
Là où la peine de mort est appliquée, l’administration pénitentiaire n’a pas les moyens de resocialiser les délinquants pour éviter les récidives. Est-il juste de tuer les délinquants parce que la société civile n’a cure de les réintégrer à l’issue de leur peine ?
LA PEINE DE MORT EST INJUSTE ET ARBITRAIRE
La peine de mort n’est pas partout encourue. Dans certains pays, quelques infractions sont spécialement sanctionnées par la peine de mort alors qu’ailleurs elles ne le sont pas. De nombreuses circonstances sont suceptibles d’influencer le verdict de mort : composition des jurys, opinion exprimée du procureur quant à la peine de mort, professionnalisme ou inexpérience des avocats (souvent commis d’office), période de relâchement ou d’exacerbation du sentiment d’insécurité (dépendant lui-même des conditions socio-économiques et culturelles du pays concerné), existence ou non de voies de recours, du droit régalien de grâce, etc.
LA PEINE DE MORT EST DISCRIMINATOIRE
La peine de mort ne fournit ni protection, ni avantage exceptionnel à la société. Elle est appliquée par des systèmes judiciaires sujets à l’erreur humaine et aux préjugés. La justice n’est donc pas servie, elle est pervertie. La peine de mort tend à être infligée, le plus souvent, aux membres les plus vulnérables de la société : les pauvres, les malades mentaux, les incultes, les analphabètes, les minorités raciales, religieuses ou ethniques. Partout dans le monde elle frappe de façon disproportionnée les classes les plus défavorisées, celles qui sont le moins aptes à se défendre par manque de connaissance et d’argent.
LA PEINE DE MORT EST UNE DÉCISION IRRÉVERSIBLE
Tout système de droit pénal est exposé à la discrimination et à l’erreur. Le châtiment irréversible que représente la peine de mort prive non seulement l’innocent du droit d’obtenir une réparation légale pour une condamnation injustifiée, mais aussi le système judiciaire de réparer ses erreurs. Et c’est bien le caractère irréversible de la peine de mort, qui rend ce châtiment si attirant pour certains États tentés d’en faire un instrument de répression.
LE COUT FINANCIER
Le coût financier est un faux débat, la vie d’un homme n’a pas de prix.
L’OPINION PUBLIQUE
L’opinion publique est versatile. Elle dépend beaucoup de la présentation d’un crime par les médias, qui souvent portent un jugement définitif bien avant le verdict des jurés. En 1907, à la suite du meurtre d’une petite fille, le Petit Parisien lance ce qu’il appelle un " référendum ", presque 77% des personnes qui ont répondu sont pour l’application de la peine de mort. En mai 1969 avec l’arrivée de Georges Pompidou, 58% des français sont contre la peine de mort, 39% sont pour, 9% sont sans opinion. En novembre 1972, le procès de Buffet et Bontems inverse l’opinion des français : 53% sont pour la peine de mort, 39% sont contre, 8% sont sans opinion.
La peine de mort pour tous les délits a été abolie en France, par la loi n°81-908 du 9 octobre 1981 par un vote à large majorité devant les deux assemblées (74% à l’Assemblée nationale, 53% au Sénat). Trois ans plus tard les français favorables à l’abolition sont légèrement plus nombreux que ceux qui la regrettent : 49% contre 46 selon l’IFRES. Aujourd’hui selon l’IFOP 54% des personnes interrogées déclarent ne pas souhaiter le rétablissement de la peine de mort.
Il est de la responsabilité et de l’honneur de tout personnage politique de qualité de passer outre les considérations électoralistes et d’éclairer ses concitoyens pour faire avancer son pays sur le chemin de la civilisation des droits humains, qui, eux, ne dépendent pas de l’opinion publique.