La campagne Stop Torture ! 2014-2016
Les objectifs internationaux
En mai 2014, Amnesty International lance sa campagne mondiale Stop Torture, dont l’objectif est d’obtenir que chacun soit protégé contre la torture. À l’occasion du 30e anniversaire de la Convention contre la torture, l’organisation forte de plus de 50 années d’expérience, demande instamment aux gouvernements de tenir leurs engagements et de respecter le droit international. Elle appelle les gens à exiger l’arrêt de la torture.
Cette campagne s’intéresse à toutes les situations de détention aux mains de l’État – dans le cadre du système judiciaire ordinaire ; aux mains de l’armée, des forces de police, des forces spéciales et des services secrets ; dans les situations relevant de lois, règlements ou dispositions d’urgence ; et dans les lieux de détention non officiels ou secrets, où le risque de torture est particulièrement élevé. En revanche, elle ne porte pas sur la torture commise par des acteurs non gouvernementaux ni sur les mauvais traitements infligés en dehors du contexte de la détention par des agents de l’État, par exemple le recours excessif à la force contre des manifestants, même si Amnesty International continuera par ailleurs de se battre énergiquement contre ces formes de violence. Partout dans le monde, l’organisation va mobiliser ses membres à propos des cinq pays suivants : le Nigeria, le Mexique, les Philippines, l’Ouzbékistan et le Maroc et le Sahara occidental.
Amnesty International veut obtenir l’instauration et la mise en oeuvre de garanties efficaces contre la torture car c’est le seul moyen de faire changer les choses. Lorsque des garanties efficaces sont en place, les gens sont protégés. Lorsque les garanties sont inexistantes ou inappliquées, la torture prospère.
Et en Belgique ?
La Belgique a ratifié la Convention contre la torture de l’ONU, mais aussi celle du Conseil de l’Europe de 1991. Elle est ainsi soumise au système de visites périodiques du Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe, susceptible de sévir dans tous les lieux où une personne est privée de sa liberté par la décision d’une autorité publique.
Cependant, la Belgique n’a toujours pas ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture de l’ONU (OPCAT). Les lieux de détention en Belgique ne font donc pas l’objet d’un contrôle de conformité aux exigences de la Convention par un organisme national indépendant.
Le 26 octobre 2015, la Belgique soumettra un rapport national à l’ONU dans le contexte de l’Examen périodique universel, un mécanisme d’évaluation par les pairs du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, mené par les États, qui évaluent la situation des droits humains sur leurs territoires respectifs par le biais de questions et de recommandations. Dans ce contexte, Amnesty International demande non seulement que l’OPCAT soit ratifié par la Belgique, mais également que le mécanisme de contrôle qui y est lié soit intégré à la création d’une institution nationale des droits humains, autre promesse dont la tenue a également pris beaucoup de retard.
De même, la loi pénale belge n’intègre toujours pas tous les éléments de la définition de la torture énoncés par l’article 1er de la Convention.
Par ailleurs, le gouvernement belge refuse obstinément toute assistance consulaire au belgomarocain Ali Aarrass, sous prétexte qu’il est binational. Il a été condamné au Maroc à 12 ans de prison pour des faits de terrorisme qu’il a toujours niés. Il est cependant avéré par deux rapports onusiens que les aveux utilisés pour le condamner ont été obtenus sous la torture. Amnesty International se mobilise pour que les autorités marocaines agissent en faveur de leur ressortissant afin d’obtenir : la traduction dans les faits des recommandations du Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU qui demande la libération d’Ali Aarrass ; une enquête sur ses plaintes de torture et une éventuelle poursuite des
auteurs. Amnesty demande également au gouvernement belge d’exercer une pression diplomatique sur les autorités marocaines pour qu’elles agissent en faveur d’Ali Aarrass.
Les pays cibles
Nigeria
Amnesty International reçoit de nombreuses informations faisant état d’actes de torture qu’inflige régulièrement la police aux suspects dans le but de leur soutirer des informations. L’armée détient à l’heure actuelle un grand nombre de personnes qu’elle soupçonne d’avoir des liens avec le groupe armé islamiste Boko Haram, dans le nord-est du Nigeria. Amnesty International a rencontré des détenus et des témoins qui affirment que, pendant leur détention, on les a frappés à coups de machette, de crosse de fusil et, dans un cas, de marteau ; pendus au plafond par les pieds ; soumis à des simulacres d’exécution ; fouettés à l’aide d’un câble ; contraints de s’allonger sous de lourds sacs de sable ; attachés à des poteaux et obligés de rester debout toute la journée malgré des températures extrêmement élevés ; et que les forces de sécurité leur ont marché dessus à l’aide de leurs bottes et leur ont lié solidement les bras ou les mains au moyen d’un câble pour limiter leurs mouvements.
La police peut retenir des personnes en garde à vue pendant plus d’un mois. Dans de nombreux commissariats, la police continue d’empêcher les suspects de consulter un avocat. Les personnes détenues par l’armée ne peuvent pas recevoir la visite de leurs proches ni consulter un avocat et, généralement, l’armée refuse de confirmer ou d’infirmer leur détention.
Objectif : D’ici fin 2015, les victimes et victimes potentielles de torture et de mauvais traitements ont plus facilement des contacts avec leur avocat, leur famille et des observateurs des droits humains pendant leur détention par la police, l’armée ou les services secrets.
Philippines
La situation des droits humains sur le terrain ne s’améliore que lentement, les Philippines rencontrant des difficultés pour appliquer à la fois le droit existant et les nouveaux textes promulgués en matière de protection contre la torture et les autres mauvais traitements. La torture et les autres mauvais traitements sont courants dans les postes de police, surtout dans les zones urbaines pauvres, mais sont pour la plupart non signalés.
Les victimes de torture et de mauvais traitements sont, pour la plupart, des délinquants récidivistes incluant des mineurs issus de communautés urbaines pauvres, des membres de communautés moros suspectés de sympathiser avec le Front islamique moro de libération (FIML) sur l’île de Mindanao, des femmes issues des réseaux de prostitution des zones urbaines et des militants soupçonnés de sympathiser avec la Nouvelle Armée du peuple (communiste), particulièrement dans les zones militarisées. Les victimes, dont la plupart viennent de milieux défavorisés, hésitent à se faire connaître et à porter plainte car elles craignent de subir des représailles, ne pensent pas que les responsables d’actes de torture peuvent être traduits en justice, ou ne savent pas qu’elles ont le droit d’exiger que ceux qui leur ont infligé des tortures ou autres mauvais traitements répondent de leurs actes. Celles qui, initialement, étaient prêtes à porter plainte sont souvent démotivées face à l’insuffisance de l’enquête et à la longueur de la procédure. Soulignons également que les Philippines ne disposent pas de capacités médicolégales satisfaisantes pour examiner les corps des personnes décédées des suites de torture
Objectif : Améliorer l’efficacité des contrôles externes et l’obligation pour les forces de police de rendre des comptes pour la torture, et renforcer les mécanismes de contrôle interne à la police en vue d’empêcher la torture et les autres mauvais traitements et de traduire leurs auteurs en justice.
Maroc
Les autorités affirment que la torture a été bannie du Maroc depuis la nouvelle constitution, le nouveau gouvernement élu et l’établissement d’un Conseil national des droits humains en 2011. Elles ont reconnu l’usage de la torture dans le passé et revendiquent une politique de tolérance zéro envers cette pratique, avec une législation améliorée et la ratification en cours du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture des Nations unies. Pourtant, les recherches menées par Amnesty international sur le Maroc et le Sahara occidental témoignent de multiples violations de la Convention contre la torture des Nations unies, parmi lesquelles :
– le recours à la torture par les forces de sécurité et l’administration pénitentiaire
– l’absence d’enquêtes sur les allégations de torture
– la production devant les tribunaux d’éléments de preuve obtenus sous la torture
Objectif : D’ici fin 2015, le nombre d’enquêtes sur les allégations de torture ou de mauvais traitements et la qualité de ces enquêtes ont augmenté de manière notable, ce qui se traduit par un plus grand nombre de poursuites contre les auteurs de ces actes et une diminution du recours aux aveux forcés dans les procédures juridiques.
Mexique
L’utilisation de la torture et des mauvais traitements par les forces de sécurité et la police est monnaie courante au Mexique : entre 2005 et 2012, le nombre de cas recensés a augmenté de 500 %, la Commission nationale des droits humains ayant reçu 1 662 plaintes pour torture et mauvais traitements en 2012. Une seule condamnation pour torture a été prononcée par une juridiction fédérale depuis 2005. En novembre 2012, le Comité contre la torture des Nations unies s’est dit « préoccupé par les informations faisant état d’une hausse inquiétante de l’usage de la torture ».
La torture et les mauvais traitements demeurent couramment utilisés dans le cadre d’enquêtes ou pour obtenir des suspects des informations. Nous ne pensons pas que le gouvernement fédéral et les gouvernements des États aient pour politique de recourir à la torture, mais ils ne font absolument pas preuve de la diligence requise pour poursuivre en justice les auteurs de ces agissements et les punir.
Objectif : Des enquêtes impartiales et exhaustives sont menées sans délai sur les allégations de torture et de mauvais traitements, conformément au Protocole d’Istanbul approuvé par les Nations unies, ce qui entraîne une augmentation du nombre de poursuites judiciaires et de condamnations.
Ouzbékistan
Des informations persistantes font état de tortures et d’autres mauvais traitements infligés par les forces de sécurité au moment de l’arrestation, en garde à vue et pendant la détention provisoire, ainsi que par les forces de sécurité et le personnel pénitentiaire après la condamnation de personnes inculpées d’infractions liées au terrorisme et contre la sûreté de l’État. La torture et le mauvais traitement des personnes en garde à vue sont des pratiques bien enracinées, les membres, réels ou présumés, de mouvements islamiques ou de groupes ou partis islamistes frappés d’interdiction en Ouzbékistan, ainsi que les membres de partis politiques d’opposition étant tout particulièrement la cible de ces sévices. Il est très fréquent dans le pays que des personnes soient poursuivies pour appartenance à des associations ou groupes illégaux, ce chef d’inculpation pouvant parfois inclure des membres de groupes religieux indépendants, essentiellement des musulmans qui prient à la mosquée ou derrière un imam qui n’est pas sous le contrôle de l’État. Actuellement, quelque 10 000 personnes se trouvent derrière les barreaux pour de tels motifs. La torture est un problème endémique en Ouzbékistan. Dans le dernier rapport publié en 2003 par un observateur indépendant, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, cette pratique a été qualifiée de « systématique » dans le pays.
Objectif : D’ici fin 2015, les victimes et victimes potentielles de torture et de mauvais traitements disposent de garanties renforcées contre l’utilisation pendant les procès d’aveux extorqués sous la torture ou d’autres mauvais traitements.