Le 16 mars 2002

Affaire Semira Adamu : une opportunité pour une nouvelle révision des procédures d’expulsion.

Le 18 mars, un tribunal de Bruxelles devra décider si sept gendarmes seront traduits en justice, en relation avec la mort en septembre 1998 de Semira Adamu, une jeune Nigériane de 20 ans demandeuse d’ asile déboutée, dans les heures qui ont suivi une tentative d’expulsion forcée depuis l’aéroport de Bruxelles-National. A cette occasion, Amnesty International recommande au gouvernement belge de revoir en profondeur ses procédures d’expulsion.

« La mort tragique de Semira Adamu n’était ni le premier ni le seul cas de cette espèce. Six autres décès se sont produits au cours d’expulsions d’Europe occidentale, entre 1993 et 2001, résultant de l’usage, peu avant la mort, de méthodes dangereuses de contrainte ayant pour conséquence d’empêcher la respiration », a déclaré l’organisation.

Au cours des dernières années, il y a eu également des allégations régulières selon lesquelles, dans un certain nombre d’ Etats d’Europe occidentale, une force excessive et des mauvais traitements ont été infligés par des membres de l’escorte policière au cours d’expulsions forcées. De Belgique, des allégations continuent d’ émerger affirmant que des policiers soumettent des personnes qui résistent à l’expulsion à des violences physiques, des menaces de mort et des injures racistes, les privant de nourriture et de boissons pendant de longues heures, et que parfois des méthodes de contrainte dangereuses, entravant la respiration, sont utilisées afin de les maîtriser. Il y a aussi des plaintes portant sur des cas de personnes expulsées ayant reçu des soins médicaux insuffisants pour des blessures encourues au cours d’opérations d’expulsion avortées.

Amnesty International croit que c’est le moment opportun pour la Belgique et les autres Etats européens de réexaminer en profondeur leur législation et leurs pratiques et d’assurer qu’elles sont en accord avec les récentes recommandations de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et de son Commissaire aux Droits humains

« L’une des voies les plus efficaces pour prévenir les mauvais traitements et l’usage excessif de la force repose aussi sur l’application de sanctions appropriées par le système de justice pénale. Savoir que les tribunaux sont prêts à infliger des peines rigoureuses, constitue l’un des facteurs dissuasifs les plus puissants », a déclaré Amnesty International.

« Traduire les auteurs en justice, non seulement les dissuade de réitérer leur délit, mais fait également comprendre aux autres que les mauvais traitements ne seront pas tolérés », a ajouté l’organisation.

Rappel

La méthode appelée « technique du coussin » - une méthode dangereuse de contrainte autorisée par le ministre de l’Intérieur à l’époque - autorisait les policiers d’escorte à presser un coussin contre la bouche, mais pas le nez, d’un expulsé récalcitrant. Cette méthode a été suspendue après la mort de Semira Adamu. Les directives émises, en juillet 1999, à l’intention des policiers de l’escorte ainsi qu’un décret du Ministre des Transports d’avril 2000 interdit les méthodes de contrainte impliquant l’obstruction complète ou partielle des voies respiratoires des personnes expulsées et l’usage de sédatifs ou d’autres drogues destinées à les maîtriser.

En janvier 2002, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a déclaré que « bien trop souvent, les personnes en attente d’expulsion sont soumises, en contradiction avec la Convention européenne des Droits de l’Homme, à la discrimination, à des injures racistes, à des méthodes de contrainte dangereuses, et même à la violence et à des traitements inhumains et dégradants. Bien trop souvent, les officiels responsables de l’application des ordres d’expulsion recourent à un usage injustifié, inadéquat et même dangereux de la force... L’Assemblée est préoccupée par le fait que dans tous les États membres du Conseil de l’Europe, les procédures d’expulsion manquent de transparence... Quelques-uns des États membres du Conseil de l’Europe ont mené ou préparent des réformes dans ce domaine ; cependant le Conseil est préoccupé par le non-respect dans la pratique des structures légales de mise en application des ordres d’expulsion. Les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe seront menacées si rien n’est fait pour lutter contre le climat actuel d’hostilité à l’égard des réfugiés, des demandeurs d’asile et des immigrants, et pour encourager à respecter leur sécurité et leur dignité en toutes circonstances ».

L’Assemblée a formulé des recommandations détaillées pour les États membres sur « des procédures d’expulsion conformes aux Droits humains et appliquées dans le respect de la sécurité et de la dignité des personnes » : Le Commissaire au Droits humains du Conseil de l’Europe avait déjà émis des recommandations semblables en septembre 2001. Voici ce qu’impliquent ces recommandations :

 les expulsions forcées doivent être exécutées dans une transparence complète, afin que le respect des droits humains fondamentaux soit assuré. Les personnes en attente d’expulsion doivent bénéficier d’un contact sans restriction avec les ONG, d’un accès garanti à de moyens de communication avec le monde extérieur et du droit d’avoir, librement et de manière indépendante, accès aux consultation et représentation juridiques

 l’établissement de systèmes de contrôle indépendants pour les procédures d’expulsion ;

 les éventuels expulsés doivent être informés à chaque étape de la procédure de ce qui les attend pour qu’ils puissent se préparer psychologiquement à leur retour ;

 les membres des escortes doivent être formés de façon adéquate, particulièrement pour la médiation et pour gérer le stress, ainsi que pour posséder des connaissances linguistiques et culturelles suffisantes ;

 des certificats médicaux doivent être établis systématiquement au départ et à l’arrivée de la personne expulsée ;

 l’interdiction de méthodes de contrainte dangereuses entravant la respiration, de l’administration de drogues sédatives ne correspondant pas à de purs critères médicaux et de l’usage arbitraire ou disproportionné de la force,

 l’obligation de fournir nourriture et boissons durant les opérations d’expulsion ;

 des enquêtes approfondies et impartiales en cas d’allégations de mauvais traitements.
/FIN

Pour informations complémentaires : Service de presse d’Amnesty International Belgique francophone (0473/97.38.73)

L’avortement est un droit. Parlementaires, changez la loi !

L’avortement est un droit humain et un soin de santé essentiel pour toute personne pouvant être enceinte. Ceci sonne comme une évidence ? Et bien, ce n’est pourtant pas encore une réalité en (…)

2024 - Amnesty International Belgique N° BCE 0418 308 144 - Crédits - Charte vie privée
Made by Spade + Nursit