Afghanistan. Afin de faire respecter les normes relatives aux droits humains, les États membres de l’OTAN doivent créer un organisme chargé d’enquêter sur les violations présumées de la législation afghane en la matière et habilité à accorder réparation aux victimes

Déclaration publique

ASA 11/020/2006

Alors que les chefs d’État et de gouvernement de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) se réunissent à Riga, en Lettonie, les 28 et 29 novembre 2006, Amnesty International demande aux États membres de l’OTAN de veiller à rendre justice aux détenus torturés ou soumis à des mauvais traitements et aux civils tués dans le cadre d’opérations militaires en Afghanistan.

Déployée dans ce pays par l’OTAN, la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) a été mandatée par diverses résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Elle constitue désormais la principale force de sécurité, partageant les ressources avec l’opération Liberté immuable menée par les États-Unis. La FIAS opère sous commandement alterné et, à partir de février 2007, sera dirigée par les Américains, qui succéderont aux Britanniques.

Amnesty International déplore en particulier que :
– la base légale de la présence de la FIAS en Afghanistan ne place cette force en dehors du droit afghan et hors d’atteinte de la justice en Afghanistan et dans les pays membres de l’OTAN ;
– les bombardements aériens effectués lors des opérations militaires de la FIAS ont fait des victimes civiles dans le cadre de combats particuliers, faits reconnus par les commandants de la FIAS. Ces attaques auraient touché sans distinction des objectifs civils et militaires, en violation du droit international humanitaire. Ces opérations ont également contribué au déplacement forcé d’environ 90 000 personnes qui ont fui leurs foyers en raison de la violence ;
– la procédure de détention actuellement en usage au sein de la FIAS, qui prévoit la remise des détenus aux mains des forces de sécurité afghanes dans un délai de 96 heures, risque d’exposer les ressortissants afghans à des actes de torture ou d’autres mauvais traitements. Depuis de nombreuses années, Amnesty International se dit préoccupée face à l’usage de la torture et des mauvais traitements par les forces de sécurité afghanes, notamment la Direction nationale de la sécurité. L’organisation déplore que cet organisme jouisse d’une totale impunité, en raison des lacunes du système judiciaire, de l’absence de formation appropriée et de la forte corruption qui règne dans le pays.

Des mesures urgentes s’imposent pour que les Afghans jouissent des garanties relatives aux droits humains qui leur font actuellement défaut. Les membres de l’OTAN doivent veiller à ce que la FIAS respecte pleinement le droit international humanitaire et relatif aux droits humains dans le cadre de ses opérations, en coopération avec la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) et la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan.

Amnesty International exhorte les États membres de l’OTAN, en collaboration avec leurs partenaires afghans et la MANUA, à mettre en place un organisme ou un mécanisme conjoint chargé d’instruire les plaintes concernant les atteintes aux droits humains commises en Afghanistan dans le cadre des opérations de la FIAS, de traduire les responsables présumés en justice et d’accorder réparation aux victimes, lorsque ces violations sont établies. L’Afghanistan se conformerait ainsi aux obligations qui lui incombent au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

Aux termes de l’article 2-3 du PIDCP, toute personne dont les droits et libertés sont violés dispose d’un recours utile, alors même que la violation a été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Cet article prévoit également que l’autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative, ou toute autre autorité compétente selon la législation de l’État afghan, statue sur les droits de la personne qui forme le recours et garantisse les possibilités de recours juridictionnel. Cet organisme conjoint devra veiller à ce que les autorités compétentes fassent appliquer toute réparation qui aura été accordée.

Il doit accorder réparation à tous les civils victimes des opérations militaires de la FIAS et, le cas échéant, puiser dans le fonds d’affectation spéciale créé par la résolution 1386 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies.

La réparation doit englober :
– la restitution, notamment la libération (des détenus et prisonniers), le rétablissement de la protection juridique et la restitution de la propriété ;
– l’indemnisation, notamment pour les préjudices physiques ou moraux, les occasions perdues, les atteintes à la réputation ou à la dignité, et les dépenses judiciaires et médicales ;
– la réadaptation, notamment les soins médicaux et psychologiques, les services judiciaires et sociaux, et la réinsertion sociale ;
– la réhabilitation, notamment la cessation des violations en cours, la divulgation de la vérité (sans induire de nouveaux préjudices), la recherche d’informations sur le sort réservé aux victimes de disparitions forcées ou aux personnes tuées, et des excuses pour les torts causés ;
– les garanties de non-répétition, notamment des mesures visant à garantir le contrôle civil efficace des forces militaires et de sécurité, le respect par toutes les procédures civiles et militaires des normes internationales relatives aux garanties d’une procédure régulière, à l’équité et à l’impartialité, et le renforcement de l’indépendance de la justice.

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