Amnesty International appelle les États parties à respecter un certain nombre de points clés avant la Conférence de révision du Statut de Rome

Déclaration publique

ÉFAI - 19 mars 2010

Amnesty International a appelé le 19 mars les 110 Etats ayant ratifié le Statut de Rome à prendre d’importantes mesures pour s’acquitter de leurs engagements en faveur de la justice internationale, avant leur rencontre à New York du 22 au 26 mars prochain.

L’Assemblée des États parties à la Cour pénale internationale (CPI) doit se réunir afin de poursuivre les préparatifs de la Conférence de révision du Statut de Rome de la Cour pénale internationale qui se tiendra à Kampala, en Ouganda du 30 mai au 11 juin 2010. La Conférence de révision est la première occasion pour les États parties d’examiner des propositions d’amendements au Statut de Rome et de faire le bilan de l’application et de l’impact de la Cour pénale internationale et du Statut de Rome depuis sa création le 1er juillet 2002.

Amnesty International reconnaît que, bien que des progrès significatifs aient été réalisés au cours des sept dernières années, l’action de la Cour est menacée – non par des adversaires de la justice internationale – mais par l’inaction de ceux qui la soutiennent et ne parviennent même pas parfois à prendre des mesures élémentaires pour appliquer leurs engagements envers la justice internationale et la Cour.

Amnesty International a donc dressé une liste de neuf points qu’elle appelle tous les États à respecter avant la Conférence de révision. Si certains États n’arrivent pas à remplir ces critères à temps pour la Conférence de révision, l’organisation demande instamment aux gouvernements de s’engager formellement pendant la Conférence de révision à traiter les questions en suspens dès que possible.

Point 1 : Tous les États parties doivent adopter ou modifier leur législation afin de permettre à leurs autorités de mener des enquêtes et poursuites pour génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre et autres crimes de droit international dans le respect des exigences les plus strictes en matière de droit international et sans entraves. Chaque État partie reconnaît que, en vertu du principe de complémentarité, il a pour obligation première d’enquêter et d’engager des poursuites réelles sur les crimes commis devant les tribunaux nationaux. La Cour ne doit constituer qu’un ultime recours lorsque les États ne veulent ni ne peuvent véritablement poursuivre en justice. Pour que le système de complémentarité fonctionne et pour éviter un afflux de dossiers à la Cour, un examen complet des lois nationales existantes doit être mené et de nouvelles lois adoptées ou des lois existantes modifiées. À ce jour, moins de la moitié des 110 États parties l’ont fait et beaucoup de lois présentent de sérieuses lacunes.

Point 2 : Tous les États parties doivent légiférer en vue de renforcer leur coopération avec la Cour pénale internationale. Le Statut de Rome exige expressément des États parties qu’ils coopèrent pleinement avec la Cour dans les enquêtes et poursuites qu’elle mène pour les crimes relevant de sa compétence (article 86) et énumère quelques formes spécifiques de coopération pouvant être requises (article 93). En outre, l’Assemblée des États parties a publié un rapport détaillé sur la coopération lors de sa sixième session en 2007 établissant 66 recommandations pour les États parties. Il est à regretter que moins de la moitié des 110 États parties aient légiféré en vue de renforcer leur coopération et que les lois adoptées présentent de sérieuses lacunes.

Point 3 : Tous les États parties doivent ratifier l’Accord sur les privilèges et immunités de la Cour pénale internationale. L’Accord, qui a été adopté par l’Assemblée lors de sa première session en 2002, définit les privilèges et immunités nécessaires au fonctionnement de la Cour et essentiels pour garantir la pleine coopération d’un État partie. À ce jour, seulement 62 des 110 États parties ont ratifié l’Accord.

Point 4 : Tous les États parties doivent conclure avec la Cour un accord sur la protection et la réinstallation des témoins. Le travail de la Cour implique que, même lorsque des précautions strictes sont prises, victimes et témoins peuvent, en raison de leur interaction avec la Cour, se retrouver en situation de danger telle que leur réinstallation dans un autre pays est nécessaire. Les États parties doivent donc aider la Cour en accueillant victimes et témoins en danger et en s’engageant à leur fournir les services essentiels à leur intégration. Une protection efficace des victimes et des témoins est un élément clé dans l’enquête et la poursuite des crimes relevant de la compétence de la Cour et n’est donc pas facultative. Amnesty international s’inquiète de ce que dans son rapport sur la coopération, communiqué à l’Assemblée lors de sa dernière session, la Cour évalue à 40% seulement le taux global de réinstallations réussies. Cela est inacceptable. Des mesures urgentes doivent être prises par les États parties pour rendre leurs pays disponibles pour des réinstallations.

Point 5. Tous les États parties doivent conclure avec la Cour un accord relatif à l’exécution des peines d’emprisonnement. Le chapitre X du Statut de Rome prévoit que les peines d’emprisonnement soient accomplies dans les établissements pénitentiaires des États disposés à recevoir des condamnés. Ces établissements doivent satisfaire aux normes internationales. Amnesty International s’inquiète que seuls deux États jusqu’à maintenant (tous deux Etats parties européens) se soient engagés à accepter des condamnés en concluant avec la Cour un accord relatif à l’exécution des peines d’emprisonnement. Avec l’ouverture des premiers procès, il est important que tous les États parties dans lesquels les conditions carcérales sont conformes aux normes internationales concluent avec la Cour des accords afin que celle-ci dispose de lieux d’incarcération dans toutes les régions ; les autres doivent mettre leurs prisons en conformité avec ces normes de façon à pouvoir conclure des accords identiques.

Point 6 : Tous les États parties doivent désigner des points de contact nationaux pour favoriser la coopération. Les communications entre États parties et la Cour sont vitales pour garantir une coopération efficace. Sans canaux de communication clairs, les demandes de coopération de la Cour risquent de rester sans réponse. Amnesty International note que dans son Rapport à l’Assemblée sur la Coopération, la Cour affirme que « plus de 40 États n’ont pas encore désigné de point de contact permanent responsable de la coopération. »

Point 7 : Tous les États parties doivent désigner des points de contact nationaux pour le Plan d’action de l’Assemblée des États Parties pour parvenir à l’universalité et à la mise en oeuvre intégrale du Statut de Rome de la Cour pénale internationale et répondre à l’enquête annuelle sur les activités des États. Amnesty International soutient fermement le Plan d’action de l’Assemblée pour parvenir à l’universalité du Statut de Rome . Depuis son adoption en 2006 toutefois, des signes inquiétants sont apparus montrant que dans la pratique la plupart des États parties ne prennent aucune mesure pour l’appliquer. Les réponses à l’enquête annuelle sur les mesures prises pour appliquer le Plan, envoyée aux États parties par le secrétariat de l’Assemblée, ont été limitées. Seuls 29 des 110 États parties ont répondu au questionnaire de 2009 à ce jour.

Point 8 : Tous les États parties doivent faire des contributions annuelles volontaires au Fonds au profit des victimes créé par la Cour pénale internationale. Le Fonds, créé conformément à l’article 79 du Statut de Rome, a été créé pour fournir aux victimes une aide indispensable et permettre le versement des réparations ordonnées par la Cour (lorsque la personne condamnée est dans l’incapacité de le faire). Maintenant que le Fonds est opérationnel, il est important que les États parties lui versent des contributions volontaires régulières pour lui permettre de mener à bien ces tâches importantes.

Point 9 : Les États qui ont fait des déclarations constituant des réserves prohibées au Statut de Rome doivent les retirer. Amnesty International note que plusieurs États, parmi lesquels l’Australie, la Colombie, la France, Malte et le Royaume-Uni ont fait des déclarations qui, selon l’analyse juridique d’Amnesty International (Cour pénale internationale : Déclarations constituant des réserves prohibées su Statut de Rome, IOR 40/032/2010), équivalent à des réserves et sont donc interdites par l’article 120 du Statut de Rome. Ces déclarations en contradiction avec le Statut de Rome doivent être retirées immédiatement.

Amnesty International prévoit de publier un ou plusieurs documents destinés à être distribués avant la Conférence de révision, indiquant si les États parties respectent les critères fixés.

Amnesty International prépare actuellement un rapport détaillé, qui sera rendu public en mai, sur les amendements avant la Conférence de révision et les éléments mis à l’examen de l’ordre du jour.

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