Communiqué de presse

Afghanistan. Le transfert de responsabilité concernant les détenus de Bagram laisse craindre des tortures

Les autorités afghanes ont pris à leur charge la responsabilité des opérations concernant les détenus de la base américaine de Bagram, au nord de Kaboul, précédemment assumée par l’armée américaine. Compte tenu des faits de torture et autres violations des droits humains perpétrés dans le passé par les forces de sécurité afghanes, Amnesty International est profondément préoccupée par le transfert des détenus de Bagram aux autorités afghanes.

On ne sait pas dans quelle mesure les États-Unis ont une marge de contrôle sur les cas individuels. Les informations diffusées indiquent toutefois que les autorités afghanes ont pris la responsabilité des quelque 3 000 détenus afghans qui se trouvaient à Bagram le 9 mars de cette année (date de l’accord sur le transfert de responsabilité), et adopté un système de détention administrative calqué sur le modèle utilisé par les États-Unis dans la prison.

Plus de 600 détenus arrivés sur la base depuis le mois de mars resteraient sous la responsabilité de l’armée américaine, de même que la cinquantaine de prisonniers non-afghans actuellement présents à Bagram – et dont certains sont détenus par les États-Unis depuis plusieurs années.

Amnesty International et d’autres observateurs ont publié dans le passé des informations sur la pratique, en toute impunité, de la torture et d’autres mauvais traitements par la Direction nationale de la sécurité (DNS) et d’autres services afghans. Le transfert des détenus intervient une semaine jour pour jour après que le président Karzaï eut nommé Assadullah Khalid au poste de directeur de la DNS, en dépit de multiples informations indiquant qu’il pourrait être impliqué dans des actes de torture et des homicides illégaux perpétrés ces 10 dernières années.

Les insurgés présumés, notamment les combattants talibans, sont soumis à des traitements particulièrement brutaux de la part des forces de sécurité afghanes. Les Nations unies ont recueilli un certain nombre d’informations à ce sujet. Les détenus sont fréquemment frappés à coups de tuyau en caoutchouc et menacés de violences sexuelles.

Amnesty International a reçu des informations crédibles indiquant que les autorités afghanes avaient l’intention, après le transfert, de remettre en liberté plusieurs hauts commandants talibans détenus à Bagram, dans le cadre d’initiatives de paix avec les talibans. Des informations publiques montrent que certains de ces individus pourraient être impliqués dans des crimes de droit international perpétrés contre des civils, notamment des crimes de guerre. Avant toute remise en liberté, le gouvernement afghan a l’obligation de mener une enquête sur la personne concernée si des allégations indiquent qu’elle pourrait être impliquée dans de tels faits et, lorsqu’il existe suffisamment d’éléments pouvant être retenus, de la traduire en justice dans le respect des normes internationales et sans que la peine de mort puisse être appliquée.

Les autorités afghanes doivent veiller à ce que toutes les allégations crédibles mettant en cause les forces de sécurité du pays dans des violations des droits humains telles que des actes de torture et des homicides illégaux fassent l’objet d’une enquête exhaustive, et à ce que les responsables présumés soient déférés à la justice dans les meilleurs délais.

Amnesty International demande au gouvernement afghan de réformer le système de détention et la justice pénale. Il faut notamment mettre un terme au système de détention administrative institué par les autorités à Bagram et instaurer des garanties minimales en matière de droits humains, qui soient appliquées et respectées dans la pratique, pour toutes les personnes détenues et suspectées dans les affaires pénales.

Tous les responsables présumés des violations des droits humains commises par des agents américains contre des détenus de Bagram depuis 2002 n’ont pas été amenés à rendre des comptes, et toutes les victimes n’ont pas eu accès à une voie de recours. Cette situation n’est que l’une des composantes d’une incapacité plus globale des autorités américaines à mettre un terme à l’impunité pour les violations commises dans le cadre de la lutte contre le terrorisme depuis le 11 septembre 2011, notamment les crimes de droit international que sont la torture et les disparitions forcées. Amnesty International demande une nouvelle fois aux États-Unis de respecter leurs obligations internationales et d’enquêter de manière exhaustive sur les violations des droits humains commises dans ce contexte au cours de la décennie écoulée, puis de déférer à la justice les responsables présumés de ces actes.

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