MEXIQUE. Les multiples atteintes contre les migrants sont la « crise des droits humains » du Mexique

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI- 28 avril 2010

Les autorités mexicaines doivent prendre des mesures pour mettre fin aux atteintes aux droits humains que subissent en permanence les migrants qui sont la proie de bandes criminelles tandis que des fonctionnaires de l’État ferment les yeux, voire participent directement aux enlèvements, viols et meurtres, a déclaré Amnesty International dans un nouveau rapport publié ce mercredi 28 avril.

Ce document, intitulé Des victimes invisibles : Protéger les migrants au Mexique, fait état du niveau alarmant des atteintes aux droits humains subies par les dizaines de milliers de migrants en situation irrégulière originaires d’Amérique centrale qui tentent chaque année de gagner les États-Unis en passant par le Mexique.

«  Au Mexique, les migrants sont confrontés à une grave crise des droits humains qui les empêche presque complètement de faire appel à la justice, par crainte de subir des représailles et une expulsion s’ils se plaignent des atteintes qu’ils ont subies, a expliqué Rupert Knox, responsable des recherches sur le Mexique au sein d’Amnesty International.

L’inaction persistante des autorités face aux atteintes commises contre les migrants en situation irrégulière a fait de leur périple à travers le Mexique l’un des plus dangereux du monde. »

Les enlèvements de migrants, commis la plupart du temps en vue d’obtenir une rançon, ont atteint de nouveaux sommets en 2009 : selon la Commission nationale des droits humains (CNDH), quelque 10 000 d’entre eux ont été enlevés en six mois et près de la moitié des victimes interrogées ont déclaré que des fonctionnaires étaient impliqués dans leur rapt.

On estime que 60% des femmes et jeunes filles migrantes subissent des violences sexuelles, ce qui aurait poussé certains passeurs à exiger que les femmes se fassent administrer un contraceptif par injection avant leur voyage afin d’éviter qu’elles ne tombent enceintes lors d’un viol.

Le 23 janvier 2010, des policiers armés ont arrêté un train de marchandises transportant une centaine de migrants dans l’État du Chiapas (sud du Mexique).

Veronica (le prénom a été changé) a indiqué que des membres de la police fédérale les avaient forcés, elle et les autres migrants, à sortir du train et à s’allonger face contre terre, puis avaient volé leurs effets personnels et menacé de les tuer s’ils ne poursuivaient pas leur périple à pied le long de la voie ferrée.

Après avoir marché plusieurs heures, le groupe a été agressé par des hommes armés qui ont violé Veronica et tué au moins un autre migrant.

Deux suspects ont par la suite été arrêtés, après qu’un militant local eut aidé les migrants à porter plainte, mais aucune action n’a été engagée contre les policiers fédéraux, bien que les migrants aient identifié deux agents vraisemblablement impliqués.

« Le Mexique a la responsabilité de prévenir, sanctionner et faire cesser les atteintes aux droits humains, qu’elles soient commises par des bandes criminelles ou par des fonctionnaires », a souligné Rupert Knox.

Le rapport d’Amnesty International demande que des mesures soient prises immédiatement pour garantir l’accès des migrants aux mécanismes de traitement des plaintes quelle que soit leur situation et pour que des enquêtes efficaces soient menées.

L’immense majorité des migrants qui traversent le Mexique viennent d’Amérique centrale et se dirigent vers la frontière des États-Unis pour chercher du travail.

Ruben Figueroa, un défenseur mexicain des droits humains qui héberge et nourrit des migrants, a déclaré à Amnesty International : « Ils partent de chez eux chassés par une grande pauvreté, leur voyage vers le nord est un cauchemar mais ils le font pour les familles qu’ils ont laissées derrière eux. »

Le gouvernement mexicain a souvent affirmé son engagement à protéger les droits des migrants, quelle que soit leur situation au regard de la loi, et il est l’un des premiers à promouvoir les droits des migrants sur la scène internationale.

Malgré certaines mesures positives ces dernières années, comme par exemple une meilleure protection des droits des mineurs non accompagnés et la criminalisation du trafic d’êtres humains, il est rare, en réalité, que les autorités arrivent à prévenir et sanctionner les atteintes contre les migrants.

Face à cette crise des droits humains, Amnesty International recommande notamment :
• des réformes législatives pour garantir l’accès à la justice ;
• la création d’un groupe spécial au niveau fédéral afin de coordonner et de mettre en œuvre les mesures adoptées ;
• la collecte et la publication de données relatives aux atteintes contre les migrants et aux mesures prises pour amener les responsables présumés à rendre des comptes, y compris lorsqu’il s’agit de fonctionnaires de l’État.

Le rapport Des victimes invisibles : Protéger les migrants au Mexique sera disponible à compter du mercredi 28 avril sur www.amnesty.org.

DES VICTIMES INVISIBLES : PROTÉGER LES MIGRANTS AU MEXIQUE – Faits et chiffres

• Chaque année, des dizaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants traversent le Mexique sans autorisation officielle.*
• La plupart d’entre eux se dirigent vers les États-Unis dans l’espoir d’une nouvelle vie, loin de la pauvreté qu’ils laissent derrière eux.
• Plus de neuf sur 10 de ces migrants viennent d’Amérique centrale, principalement du Salvador, du Guatemala, du Honduras et du Nicaragua.*
• Un migrant sur cinq est une femme ou une fille.*
• Un sur 12 est âgé de moins de 18 ans et, bien que la plupart soient des adolescents, certains ont moins de 10 ans.*
• En 2009, 64 061 ressortissants étrangers ont été placés en détention par l’Institut national des migrations (INM) :
– 60 383 venaient du Salvador, du Guatemala, du Honduras ou du Nicaragua.
– 60 143 ont été rapatriés de leur plein gré ou expulsés.
– 2 846 ont été autorisés à régulariser leur situation.
– 87 demandeurs d’asile ont pu bénéficier du statut de réfugié.

• Des milliers de migrants sont maltraités, enlevés ou violés chaque année. La détention arbitraire et le chantage aux mains d’agents de l’État sont fréquents.
• Selon les estimations établies par des organisations de défense des droits humains et des universitaires, 60% des femmes et jeunes filles migrantes subissent des violences sexuelles au cours de leur voyage.
• Entre septembre 2008 et mars 2009, la Commission nationale des droits humains (CNDH) a recueilli le témoignage de 238 victimes et témoins de 198 enlèvements concernant des migrants :
– 9 758 migrants ont été enlevés pendant cette période de six mois, dont au moins 57 enfants.**
– Près de la moitié des victimes interrogées ont déclaré que des fonctionnaires étaient directement responsables de leur rapt.
– La moitié de ces migrants ont constaté au cours de leur captivité que la police était de connivence avec les ravisseurs.

• Les femmes et les enfants sont fortement exposés aux agressions sexuelles et aux trafics auxquels se livrent des criminels, d’autres migrants et des agents de l’État corrompus.
• L’immense majorité de ces atteintes aux droits humains ne font jamais l’objet d’une enquête sérieuse et leurs auteurs présumés sont rarement amenés à rendre compte de leurs actes, d’où un climat d’impunité.
• 3 924 cas différents d’atteintes aux droits fondamentaux ont été révélés à travers 828 entretiens avec des migrants arrivant au refuge Posada del Migrante, à Saltillo (État de Coahuila), entre mai 2007 et février 2008. Parmi ces atteintes figuraient :
– 1 266 actes d’intimidation (menaces, insultes, coups de feu tirés en l’air) ;
– 475 attaques physiques (coups et jets de pierre) ;
– 42 cas d’agression sexuelle ou d’autres violences sexuelles.

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