L’attaque contre les manifestants a eu lieu juste après qu’ils eurent fini de rompre le jeûne et de dîner avec les proches de personnes tuées dans l’attaque à la bombe du 31 mai. Les manifestants, qui font partie du groupe nommé « Movement for Uprising Change », organisaient une veillée depuis l’attaque.
Les actions des forces de sécurité, notamment le recours à des armes à feu, s’apparentent à un recours excessif à la force. C’est la deuxième fois en un mois que les forces de sécurité afghanes ignorent de manière flagrante leurs obligations au regard du droit international, notamment leur responsabilité de respecter et de protéger le droit à la vie. Le 2 juin, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur un groupe de manifestants, faisant au moins quatre morts et plusieurs blessés.
Un porte-parole du groupe de manifestants a déclaré que deux personnes avaient été tuées et que quatre avaient été blessées lorsque la police a tiré sur les manifestants qui résistaient aux tentatives de les chasser de force de la tente. La police a placé 11 autres personnes en détention, mais on ignore où elles se trouvent et si des poursuites ont été engagées contre elles.
Des civils tués alors qu’ils devraient être protégés
Amnesty International s’est entretenue avec cinq personnes qui ont été témoins des événements du 19 juin. L’une de ces personnes a déclaré : « Il était environ 23 heures et nous étions tous assis et parlions avec des membres des familles des victimes de l’attaque à la bombe du 31 mai. J’y étais parce que j’ai perdu un ami lors de la manifestation du 2 juin. »
« Soudain, nous avons entendu des chars et la police s’approcher de nous. Les policiers ont commencé à démonter la tente et ont dit aux personnes dans la tente de ne pas résister et de les laisser la démonter, mais nous avons résisté et n’avons pas laissé la police démonter la tente, car le gouvernement n’avait pas répondu à nos demandes en matière de justice et d’obligation de rendre des comptes. Pendant les faits, des policiers du ministère de l’Intérieur et de la garnison de Kaboul ont ouvert le feu sur nous et la fusillade a continué. Une personne appelée Ejaz-ul Haq est morte et près d’une dizaine d’autres personnes ont été blessées. Certaines personnes ont fui mais nous avons résisté et avons défendu la tente des personnes qui réclamaient justice. »
Un autre témoin a déclaré à Amnesty International : « Lorsqu’ils nous ont attaqués et que nous avons vu que nos amis et camarades étaient blessés et qu’ils gisaient dans leur propre sang, nous avons essayé de les conduire à l’hôpital, mais la police nous en a empêchés, et une personne est morte, vraisemblablement des suites de l’hémorragie. »
La femme de l’un des manifestants a déclaré que son mari avait été placé en détention, et que ses enfants et elle avaient attendu avec inquiétude de ses nouvelles. À 5 heures du matin, il a appelé sa femme et lui a dit qu’il était en détention. L’appel a été coupé soudainement. On ignore où se trouve cet homme depuis lors.
En raison du mépris flagrant pour la vie humaine démontré par l’attaque contre les manifestants, de nombreuses personnes ont peur des forces de sécurité.
« Si le gouvernement afghan tue ses propres citoyens au lieu de les protéger, je ne sais pas vers qui nous pouvons nous tourner pour demander une protection », a déclaré un témoin à Amnesty International.
Parmi les manifestants toujours en détention figure Asar Hakimi, un militant connu et très respecté se battant pour la justice et l’obligation de rendre des comptes pour les victimes des attaques du 31 mai et du 2 juin.
Une violation du droit à la liberté de réunion pacifique
En réprimant les manifestants, les autorités afghanes ont également bafoué l’obligation de respecter, protéger et mettre en œuvre le droit à la liberté de réunion pacifique qui leur incombe au titre de droit international relatif aux droits humains.
Ce droit comprend l’autorisation, dans le droit et dans la pratique, d’organiser des rassemblements. Il s’applique à tout type de réunion, y compris les assemblées, grèves, cortèges, rassemblements et sit-in.
Les seules restrictions légitimes de ce droit sont celles qui sont manifestement nécessaires à la protection d’un intérêt public clair ou à la protection des droits et libertés d’autres personnes.
Les autorités ne doivent décider de disperser un rassemblement pacifique que lorsqu’elles n’ont pas d’autre moyen de protéger un intérêt légitime qui l’emporte sur le droit à la liberté de réunion. Même dans ce cas, la police a l’obligation d’éviter autant que possible d’avoir recours à la force.
La police ne doit jamais avoir recours à des armes à feu pour disperser des rassemblements pacifiques : ces armes ne doivent être utilisées que s’il n’existe pas d’autre moyen pour se défendre contre une menace imminente de mort ou de blessure grave. Dans de telles circonstances, la police doit limiter au maximum les dégâts et les atteintes à l’intégrité physique, et veiller à ce qu’une assistance et des secours médicaux soient fournis aussi rapidement que possible à toute personne blessée ou autrement affectée.
Tout rassemblement pendant lequel la police a recouru à la force, entraînant des blessés ou des morts, doit donner lieu à une enquête approfondie afin d’établir les responsabilités et d’exiger des comptes des agents concernés. Cela concerne également les agents chargés du commandement des opérations qui savaient ou auraient dû savoir que des agents sous leur commandement faisaient un usage illégal de la force ou d’armes à feu et qui n’ont pas pris toutes les mesures possibles afin de les en empêcher ou de les sanctionner. Les gouvernements doivent faire en sorte que l’usage arbitraire ou abusif de la force ou des armes à feu par la police soit puni comme une infraction pénale au titre de la loi.
Demandes au gouvernement afghan
Le gouvernement afghan doit faire plus pour protéger la vie des civils et doit respecter et protéger la vie des manifestants pacifiques. Il ne doit faire preuve d’aucune tolérance envers le recours excessif à la force par la police et doit veiller à ce que des enquêtes approfondies, efficaces et impartiales soient menées sur le recours à la force par la police les 2 et 19 juin, et à ce que les personnes responsables du recours excessif à la force soient amenées à rendre des comptes et à ce qu’elles soient poursuivies dans le cadre de procès équitables sans recours à la peine de mort. Le gouvernement doit veiller à ce que les victimes obtiennent de véritables réparations, notamment une indemnisation adéquate, et à ce que de tels événements ne se reproduisent pas.