Lors du Nordic Electric Vehicle (EV) Summit, sommet consacré aux véhicules électriques à Oslo, elle met en avant le fait que les batteries lithium-ion, avec lesquelles fonctionnent les voitures électriques et les matériels électroniques, sont liées à des atteintes aux droits humains, notamment au travail des enfants en République démocratique du Congo (RDC), et à des risques environnementaux qui pourraient saper leur potentiel écologique.
« Trouver des solutions efficaces à la crise climatique est un impératif absolu et les voitures électriques sont une part importante de cette réponse. Cependant, sans changements radicaux, les batteries qui alimentent ces véhicules verts continueront d’être ternies par des atteintes aux droits humains, a déclaré Kumi Naidoo, secrétaire général d’Amnesty International.
« Les grandes multinationales qui dominent l’industrie de la voiture électrique ont les ressources et l’expertise nécessaires pour créer des solutions énergétiques réellement propres et équitables, et nous les mettons au défi de revenir l’an prochain à Oslo avec des preuves d’un réel progrès. La demande de batteries ne cesse de croître et il est temps de restructurer en profondeur nos sources d’énergie afin d’accorder la priorité à la protection des droits humains et de l’environnement. »
« Trouver des solutions efficaces à la crise climatique est un impératif absolu et les voitures électriques sont une part importante de cette réponse. »
Des violations des droits humains liées à l’extraction des minerais
Si les véhicules électriques sont la clé pour que l’industrie automobile puisse s’écarter des énergies fossiles, elles ne sont pas encore aussi éthiques que certains fabricants aimeraient nous le faire croire. Des années de pratiques industrielles non réglementées ont des répercussions néfastes sur les droits fondamentaux et l’environnement – force est de constater que l’action des gouvernements et de l’industrie est insuffisante.
Amnesty International a recensé de graves violations des droits humains liées à l’extraction des minerais utilisés dans les batteries lithium-ion, notamment en RDC. D’après une enquête menée en 2016, dans le sud de la RDC, des enfants et des adultes extraient le cobalt dans des mines creusées manuellement ; ils sont exposés à de graves risques sanitaires et ne sont pas protégés par le gouvernement ni respectés par les entreprises qui tirent profit de leur travail.
Amnesty International a recensé de graves violations des droits humains liées à l’extraction des minerais utilisés dans les batteries lithium-ion, notamment en RDC. D’après une enquête menée en 2016, dans le sud de la RDC, des enfants et des adultes extraient le cobalt dans des mines creusées manuellement ; ils sont exposés à de graves risques sanitaires et ne sont pas protégés par le gouvernement ni respectés par les entreprises qui tirent profit de leur travail. D’après les recherches d’Amnesty International, ces mines alimentent les chaînes d’approvisionnement de la plupart des grandes entreprises du secteur de l’électronique et des grands constructeurs mondiaux de véhicules électriques.
Malgré les projections selon lesquelles la demande de cobalt atteindra 200 000 tonnes par an d’ici 2020, aucun pays n’exige légalement des entreprises qu’elles rendent compte publiquement de leur chaîne d’approvisionnement en cobalt. Plus de la moitié des ressources mondiales en cobalt provenant du sud de la RDC, la probabilité que les batteries qui font rouler les voitures électriques soient liées au travail des enfants et à d’autres violations des droits humains est plus qu’élevée.
Depuis 2016, on note des progrès. En réponse aux recherches d’Amnesty International, plusieurs grandes entreprises, dont Apple, BMW, Daimler, Renault et le fabricant de batteries Samsung SDI, ont publié des données sur leurs chaînes d’approvisionnement et les autres entreprises doivent suivre leur exemple.
Par ailleurs, Amnesty International a commencé à recenser des violations des droits des peuples indigènes vivant près des mines de lithium en Argentine.
Par ailleurs, Amnesty International a commencé à recenser des violations des droits des peuples indigènes vivant près des mines de lithium en Argentine. Les communautés indigènes ne sont pas dûment consultées au sujet des projets miniers sur leurs terres, ni suffisamment informées quant aux impacts potentiels des opérations d’extraction sur leurs ressources en eau. Sans protections relatives aux droits humains, les communautés indigènes risquent de subir des préjudices croissants, alors que la demande en lithium explose.
D’autres menaces se profilent
L’impact environnemental de la production des batteries est préoccupant. La plus grande partie de la fabrication de batteries lithium-ion est concentrée en Chine, en Corée du Sud et au Japon, où la production d’électricité dépend encore du charbon et d’autres sources d’énergies polluantes.
Ainsi, si les véhicules électriques sont indispensables pour se libérer des énergies fossiles et diminuer les émissions de gaz à effet de serre, il faut faire davantage pour réduire l’empreinte carbone lors de la phase de fabrication. Parallèlement, la demande croissante en minerais comme le cobalt, le manganèse et le lithium, accroît l’intérêt pour l’extraction minière en eaux profondes qui, d’après des études, aura des conséquences graves et irréversibles sur la biodiversité.
Amnesty International demande aussi aux entreprises de veiller à ce que les batteries soient éliminées de manière responsable. Des éléments probants indiquent déjà que des composants électroniques usagés de batteries, qui contiennent divers matériaux dangereux, ont été mis au rebut de manière irresponsable, contaminant les sols, l’eau et l’air.
« Chaque étape du cycle de vie d’une batterie, de l’extraction des minerais à l’élimination, comporte des risques environnementaux et liés aux droits humains, a déclaré Kumi Naidoo.
« Nous devons changer de cap sans attendre. Sinon, ceux dont la responsabilité est la moins engagée dans le changement climatique, les communautés indigènes et les enfants, paieront le prix du processus visant à se libérer des énergies fossiles. Les solutions énergétiques du futur ne doivent pas se fonder sur les injustices du passé. »
Une vision alternative
Profitant du sommet nordique sur les véhicules électriques, Amnesty International a mis en avant sa vision d’une batterie éthique, ne nuisant pas aux droits humains ni à l’environnement, à aucun stade de son cycle de vie. Elle demande aux gouvernements, aux industriels, aux innovateurs, aux investisseurs et aux consommateurs d’agir en vue de créer dans les cinq ans à venir une batterie éthique et durable qui pourra être utilisée pour les véhicules électriques et dans le secteur de l’électronique.
Le travail d’Amnesty International sera axé sur les trois phases du cycle de vie d’une batterie :
- Extraction : cartographier les chaînes d’approvisionnement des minerais clés, promouvoir des mesures visant à identifier, prévenir et remédier aux impacts en termes de droits humains, et demander l’interdiction de l’extraction minière en eaux profondes à des fins commerciales ;
- Fabrication : demander que les bilans carbone soient dûment dévoilés, limités et compensés, et que les droits du travail et sur le lieu de travail, notamment à la santé, à l’égalité et à la non-discrimination, soient protégés par la loi et respectés ;
- Réutilisation et récupération : demander que les produits soient conçus et réglementés afin d’optimiser leur potentiel de réutilisation et de pénaliser les déchets, et prévenir l’exportation et le dépôt illégal ou dangereux des batteries.
Le défi lancé aux entreprises
Amnesty International a souligné que les entreprises des secteurs de la voiture électrique et de l’électronique ont la responsabilité de faire en sorte que leurs produits ne contribuent pas à commettre ou perpétuer des atteintes aux droits humains. Elle demande aux leaders de l’industrie de s’engager à repenser radicalement leur approche vis-à-vis des solutions énergétiques.
À titre de première mesure, les entreprises doivent dévoiler publiquement toutes les informations relatives aux mesures prises pour prévenir, identifier et faire face aux atteintes aux droits humains et aux risques environnementaux tout au long du cycle de vie des batteries lithium-ion.
« Tandis qu’une crise climatique se profile, les consommateurs ont le droit d’exiger que les produits commercialisés comme étant un choix éthique " tiennent la route ", a déclaré Kumi Naidoo.
« Les entreprises qui font fi des préoccupations en matière de droits humains alors qu’elles se tournent vers des sources d’énergie renouvelable offrent à leurs clients un faux choix : les humains ou la planète. Cette approche biaisée n’amènera pas les changements durables dont nous avons besoin pour sauver l’humanité du désastre climatique. Nous invitons les leaders de l’industrie à bien réfléchir à l’avenir qu’ils souhaitent construire. »
Complément d’information
Amnesty International collabore avec Greenpeace États-Unis en vue d’identifier et de cartographier les impacts environnementaux et relatifs aux droits humains tout au long du cycle de vie d’une batterie, et notamment les points principaux nécessitant une intervention pour produire une batterie éthique.
Des initiatives sont en cours en Norvège en vue de contraindre légalement les entreprises à respecter la diligence requise en matière de droits humains.