Afghanistan. Il faut protéger la liberté des médias contre l’intervention des services de renseignement

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Amnesty International a déclaré, le 31 juillet 2008, que le gouvernement afghan devait empêcher la Direction nationale de la sécurité, l’agence de renseignement du pays, de restreindre la liberté des médias.

Lundi 28 juillet, des représentants de la Direction nationale de la sécurité ont brièvement incarcéré Mohammad Nasir Fayyaz, présentateur de l’émission à succès Haqiqat (la Vérité) sur Ariana TV.

Le lendemain, mardi 29 juillet, des représentants de cet organe l’ont de nouveau arrêté, puis relâché après une nuit en détention. D’après la Commission indépendante des droits humains en Afghanistan, Mohammad Nasir Fayyaz a été appréhendé pour avoir « présenté sous un faux jour » des membres du gouvernement dans son émission du dimanche 27 juillet.

Selon Ariana TV, la Direction nationale de la sécurité a interrompu la diffusion de l’émission au cours de laquelle Mohammad Nasir Fayyaz a interrogé Youssef Pashtun, le ministre du Développement urbain, et Ismail Khan – qui se pare du titre d’émir d’Herat –, actuel ministre de l’Eau et de l’énergie, au sujet du rôle de membres du gouvernement dans des opérations illégales d’accaparement de terres. Selon des informations diffusées par les médias, le journaliste a été inculpé pour avoir demandé à Ismail Khan de le faire bénéficier d’une alimentation en électricité vingt-quatre heures sur vingt-quatre à son domicile, et pour avoir « réclamé un pot de vin » à Mohammed Amin Farhang, le ministre du Commerce. Le bureau du procureur général a été saisi de cette affaire. Abdul Qadir Mirzir, le porte-parole d’Ariana TV, aurait qualifié les charges retenues contre Mohammad Nasir Fayyaz d’infondées.

« La Direction nationale de la sécurité n’a pas le droit d’intervenir dans cette affaire, et son immixtion est le signe d’une ingérence injustifiée du gouvernement dans les médias afghans, a déclaré Sam Zarifi, directeur d’Amnesty International pour la région Asie-Océanie. Il ne faut pas que cet organe devienne un outil dont le gouvernement se sert afin d’intimider ses détracteurs. »

Officiellement, la Direction nationale de la sécurité est seulement habilitée à lutter contre les menaces à la sécurité nationale. Le public n’a pas accès aux informations relatives aux fondements légaux et à la portée des pouvoirs de cet organe.

Amnesty International a exhorté le gouvernement afghan à respecter les Principes de Johannesburg relatifs à la sécurité nationale, à la liberté d’expression et à l’accès à l’information (1995), normes rédigées par des experts juridiques internationaux et approuvées par les rapporteurs spéciaux des Nations unies sur la liberté d’expression et sur l’indépendance des juges et des avocats.

Le principe 2 (b) issu des Principes de Johannesburg dispose qu’« une restriction qu’un gouvernement tenterait de justifier par des raisons de sécurité nationale n’est pas légitime si son véritable but et son effet démontrable est de protéger des intérêts ne concernant pas la sécurité nationale, comme par exemple de protéger un gouvernement de l’embarras ou de la découverte de ses fautes, ou pour dissimuler des informations sur le fonctionnement des institutions publiques ».

En 2007, la Direction nationale de la sécurité a arrêté Kamran Mir Hazar, rédacteur en chef d’un site Internet d’information, kabulpress.org, pour avoir semble-t-il publié des articles critiquant les résultats du gouvernement. En avril 2007, suivant en cela les consignes d’Abdul Sabit, l’ancien procureur général, des policiers ont fait une descente dans les locaux de Tolo TV dans le but d’arrêter le journaliste Hamed Haidary ainsi que le directeur de la chaîne, pour avoir « incorrectement » fait état de propos tenus par Abdul Sabit dans un bulletin d’information.

En juin 2006, la Direction nationale de la sécurité a diffusé une directive exigeant que les médias limitent leur couverture de l’actualité, et imposant notamment une restriction sur les informations qualifiées, de façon vague et schématique, de « contraires à l’intérêt national ».

« Il semble que l’arrestation de Mohammad Nasir Fayyaz n’ait rien à voir avec la sécurité nationale, et tout à voir avec le fait que des représentants de l’État enfreignent les droits humains afin de protéger leur intérêts propres, éventuellement illégaux. Chaque épisode de ce type envoie un signal glaçant aux journalistes afghans, qui sont déjà fortement exposés à la violence et aux actes d’intimidation », a ajouté Sam Zarifi.

Les journalistes d’investigation et les travailleurs des médias en Afghanistan font de plus en plus souvent l’objet de menaces et d’agressions, de la part d’acteurs étatiques ou non, et plusieurs journalistes ont été tués. Les autorités, en particulier la Direction nationale de la sécurité et le Conseil des ulémas (qui rassemble des experts en matière de religion), ont tenté de restreindre l’indépendance des médias.

Perwiz Kambakhsh, étudiant et journaliste, a été condamné à la peine capitale pour blasphème par un tribunal provincial, à Mazar-e-Charif (province de Balkh) le 22 janvier 2008, parce qu’il aurait téléchargé des documents traitant du rôle des femmes dans l’Islam.

La liberté des médias en Afghanistan pourrait être restreinte encore davantage par une révision de la loi relative aux médias actuellement en attente d’approbation par le président Karzaï. Elle comporte en effet plusieurs dispositions ambiguës susceptibles de limiter la liberté d’expression allant bien au-delà des restrictions admises par le droit international relatif aux droits humains, dont une interdisant les contenus « contraires aux principes de l’Islam ».

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