Arménie/Azerbaïdjan, Il faut enquêter d’urgence sur les crimes de guerre

Carte Arménie Azerbaïdjan

Les forces azerbaïdjanaises et arméniennes ont commis des crimes de guerre lors des récents affrontements dans le Haut-Karabakh, a déclaré Amnesty International après avoir authentifié des vidéos qui montrent la décapitation de captifs et la profanation de cadavres des forces ennemies.

Amnesty International a analysé 22 vidéos dans lesquelles on peut voir des exécutions extrajudiciaires et des mauvais traitements infligés à des prisonniers de guerre et d’autres captifs, ainsi que la profanation de cadavres de soldats ennemis.

Deux vidéos montrent des exécutions extrajudiciaires par décapitation effectuées par des membres de l’armée azerbaïdjanaise, tandis qu’une troisième montre un garde-frontière azerbaïdjanais se faire égorger.

Ces vidéos ont été partagées sur des comptes et des groupes privés sur Telegram au cours des trois dernières semaines. Le Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises d’Amnesty International s’est appuyé sur des techniques de vérification numérique pour confirmer leur authenticité.

« La perversité et l’absence d’humanité qui ressortent de ces vidéos reflètent l’intention délibérée de causer des préjudices inouïs et d’humilier les victimes, en violation flagrante du droit international humanitaire. »

« Au cours des récents combats qui ont eu lieu dans le Haut-Karabakh, des membres de l’armée des deux camps se sont conduits de manière horrible, faisant preuve d’un mépris total pour les lois de la guerre, a déclaré Denis Krivosheev, directeur des recherches pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale à Amnesty International.

« La perversité et l’absence d’humanité qui ressortent de ces vidéos reflètent l’intention délibérée de causer des préjudices inouïs et d’humilier les victimes, en violation flagrante du droit international humanitaire.

« Les autorités azerbaïdjanaises et arméniennes doivent mener sans délai des investigations indépendantes et impartiales afin d’identifier tous les responsables. Les auteurs, mais aussi les officiers ayant ordonné, autorisé ou cautionné ces crimes doivent être traduits en justice. »

L’enquête d’Amnesty International a permis de certifier l’authenticité de ces enregistrements et les tests techniques effectués sur les vidéos indiquent que les fichiers n’ont pas été falsifiés. Les blessures ont été vérifiées de manière indépendante par un médecin légiste externe.

Décapitations et mutilations imputables à l’armée azerbaïdjanaise

Dans la vidéo d’un premier épisode de violence, on peut voir un groupe d’hommes portant l’uniforme de l’armée azerbaïdjanaise maintenir à terre un homme qui se débat, pendant qu’un autre soldat le décapite à l’aide d’un couteau. Le bourreau est identifiable comme soldat azerbaïdjanais grâce au type de camouflage de son uniforme, au drapeau azerbaïdjanais sur son épaule et au patch sur sa manche qui mentionne son groupe sanguin, ce qui est la norme chez les soldats azerbaïdjanais. La victime est torse nu et ne porte que des sous-vêtements et un pantalon. Après la décapitation, la foule applaudit et acclame avec enthousiasme.

Dans la deuxième vidéo portant sur ces mêmes faits, la tête de la victime a été placée sur une carcasse de porc. Les hommes parlent en azéri et le microphone de la caméra enregistre les commentaires qu’ils adressent à la victime : « Tu n’as pas d’honneur, c’est comme ça que nous vengeons le sang de nos martyrs » et « C’est comme ça que nous nous vengeons, en coupant des têtes ». Des sources ont confirmé à Amnesty International que la victime était un civil arménien.

Dans une autre vidéo, on distingue deux hommes vêtus d’uniformes qui concordent avec l’armée azerbaïdjanaise : on voit clairement un drapeau azerbaïdjanais sur l’épaule droite de l’un des deux et un casque ne couvrant pas les oreilles habituellement réservé aux forces spéciales. La victime est un homme âgé habillé en civil, qui est plaqué au sol. Il est filmé en train de les supplier de l’épargner, répétant : « Par la grâce d’Allah, je vous en supplie. »

Cet homme parle en azéri, mais n’a pas l’accent azerbaïdjanais. Amnesty International pense qu’il s’agit très probablement d’un habitant arménien du Haut-Karabakh. On entend l’un des hommes dire « Attrape ! » et il tend un couteau au deuxième homme, qui commence à couper brutalement la gorge du vieil homme avant que la vidéo ne s’interrompe brusquement.

Homicide intentionnel d’un garde-frontière azerbaïdjanais

Dans le troisième fait de violence, un homme vêtu de l’uniforme de la patrouille azerbaïdjanaise des frontières est étendu au sol, bâillonné et ligoté. L’auteur de la vidéo s’adresse à lui en arménien, puis s’approche et lui plante un couteau dans la gorge.

D’après les médias azerbaïdjanais, le captif a été tué à ce moment-là et s’appelle Ismail Irapov. Il ne meurt pas pendant que la scène est filmée, mais une analyse médicolégale indépendante a confirmé que la blessure infligée a dû causer sa mort en quelques minutes.

Atteintes à la dignité de la personne et traitements inhumains

Onze autres vidéos montrent des violations imputables aux forces arméniennes et sept aux forces azerbaïdjanaises. Dans plusieurs enregistrements, on peut voir des soldats arméniens couper les oreilles de soldats azerbaïdjanais morts, traîner un soldat azerbaïdjanais mort sur un terrain avec une corde attachée à ses pieds et se tenir debout sur le cadavre d’un soldat azerbaïdjanais. Dans d’autres, des soldats azerbaïdjanais frappent et donnent des coups de pied à des prisonniers arméniens ligotés, qui ont les yeux bandés, et les contraignent à faire des déclarations contre leur gouvernement.

Le droit international humanitaire interdit expressément de se livrer à des actes de violence contre une personne détenue, notamment les prisonniers de guerre, de mutiler des cadavres et de filmer des « aveux » ou des dénonciations à des fins de propagande.

La troisième Convention de Genève dispose : « Les prisonniers de guerre doivent être traités en tout temps avec humanité […] En particulier, aucun prisonnier de guerre ne pourra être soumis à une mutilation physique […] Les prisonniers de guerre doivent de même être protégés en tout temps, notamment contre tout acte de violence ou d’intimidation, contre les insultes et la curiosité publique. Les mesures de représailles à leur égard sont interdites. »
L’homicide intentionnel, la torture ou les traitements inhumains, et les atteintes à la dignité de la personne, en particulier les traitements humiliants ou dégradants et la profanation des cadavres, constituent des crimes de guerre.

Complément d’information
Le 27 septembre, des affrontements violents ont éclaté, opposant l’Azerbaïdjan à l’Arménie et aux forces soutenues par l’Arménie dans la région du Haut-Karabakh. Au cours des mois qui ont suivi, les deux camps impliqués dans le conflit ont échangé des tirs d’artillerie et de missiles.

Amnesty International a demandé à toutes les parties au conflit de respecter pleinement le droit international humanitaire et de protéger la population civile contre les répercussions des hostilités. Les combats se sont terminés par la signature de l’accord de cessez-le-feu du Haut-Karabakh le 9 novembre.

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