Quand nous l’avons trouvée, Jenabou, 11 ans, pouvait à peine de déplacer ou prononcer un mot. Deux massacres avaient causé la mort de ses parents, et de dizaines d’autres musulmans de son village. Elle ne demandait rien au monde : sa seule défense était de cesser d’exister. Qui sait ce dont elle avait été témoin ?
En décembre 2013, la République centrafricaine a explosé sous la violence. En tant que chercheuse spécialisée dans les crises, je me devais de m’y rendre. C’était évident. Avant que je ne parte, certains parlaient déjà d’un génocide potentiel. Mon job était de récolter un maximum de preuves, afin d’alimenter nos actions pour mettre un terme au bain de sang, et d’essayer d’obtenir justice pour les victimes.
Vos dons m’ont aidé à rassembler des preuves de violations massives des droits humains.
Je suis arrivée dans le village de Jenabou avec une collègue, seulement trois jours après le massacre. J’ai trouvé le corps d’une femme dans la rue, nue de la taille aux pieds. Elle avait peut-être été violée avant d’être tuée. Tout le quartier dont elle provenait était couvert de corps.
J’ai trouvé d’autres corps dans la périphérie de la ville. Des personnes avaient été tuées lorsqu’elles fuyaient, avec le peu de vêtements et de nourriture qu’elles avaient essayé d’emporter avec elles.
J’ai pris des photos, que même aujourd’hui je n’oserais pas montrer en public. Près de 100 personnes furent tuées en une seule journée.
La situation était dangereuse pour Jenabou. Un groupe de personnes de l’autre groupe vinrent nous demander de s’en occuper, « parce qu’ils savaient qu’elle était en danger ». Nous l’avons emmenée avec nous, et nous l’avons déposée là où elle était en sécurité.
« Avec votre aide, nous pouvons documenter des crimes violents comme ceux-ci, où qu’ils se passent — et nous luttons pour obtenir justice pour les victimes. »
La communauté internationale demandait des preuves crédibles que la situation était hors de contrôle. Et que les civils avaient besoin d’une protection. Nous avons alors rassemblé les preuves qui ont fait bouger les gouvernements.
Je suis restée là pendant trois semaines, interviewant les victimes, parlant aux médias, faisant en sorte que les témoignages qui m’avaient été donnés soient rendus publics. Les personnes m’avaient parlé de tueries brutales, de pillages et d’autres violences abominables. Nombre d’entre elles avaient du fuir leurs maisons. J’ai arrêté de compter après quelques temps le nombre de maisons brûlées, d’édifices religieux détruits et de magasins pillés.
Nous avons alors sorti le rapport « Nettoyage ethnique et massacres sectaires en République centrafricaine ». Grâce à la couverture médiatique massive, le monde a compris la gravité du conflit. Le niveau de violence avait été élevé au préalable, mais n’avait jamais atteint un tel niveau.
Le rapport a aidé les gouvernements à agir. Ils ont finalement accepté qu’une force de maintien de la paix des Nations unies intervienne pour contrôler la situation. Pour moi, cela a voulu dire que Jenabou serait plus en sécurité.
Ce progrès n’aurait pu aboutir sans les dons réguliers de personnes comme vous. Avec votre soutien, je suis à même de collecter les preuves des crimes les plus graves commis ces dernières années. Et je puis utiliser ces preuves pour exiger la justice.
Vous pouvez m’aider à montrer au monde ce qui se passe à la prochaine crise : faites un don à la section belge francophone d’Amnesty...
Merci !
Joanne Mariner
Senior conseillère en réponse aux crises, Amnesty International
PS : plusieurs mois plus tard, je suis retournée sur le terrain pour revoir Jenabou. Sa tante l’avait retrouvée et emmenée vivre avec elle et une dizaine de membres de sa famille élargie. Elle bénéficiait de l’amour et de l’attention qu’elle mérite. Elle était une personne différente, heureuse, souriante et jouant avec ses amis. Son histoire montre combien votre soutien est important…