Communiqué de presse

Arabie saoudite. Des défenseurs des droits humains risquant jusqu’à 11 ans de prison font appel

En formant un recours contre leur condamnation mardi 28 mai, deux membres d’une éminente organisation saoudienne de défense des droits humains espèrent obtenir justice, à l’heure où ce royaume du Golfe s’en prend de plus en plus souvent aux militants, a déclaré Amnesty International.

Le 9 mars, la Cour pénale de Riyadh a condamné Mohammad al Qahtani et Abdullah al Hamid à 10 et 11 ans de prison respectivement. Les faits qui leur sont reprochés sont en relation avec leur rôle de co-fondateurs de l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA) ; ils ont ainsi été inculpés de désobéissance au souverain, de création d’une organisation interdite, d’incitation au désordre en appelant à des manifestations, et d’atteinte à l’image de l’État en diffusant de fausses informations auprès de groupes étrangers.

Outre ces lourdes peines de prison, leurs condamnations incluent une interdiction de voyager d’une durée équivalente après leur libération. En avril, ils se sont vu accorder un mois seulement pour faire appel de ces condamnations après avoir reçu un exemplaire écrit de leur jugement commun, long de plus de 200 pages et daté du mois précédent.

« Les charges retenues contre ces hommes sont totalement injustes et constituent une nouvelle tentative des autorités de restreindre les libertés fondamentales. Ces condamnations doivent être immédiatement annulées »
, a indiqué Ann Harrison, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

« Ces hommes sont des prisonniers d’opinion, et doivent par conséquent être libérés immédiatement et sans condition. Leur action non violente de lutte contre les atteintes aux droits humains est perçue comme une violation par les autorités – le seul coupable dans cette affaire est le gouvernement. »

Abdul Aziz al Hussan, le principal avocat des deux hommes, a décidé de quitter le pays après avoir subi un interrogatoire dans les 24 heures ayant suivi sa publication d’un tweet selon lequel il avait rendu visite à ses clients en prison en mars. À son arrivée à la prison d’al Malaz à Riyadh le 11 mars, il avait trouvé Mohammad al Qahtani et Abdullah al Hamid avec des menottes aux poignets, que les gardiens ont refusé de leur enlever.

Les autorités saoudiennes ont plus tard nié que ces hommes portaient des entraves, mais d’autres personnes ont confirmé la déclaration de l’avocat, notamment des parents qui avaient rendu visite aux deux hommes la veille. Ils ont peu après été transférés à la prison d’al Hair, également à Riyadh, dans le quartier destiné aux personnes condamnées au pénal.

Abdul Aziz al Hussan a déclaré à Amnesty International qu’il pense que les poursuites judiciaires engagées contre ses clients sont motivées par des considérations purement politiques, ajoutant que la branche exécutive de l’État saoudien s’immisce constamment dans les affaires judiciaires, et que « même s’il existe des juges indépendants, la justice n’est pas indépendante ».

Abdullah al Hamid, qui est diabétique, n’a toujours pas reçu de soins médicaux adaptés et a récemment été transféré à l’hôpital pour une opération à l’œil.

La semaine dernière, les deux hommes ont pu s’entretenir avec leur autre avocat. Mohammad al Qahtani aurait dit à celui-ci : « ces procès sont purement politiques, c’est ce qui ressort clairement des interrogatoires et des procédures, qui portaient principalement sur mes tweets, mes apparitions dans les médias et mes opinions politiques ».

« Les persécutions que continuent à subir les défenseurs des droits humains dénotent, de la part du gouvernement, un mépris alarmant pour les organisations indépendantes. Les autorités saoudiennes doivent cesser de harceler les militants, libérer les prisonniers d’opinion, notamment Mohammad al Qahtani, Abdullah al Hamid, Abdulkareem Yousef al Khoder et Mohammed Saleh al Bajady, et permettre aux défenseurs des droits humains de poursuivre librement leur action légitime », a ajouté Ann Harrison.

Les fondateurs de l’ACPRA toujours victimes de harcèlement

Dans son jugement de mars, la cour a également ordonné la dissolution de l’ACPRA, la confiscation de ses biens et la fermeture de ses comptes sur les médias sociaux.

L’ACPRA a été fondée en 2009 et, bien qu’elle ait dû fonctionner sans licence, est devenue depuis lors l’une des plus éminentes organisations indépendantes de défense des droits humains en Arabie saoudite, qui sont en très petit nombre. Cette organisation a fait état de diverses violations des droits humains et aidé de nombreuses familles de personnes détenues sans inculpation à porter plainte contre le ministère de l’Intérieur.

Fowzan al Harbi, autre co-fondateur et actuel vice-président de l’organisation, fait également l’objet d’une enquête depuis le 11 mai 2013, et doit répondre d’accusations similaires à celles portées contre ses collègues. Ses efforts continus visant à garder l’ACPRA en activité malgré la décision de justice ordonnant sa dissolution pourraient lui valoir une peine encore plus lourde. Il est à craindre qu’il soit bientôt jugé et emprisonné avec ses collègues.

Abdulkareem al Khoder, autre co-fondateur, a subi un interrogatoire en même temps que les deux militants faisant appel de leur condamnation, et son procès pour des faits similaires se déroule actuellement. Le 25 avril 2013, il a été placé en détention pour quatre mois à la suite d’une décision de justice arbitraire après avoir refusé d’assister à son procès, en signe de protestation contre le fait que le juge ait interdit à 10 femmes de suivre les débats.

Les trois hommes incarcérés rejoignent ainsi un autre co-fondateur emprisonné à l’issue d’un procès secret en 2012.

Mohammed al Bajady a été arrêté en mars 2011. Plus d’un an plus tard, le Tribunal pénal spécial – créé pour juger les cas en rapport avec le terrorisme – l’a condamné à quatre ans de prison, assortis d’une interdiction de quitter le territoire d’une durée de cinq ans. Cet homme a, semble-t-il, été déclaré coupable d’avoir participé à la création d’une organisation de défense des droits humains, entaché l’image de l’État à travers les médias, encouragé les familles de prisonniers politiques à manifester et à organiser des sit-in, contesté l’indépendance du pouvoir judiciaire et possédé des livres interdits.

Il n’a pas pu s’entretenir avec des avocats pendant son procès, et sa condamnation a été prononcée à huis clos. Ses proches sont sans nouvelle de lui depuis septembre 2012, lorsqu’il les a appelés pour les informer qu’il entamait une grève de la faim. Son avocat, Fowzan al Harbi, a déposé de nombreuses requêtes afin de pouvoir lui rendre visite, sans succès.

Plusieurs autres membres et fondateurs de l’ACPRA sont visés par une interdiction de voyager et font également l’objet d’enquêtes.

Complément d’information

La décision des autorités saoudiennes de dissoudre l’ACPRA s’inscrit dans une opération de répression plus large visant les défenseurs des droits humains, les blogueurs et les opposants.

L’opposition politique et la liberté d’expression sont fortement restreintes, et la critique de l’État n’est généralement pas tolérée.

Exception faite de la Commission saoudienne des droits humains, un organe gouvernemental, et de l’Organisation nationale de défense des droits humains, également contrôlée par l’État, aucune organisation de défense des droits humains n’est approuvée par le gouvernement.

Quelques organisations non gouvernementales locales de défense des droits humains ont essayé de se faire enregistrer mais ont essuyé un refus et sont obligées de fonctionner sans licence. Des membres de plusieurs d’entre elles ont été arrêtés et incarcérés sous divers prétextes.

Aux termes de la Déclaration universelle des droits de l’homme, toute personne a droit à la liberté de réunion et d’expression, et a le droit de circuler librement. Les restrictions apportées à ces droits ne sont pas autorisées sauf lorsque la législation les prévoit ; elles doivent se rapporter à des objectifs considérés comme légitimes dans le droit international, c’est-à-dire : la protection de la sécurité et de l’ordre publics, de la santé ou de la morale, ou encore des droits et libertés d’autrui. Et il doit être possible de prouver qu’elles sont nécessaires et proportionnées à la réalisation du but ainsi visé.

Le droit de tout personne à la liberté d’association inclut la possibilité de créer une organisation et de participer à ses activités.

En outre, la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme souligne que chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir et d’œuvrer pour la protection et la réalisation des droits de l’homme, et que chaque État a la responsabilité de s’assurer que les personnes sous sa juridiction – individuellement ou en association avec d’autres, sont en mesure de bénéficier de tous ces droits en pratique.

Pour plus d’informations, veuillez consulter les documents suivants :

http://www.amnesty.org/en/news/saudi-arabia-court-orders-arbitrary-detention-human-rights-defender-2013-04-25

http://www.amnesty.org/fr/library/info/MDE23/015/2013/fr

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