Les autorités nigériennes doivent immédiatement abandonner les charges contre trois journalistes dont le procès s’ouvre aujourd’hui à Niamey, la capitale du pays, a déclaré Amnesty International.
Les journalistes Ali Soumana et Moussa Dodo, respectivement propriétaire et directeur de publication du journal Le Courrier ont été interpellés et placés en garde à vue le 4 juin dernier. Au moment de leur arrestation, ils ont été accusés de publication de documents compromettant pour plusieurs personnalités. Le procureur de la République les a par la suite inculpés pour avoir divulgué des documents saisis lors d’une perquisition, et jeté le discrédit sur une décision de justice. Les documents en question étaient déjà dans le domaine public. Le troisième journaliste également imprimeur du Le Courrier a, pour sa part, obtenu la liberté provisoire mais est toujours poursuivi pour complicité.
« Pour les inculper, le procureur de la République s’est basé sur le code de procédure pénale au lieu de la loi sur la presse. Cela constitue une violation du droit à la liberté de l‘information », a déclaré Gaëtan Mootoo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest chez Amnesty International.
« Les autorités doivent libérer ces journalistes qui n’ont fait qu’exercer leur métier, et annuler toutes les charges qui pèsent contre eux ».
En juin 2015, le ministère de la Fonction publique du Niger avait organisé un concours de recrutement de professionnels de la santé. Emaillé de fraudes, le concours a finalement été annulé par le gouvernement qui a demandé au parquet d’ouvrir une enquête en vue d’identifier les responsables. L’enquête a abouti en avril dernier, à l’arrestation, à la détention et au jugement en flagrant délit des fonctionnaires coupables. Au cours de leur procès, ils ont déclaré avoir agi sous l’ordre de hautes personnalités de l’état qui ont nommément été citées.
Pour leur part, les journalistes du Le Courrier ont mené des investigations leur ayant permis de publier la liste des personnalités impliquées dans cette affaire de fraude. Elle contient les noms de la Première dame du Niger, de ceux du président de la Cour constitutionnelle, du chef d’état-major de l’armée, et d’un responsable de parti politique. Ces personnalités auraient envoyé aux fonctionnaires chargés de l’organisation du concours, les noms de personnes déclarées admises sans même y avoir pris part.
Amnesty International estime que ces journalistes ne devaient pas être inculpés car n’ayant fait qu’exercer leur métier. L’organisation s’inquiète par ailleurs, de la vague d’arrestations arbitraires d’opposants ou de personnalités de la société civile ayant cours depuis les élections de mars dernier au Niger.
Le 14 juin dernier, Ousmane Abdoul, président du Cadre d’action pour la démocratie et les droits humains, a été placé en garde à vue pour avoir publié sur sa page Facebook un commentaire portant sur la situation du pays. Il est poursuivi pour "proposition faite de former un complot en vue d’un changement constitutionnel".
« L’arrestation de ce défenseur des droits humains crée un dangereux précédent car les utilisateurs des réseaux sociaux tels que Facebook pourraient être empêchés de s’exprimer librement ; ce qui ouvre la voie à des abus et à la répression de toute dissidence », a déclaré Gaëtan Mootoo.
« L’exercice du droit à la liberté d’expression doit être protégé et promu. Le gouvernement nigérien doit immédiatement abandonner les charges retenues contre Ousmane Abdoul et le libérer sans condition ».